SPIELMANN François

Par Françoise Olivier-Utard

Né le 11 juin 1924 à Mutzig (Bas-Rhin), mort le 9 juillet 1996 à Mutzig ; maçon ; communiste, militant CGT dans le Bas-Rhin ;incorporé de force évadé de l’armée allemande, puis prisonnier dans le camp soviétique de Tambov ; membre du comité fédéral du Bas-Rhin en 1948-49, puis de 1953 à 1959, membre de la commission de contrôle financier en 1952, secrétaire de la section syndicale CGT des Forges de Strasbourg en 1950, conseiller municipal de Mutzig de 1977 à 1995, adjoint au maire de 1981 à 1995.

Son père, Aloyse Spielmann, était installateur sanitaire. C’était un militant communiste. Sa mère, Françoise Munch, était femme de ménage, catholique. Le couple eut trois enfants, dont François était l’aîné. François Spielmann obtint le certificat d’études primaires en 1938. Il adhéra aux JC de Mutzig. Les 12 jeunes qui composaient le groupe se réunissaient chez Léon Steck*.

F. S. fut embauché d’abord chez Couleaux, à Mutzig, où il échappa, parce qu’il n’était pas encore majeur, à une condamnation pour distribution de tracts d’un parti interdit, en 1939. Il eut ensuite des emplois très précaires, de quelques mois, à la scierie André, à la carrière Wenger-Petit à Hersbach et à la brasserie de Mutzig en remplacement des brasseurs incorporés dans l’armée française. A leur retour, en août 1940, il fut licencié. Une période de chômage s’en suivit dans l’Alsace annexée de fait au Reich. Il retrouva un emploi chez Wagner-Travaux publics en décembre 1940, pour la réfection du pont de la Bruche à Mutzig.
Il aida Léon Steck à ravitailler les prisonniers français internés dans l’ancienne caserne de Mutzig. Joseph Ott-père* le chargea de la liaison clandestine avec l’entreprise ex-Bugatti de Molsheim, transformée en usine de guerre. Il allait chercher les tracts à Duttlenheim en vélo, distribuait l’Humanité clandestine. Il cacha dans la forêt des armes fabriquées artisanalement à partir des explosifs de la carrière et de capsules de chez Couleaux, qui ne purent être utilisés en raison de la rapidité de la mise en application du dispositif répressif nazi : arrestations, surveillance par l’intermédiaire des organisations nazies, déportation des familles pro-françaises, puis service du travail obligatoire et incorporation de force dans la Wehrmacht.

Le 17 avril 1942, il fut envoyé au service du travail obligatoire du Reich, le RAD, à Rastatt (Bade), où il construisit des leurres d’objectifs pendant six mois. A peine de retour, le 27 octobre, il participa avec d’autres jeunes, dont Joseph Ott-fils* et Marthe Gress (Marthe Oltra*) à une distribution de tracts destinés aux jeunes dans des villages alsaciens, en simulant une excursion du dimanche, le jour où les nazis avaient convoqué toute la population adulte à des rassemblements. La voie était libre ! La semaine suivante, il fut incorporé dans la Wehrmacht à Leitmeritz (territoire des Sudètes). A Saverne, sur les wagons qui les transportaient en Allemagne, les jeunes Alsaciens avaient écrit Vive la France et avaient chanté la Marseillaise. Après une formation militaire de quatre semaines, il fut transféré à Cholm en Pologne, à proximité de la frontière de l’Union soviétique. Il y stationna trois mois. Puis il fut transféré en Tchécoslovaquie, à proximité de Prague, où l’on reconstituait la 6° armée allemande, défaite à Stalingrad. Là, les Alsaciens et Mosellans furent triés et renvoyés sur Cholm. Il partirent ensuite au sud de Dniepropetrovsk, en direction de Stalino. François Spielmann demanda à monter au front avec l’intention de s’évader. Ses deux tentative de désertion avec des camarades alsaciens, en juillet 1943, furent mise en échec, la première par l’explosion d’une mine, la seconde parce qu’ils étaient surveillés. Un peu plus tard, le 2 septembre, au cours d’une mission d’éclaireur, qu’il avait demandée parce qu’il ne voulait pas porter d’arme sur lui, il réussit à franchir seul les 300 m qui séparaient les fronts. Il lui fut difficile de faire comprendre aux soviétiques qu’il n’était pas un Allemand mais un Français incorporé de force. Il fut compris par un Allemand du comité Freies Deutschland auquel il précisa qu’il était volontaire pour combattre dans l’Armée rouge. Il demanda à ce moment-là, avec un certain nombre d’autres Alsaciens communistes déserteurs de la Wehrmacht, la création d’une brigade Alsace-Lorraine dans l’Armée rouge, mais, selon lui, De Gaulle la refusa. Après un premier regroupement à Charty, il fut transféré au camp 58, près de Moscou. Les Alsaciens-Mosellans furent à nouveau triés. Il fut alors transféré au camp soviétique de prisonniers de Tambov, affecté au Waldkommando, de décembre 1943 au 12 juin 1944. Il fit partie des 1500 Alsaciens-Mosellans rapatriés, choisis parmi les plus anciens valides du camp. Après un itinéraire compliqué (Téhéran, Haïfa) ils arrivèrent à Alger. Il fut interrogé au sujet de sa signature de la pétition pour une brigade Alsace-Lorraine de l’Armée rouge : les alliances se renversaient sous ses yeux.

Il fut affecté dans l’artillerie à Blida. Il s’engagea pour la durée de la guerre avec un nouveau livret militaire et un nouveau nom (Lochot), destiné à le protéger s’il devait être prisonnier des Allemands, mais l’avance des troupes alliées lui évita tout combat. Il choisit d’annuler son engagement lorsque l’Alsace fut libérée, et fut démobilisé à Chalon-sur-Saône le 22 août 1945.

De 1945 à 1948 il fut embauché dans diverses entreprises de bâtiment ou de travaux publics puis, à partir du 1er octobre 1948 aux Forges de Strasbourg, sur le site du Port du Rhin. Il travaillait sur le train de laminage à chaud. Secrétaire en 1950 de la section syndicale CGT des Forges, il organisa une grève qui aboutit mais lui valut d’être indésirable. Il quitta l’entreprise en avril 1951, mais comme il se trouvait désormais sur la liste noire du patronat, il ne pouvait compter trouver du travail sur Strasbourg. Il retourna dans la vallée de la Bruche et trouva des places dans plusieurs entreprises de travaux publics et de crépissage.

Il fit partie du comité fédéral du parti communiste du Bas-Rhin en 1948-49, puis de 1953 à 1959, et fut membre de la commission de contrôle financier en 1952.
François participa à une manifestation à l’occasion du départ des rappelés le 9 juin 1956. Il fut arrêté et accusé d’avoir crié devant la caserne Stirn à Strasbourg « Paix en Algérie » et « l’Algérie aux Algériens ». Le procès pour atteinte à la sûreté de l’État devant le tribunal correctionnel de Strasbourg eut lieu le 26 janvier 1957 : il était défendu par l’avocat communiste, Adrien Kaufmann*. La peine fut prononcée le 22 février. François Spielmann fut condamné à un mois de prison. Cette peine fut commuée par la cour d’appel de Colmar en une amende de 50.000 francs : 75.000 francs en fait. C’était une somme considérable que seule une souscription put couvrir.

Ayant perdu son emploi, Spielmann avait passé entre temps près d’un an à faire des reportages pour l’Humanité d’Alsace et de Lorraine, du 10 octobre 1956 au 1er août 1957. En 1962, il fut reconnu invalide du travail de 2e catégorie, et en 1965, alors qu’il travaillait depuis deux ans chez Zublin-Perrière, il fut déclaré invalide et dut cesser de travailler.

Il fut élu conseiller municipal de Mutzig en 1977. Aux élections municipales de 1981 il arriva en seconde position, et devint adjoint au maire. Il fut chargé des affaires sociales de la municipalité, d’autant qu’il était président de l’UNIAT (Union des invalides et accidentés du travail d’Alsace et de Lorraine). Il fut réélu jusqu’en 1995.

Renversé par un motard sur un passage clouté, il fut amputé d’une jambe et ne se déplaça plus qu’en fauteuil roulant.

Il s’était marié le 12 mars 1949 à Éléonore Bernhard, née le 7 mars 1930 à Nierderhaslach, (Bas-Rhin). Le couple eut trois enfants.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article172617, notice SPIELMANN François par Françoise Olivier-Utard, version mise en ligne le 15 mai 2015, dernière modification le 9 septembre 2015.

Par Françoise Olivier-Utard

Sources : Arch. Dép. Bas-Rhin, 756W (carton 13 OD 132), 544 D 12. — Les inconnus de la résistance, 1984, photo p. 127. — L’Humanité d’Alsace et de Lorraine, 2, 3 et 4 mai 1957, article de Boosz. — Témoignage dans le n° spécial de l’Humanité d’Alsace et de lorraine ; "Résistance", 1965, p. 27. — « Contribution du mouvement ouvrier dans l’Alsace annexée »- Supplément au Bulletin du Centre régional Alsace de l’Institut CGT d’histoire sociale, 1995. — Dernières Nouvelles d’Alsace, 11 juillet 1996. — Entretien avec sa veuve, le 13 octobre 1999. — Note de Léon Strauss.

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