COLLE Alfons, Cyriel.

Par Willy Haagen - Jean Puissant

Gand (Gent, pr. Flandre orientale, arr. Gand), 13 mars 1882 – Sint-Denijs-Westrem (aujourd’hui commune de Gand), 11 février 1968. Ajusteur-mécanicien puis contremaître, syndicaliste, dirigeant national du syndicat libéral, conseiller communal libéral de Gand, fils d’Isidore Colle et père d’Armand Colle.

Fils aîné d’une famille de huit enfants, Alfons Colle est le fils d’Isidore Colle, ouvrier et syndicaliste. Après des études moyennes, à l’école professionnelle de Gand, il entre comme ajusteur-tourneur à la filature de La Lys, puis aux usines Carels à Gand. Il évolue rapidement : technicien tourneur, il suit des cours et obtient les diplômes de géomètre arpenteur et de chef de travaux BTP. Il est alors engagé en 1913 comme chef de la section de tournage des usines automobiles Minerva dans la banlieue d’Anvers (Antwerpen, pr. et arr. Anvers). Syndiqué au syndicat libéral, il poursuit les activités syndicales de son père et devient secrétaire des métallurgistes gantois.

Durant la Première Guerre mondiale, Alfons Colle retourne à Gand et devient chef du service d’assistance aux évacués et réquisitionnés de la ville de Gand. À l’issue du conflit, il retourne à l’atelier mais très vite se tourne exclusivement vers ses activités syndicales. Dès 1919, il se consacre à l’organisation et à la centralisation des organisations syndicales libérales de la région gantoise. Dès 1920, avec Gustaaf Van Damme* de Wetteren, il cherche à regrouper les syndicats libéraux des deux Flandres (1922). Il en est le président et Van Damme, le secrétaire. À peine 3.000 syndiqués y sont toujours affiliés. Il multiplie les conférences et réunions, franchit les obstacles, y compris au sein du Parti libéral dont le Congrès national d’octobre 1920 vote pourtant une motion témoignant de… « sa sympathie au mouvement syndicaliste et mutualiste libéral et décide de lui prêter son appui le plus complet ».

La Fédération nationale des syndicats libéraux, fondée en 1904, devient en 1920 la Nationale centrale der liberale vakbonden (NCLV - Centrale nationale des syndicats libéraux) sous l’active direction d’Alfons Colle. La NCLV est alors exclusivement flamande et, paradoxalement, surtout la première caisse de résistance nationale dans le pays. Elle est présidée par le docteur Paul Lamborelle, député libéral de Malines (Mechelen, pr. Anvers, arr. Malines), jusqu’à sa mort en 1943. Alfons Colle cherche à l’étendre à l’ensemble du pays. Il est le véritable constructeur du syndicalisme libéral national en Belgique.

Il faut attendre néanmoins les années 1930 pour voir se multiplier les sections libérales en Wallonie, à Soignies d’abord, puis dans l’ensemble du Hainaut. La Centrale est surtout renforcée par l’adhésion du Syndicat libéral des services publics et des chemins de fer, issu d’une scission du Syndicat national des postes, télégraphe, téléphones et marine (CPPTM), lors de son adhésion à la Commission syndicale (CS) du Parti ouvrier belge (POB) en 1927. Alfons Colle obtient la centralisation la plus poussée par la mise en place de caisses nationales de chômage et de résistance en 1930. La crise économique entraîne la croissance des effectifs à la recherche d’assurance contre le chômage et le mouvement dépasse pour la première fois 60.000 en 1935. Colle en est désormais le directeur général. Vers 1938, la Centrale nationale devient la Centrale générale des syndicats libéraux de Belgique (CGSLB) dont le siège est inauguré boulevard Albert à Gand.

En 1940, Alfons Colle, comme d’autres syndicalistes, « par conviction ou par pragmatisme » (voir FANIEL J., VANDAELE K., 2011), est tenté par l’adhésion au syndicalisme corporatiste, créé sous l’égide de l’occupant allemand par Henri De Man, ancien président du POB : l’Union des travailleurs manuels et intellectuels (UTMI). Le syndicat libéral y adhère en novembre 1940 mais se retire après d’autres syndicats socialistes et chrétiens en février 1942. Ses activités sont désormais clandestines et ses bâtiments sont occupés par l’UTMI.

Le syndicat libéral ne joue aucun rôle dans l’élaboration du « Pacte social » de 1944. À l’issue de la guerre, le maintien d’Alfons Colle à la tête des syndicats libéraux est contesté en raison de son rôle au début de la guerre. Son exclusion du Parti libéral est demandée. Mais il est finalement maintenu avec un nouveau président au-dessus de tout soupçon, Adolf Van Glabbeke, lui aussi député libéral (Ostende) et futur ministre (décembre 1944). Le syndicat libéral est également reconnu comme troisième organisation syndicale représentative et peut donc accéder aux diverses commissions paritaires et autres institutions sociales (27 juillet 1946).

Le gouvernement socialiste-libéral (1954-1958) prend diverses mesures favorables aux syndicats libéraux. La grève de l’hiver 1960-1961 permet au syndicat libéral d’affirmer clairement sa distance à l’égard de ce type d’action syndicale. Lors de la création en 1961 du Parti de la liberté et du progrès (PLP), les Colle, Alfons le père et Armand le fils, qui ont appelé à voter libéral aux élections législatives précédentes, prennent leur distance, renforcée par l’hostilité croissante du nouveau parti à l’égard du syndicalisme, avec le parti. Sous sa direction, la CGSLB dépasse 100.000 affiliés et monte à 7% des syndiqués.

Dès 1948 à Zürich (Suisse), Alfons Colle organise, avec des Anglais, des Hollandais et des Suisses, une Union mondiale des organisations syndicales sur une base économique et sociale libérale. Refusant donc de rejoindre les organisations internationales conflictuelles que sont à ce moment la FSM (Fédération syndicale mondiale) et la Confédération internationale des syndicats libres (CISL). Colle en devient président, lors de la constitution définitive de l’Union mondiale, en fait représentée uniquement en Europe occidentale. Il garde ce mandat jusqu’à son décès en 1968. « C’est lui, dans le meilleur sens du terme, notre père aimé qui a lancé sur le plan international l’idée d’une politique sociale libérale », explique Narbel de l’Union suisse des syndicats autonomes.

Alfons Colle est le fondateur et directeur du Liberale syndicalist (1921), Le syndicaliste libéral (1923). Comme représentant de la CGSLB, il siège dans de nombreux organismes officiels et semi-officiels et notamment au Conseil supérieur de la famille, au Conseil central de l’économie, à la Commission économique et sociale du mouvement européen, au Conseil supérieur de la caisse nationale des congés payés, au Conseil supérieur des vacances populaires et du tourisme social, au Comité d’honneur de la collaboration Belgique-Pays-Bas-Luxembourg, au Conseil supérieur pour l’enseignement technique, au Conseil général de la Croix rouge de Belgique, au Comité national du logement social. Alfons Colle reste directeur général de la CGSLB jusqu’à sa mort en 1968, à l’âge respectable de quatre-vingt-six ans : il a laissé progressivement le relais à son fils Armand.

Alfons Colle est élu conseiller communal libéral de Gand en 1938, mais ne l’est plus après la guerre. Il est président de l’Harmonie royale de l’industrie. Alfons Colle est titulaire de nombreuses distinctions honorifiques : croix du mérite de la Ligue nationale des patriotes combattants (1951), officier de l’ordre de la Couronne (1959), commandeur de l’ordre de Léopold II (1962). Il est titulaire des brevets du front unique de Belgique 1914-1918 et 1941-1945, à titre de résistant et du diplôme de la section de la presse clandestine.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article172620, notice COLLE Alfons, Cyriel. par Willy Haagen - Jean Puissant, version mise en ligne le 28 avril 2015, dernière modification le 25 janvier 2022.

Par Willy Haagen - Jean Puissant

SOURCES : FANIEL J., VANDAELE K., « Histoire de la Centrale générale des syndicats libéraux de Belgique (CGSLB) », Courrier hebdomadaire du CRISP, n° 2123-2124, Bruxelles, 2011 – Het kamersplein, nieuwsbrief van het liberaal archiev, n°11, 2008 (icono : portrait par le peintre Opsomer).

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