SAUER Raoul, Raymond, Joseph [pseudonyme dans la Résistance : la Meuse, Coucou]

Par Frédéric Stévenot

Né le 19 mars 1898 à Autrecourt-et-Pourron (Ardennes), mort le 23 août 1972 à Remilly-Aillicourt (Ardennes) ; ouvrier mouleur, cultivateur, douanier ; militant syndical et communiste ; résistant au sein des Francs-tireurs et partisans (FTP) ; conseiller général ; député ; conseiller de la République.

Raoul Sauer
Raoul Sauer

Fils d’Albert Sauer, chauffeur âgé de trente-sept ans, et de son épouse Marie Augustine Lefèbvre, sans profession, âgée de trente-six ans, Raoul Sauer naquit au domicile de ses parents. Il se maria le 25 septembre 1920 à Haraucourt (Ardennes) avec Rose Dorothée Magot. Le couple eut deux enfants : Albert et Rémy.

Au moment de son recensement militaire, Raoul Sauer Sauer (matr. 436) était cultivateur et demeurait à Villiers-en-Plaine (Deux-Sèvres). Ses parents étaient alors restés dans les Ardennes, à Aucourt (canton de Raucourt).
Il fut incorporé le 2 mai 1917, au 147e régiment d’infanterie. Il passa au 87e régiment d’infanterie le 26 septembre suivant, puis au 265e le 13 juin 1918. Caporal le 17 octobre 1918, il rejoignit le 104e régiment d’infanterie le 15 février 1919. Raoul Sauer fut démobilisé le 14 juin 1920, muni d’un certificat de bonne conduite. En tant que père de deux enfants, il fut affecté en septembre 1923 à la classe 1914. Raoul Sauer fut classé dans l’affectation spéciale le 1er juin 1928 au titre du ministère des Finances, en tant que préposé des douanes (direction de Charleville). Raoul Sauer fut placé d’office dans la subdivision d’Amiens le 29 novembre 1935, avec sa mutation dans l’Aisne à Hirson. Il fut ensuite muté dans la 14e région militaire, au recrutement de Lyon le 16 février 1940. Raoul Sauer fut considéré comme démobilisé de fait à compter du 25 juin suivant. Il fut alors réintégré dans sa subdivision d’origine (Amiens), ayant rejoint Hirson.

Entre temps, Raoul Sauer déclara résider à Haraucourt (1920), puis à Augscourt (juin 1924), à Vivier-au-Court (janvier 1927), Vrigne-aux-Bois, Masgut (août 1931), Hirson (décembre 1935).

Titulaire du CEP, ouvrier mouleur jusqu’à la trentaine, Raoul Sauer fut mobilisé en 1916. Il devint douanier et constitua un syndicat qu’il dirigea pendant dix ans. Il adhéra au Parti communiste en 1920, et milita d’abord dans la région de Sedan (Ardennes). En 1935, il fut muté à Hirson (Aisne), où il poursuivit ses activités de militant syndical (il dirigea le syndicat des douaniers d’Hirson) et communiste.

Mobilisé en 1939 dans le bataillon douanier, il fut sanctionné une première fois pour son militantisme en décembre 1939, et fut déplacé en Savoie. Il persista et s’attira une seconde sanction en mai 1940. Il fut finalement révoqué par Vichy en septembre 1940. Raoul Sauer trouva une embauche pour lui, comme mouleur, et ses deux fils dans l’aciérie Aubert et Duval, aux Ancizes (Puy-de-Dôme). La famille s’installa alors à Saint-Georges-de-Mons. L’usine des Ancizes produisait des aciers spéciaux désormais destinés à l’armée allemande. Cette entreprise fut le premier terrain de résistance pour les Sauer.
C’est dès son arrivée que Raoul Sauer reprit contact avec le Parti, en retrouvant un ancien membre du Parti, Jean Planeix dit « Marius ». Ils établirent ensemble le contact avec la direction régionale du Parti ; ils réorganisèrent le Parti à l’usine des Ancizes où ils constituèrent une section. Raoul Sauer dit avoir été désigné comme représentant syndical quand il était aux Ancizes. Il reconstitua en effet le syndicat des métaux des Ancizes courant 1942, l’organisation s’opposant bientôt victorieusement aux déportations d’ouvriers. le sabotage méthodique de l’usine eut lieu ; le 1er mai 1944, un dernier sabotage immobilisa complétement l’entreprise.

En août 1943, Raoul Sauer fut désigné comme représentant syndical région Allier, sous le nom de « Coucou ». Il dit aussi avoir alors été responsable militaire de ce département. Il travailla avec « Sylvain » (nom de guerre) sous les ordres de Victor Joannès (alias « Émile »), chef interégional. Raoul Sauer était alors à Montluçon (Allier). Il y resta jusqu’à fin novembre 1943 avant de rentrer à Hirson à sa demande, en raison de la situation particulière de sa famille. L’instauration du STO entraîna en effet l’entrée en clandestinité et la séparation des deux fils Sauer. Fin 1943, Albert devint l’un des responsables FTP du département de l’Allier. Rémy de son côté fut affecté aux FTP de la région Gard-Lozère. L’épouse de Raoul Sauer demeurait ainsi seule avec sa mère infirme à 100 %, menacées d’expulsion par le patron de l’usine qui leur avait fourni meubles et logement.
À partir d’août 1943, Raoul Sauer était connu sous le pseudonyme de « La Meuse », et était considéré parmi ceux qui créèrent les premiers groupes de Francs tireurs et partisans français (FTPF) en Auvergne. Ses chefs furent Pierre Girardot (alias « Négro ») et Victor Joannès (alias « Émile »).

Probablement dans le courant de 1944, Raoul Sauer fut responsable de la tendance unitaire au BI de l’UD CGT du Puy-de-Dôme, se présentant à tort comme secrétaire de l’union départementale, car aucun accord n’avait été conclu entre communistes et socialistes. Il fut plus tard membre de l’UD reconstituée après la Libération.
Le 22 juillet 1944, il signa au nom des FTP l’accord d’unité entre les différents mouvements de résistance, celle-ci ayant été particulièrement difficile en Auvergne.
Un état de ses services établi en septembre 2002 par le Service historique de la Défense à la demande de Gilles Lévy, indique qu’il a été représentant FTPF à l’état-major régional des FFI d’Auvergne. Aucune autre fonction n’est précisée. Peut-on pour autant le considérer comme le chef régional des FTPF, comme plusieurs travaux historiques le présentent ? Sauer lui-même ne cite pas une seule fois ce titre dans les trois questionnaires biographiques qu’il remplit après-guerre.
Au moment de la Libération, il était responsable régional des Milices patriotiques. Il appartint ainsi à l’état major FFI, tout d’abord comme représentant des FTPF puis comme représentant des Milices patriotiques, participant aux opérations de libération du Puy-de-Dôme et de Clermont-Ferrand.
Raoul Sauer termina la guerre comme lieutenant-colonel FFI, et devint alors secrétaire du Comité départemental de Libération du Puy-de-Dôme jusqu’en mai 1945. A ce titre, il siégeait dans la Commission de criblage. Le 1er octobre 1944, il intervint à la réunion de section du Parti à Vertaizon pour présenter le rôle des Milices Patriotiques.
Il déclara également avoir été membre du Bureau régional du Puy-de-Dôme et représentant du PCF au Comité départemental de Libération (CDL) sous le pseudonyme de « Coucou », de 1944 — probablement l’automne — jusqu’au 11 juin 1945. L’un de ses supérieurs, Canard alias « Paul », écrivit à propos de Raoul Sauer qu’il « a réalisé du bon travail à l’état major FFI régional. Sérieux et dévoué, est bien à sa place comme représentant du PCF au CDL ».

D’après le registre matricule, Raoul Sauer a servi dans les FFI au camp FTPF Gabriel-Péri (Puy-de-Dôme) du 1er septembre 1943 au 14 juillet 1944. Il était affecté à l’état major régional FFI du même département du 15 juillet au 28 août 1944. Il continua à servir dans sa formation jusqu’au 5 janvier 1945, date à laquelle il rentra dans ses foyers (certificat d’appartenance n° 03232. BR-FFCI/FIN délivré par le général commandant le 8e région militaire en date du 12 août 1948).
Raoul Sauer obtint la médaille militaire par décret du 16 mai 1952 (JO du 23 mai)

Ses deux fils combattirent eux aussi dans la Résistance. Rémy, âgé de vingt-deux ans, devint chef régional des maquis dans le Gard, la Lozère et l’Ardèche, tandis qu’Albert occupa les mêmes fonctions dans l’Allier. À la Libération, ils reprirent leurs activités d’officiers mécaniciens dans l’armée de l’Air.

Réintégré dans l’administration des douanes comme brigadier, Raoul Sauer revint alors dans l’Aisne en mai 1945. Élu conseiller général d’Hirson, membre du comité fédéral du PCF (jusqu’au 7 juin 1959), il fut présenté aux élections cantonales le 23 septembre 1945 dans le canton de Guise. Le canton était alors détenu par Lucien Depreux, élu au premier tour des cantonales de 1937, et seul conseiller général communiste de l’avant-guerre. Maintenu par l’administration en janvier 1945, Lucien Depreux, déporté, était cependant mort au camp de Flossenburg en 1944. Une élection partielle eut lieu le 23 septembre 1945, et Raoul Sauer lui succèda en obtenant 4 279 voix (59,3 % des exprimés), contre 2 937 au socialiste indépendant Georges Pettgen, maire de Guise (40,7 %). Il devint vice-président du conseil général de l’Aisne lors de la session d’octobre 1945 puis en janvier 1948, mais il ne le fut plus en mai 1949. Aux cantonales de 1951, le canton de Guise fut conservé par les communistes : c’est le député Adrien Renard qui s’en empara au second tour, le 14 octobre.

Le 2 juin 1946, Raoul Sauer figura en quatrième position sur la liste du PCF en vue des élections à la seconde Assemblée constituante. Mais les résultats ne permirent pas d’être élu, pas plus que le 10 novembre 1946.

Raoul Sauer fut toutefois élu conseiller de la République le dimanche 8 décembre 1946, avec les voix de 382 grands électeurs de l’Aisne (sur 957 suffrages exprimés). Il devança ainsi le MRP Gargominy (259 voix), lui aussi élu, le socialiste Jean Pierre-Bloch (171 voix), Raffart, candidat du Rassemblement des gauches républicaines (83 voix), et l’industriel du sucre, Louis Ternynck, du parti républicain de la liberté (62 voix). Raoul Sauer siégea au Conseil de la République jusqu’en 1948. Il fut ensuite élu député de l’Aisne de 1951 à 1958.
Au Sénat, Raoul Sauer fut nommé membre de la commission des affaires économiques, des douanes et des conventions commerciales et de la commission des finances (26 janvier 1948).
Il porta une proposition de résolution, tendant à inviter le gouvernement à abroger l’arrêté du 22 avril 1948 du ministre des Travaux publics et des transports, supprimant les trains omnibus de voyageurs sur les lignes de Charleville-Hirson (par Auvillers), Charleville-Hirson (par Liart), Amagne-Sainte-Menehould, Charleville Reims, Sedan-Verdun et à maintenir le statu quo en attendant la réunion du conseil supérieur des transports [15 juin 1948] (I., n° 527). - Rapport, fait au nom de la commission des affaires économiques, des douanes et des conventions commerciales, sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant le Président de la République à ratifier l’accord signé à Paris le 9 décembre 1947 entre la France et le Luxembourg et relatif aux échanges frontaliers entre le Grand-Duché et les départements français de l’Est [29 juin 1948] (I., n° 629).

Interventions :

Intervient dans la discussion du projet de loi portant retrait de la circulation des billets de 5.000 francs. - Discussion des articles ; art. 2 : son amendement tendant à faire rembourser aux petits porteurs le montant de leur dépôt jusqu’à concurrence de 50.000 francs [30 janvier 19481 (p. 130) ; intervient dans la discussion du projet de loi portant reclassement de la fonction publique et amélioration de la situation des victimes de guerre. - Explication de vote [20 ’février 1948] (p. 414) ; intervient dans la discussion du projet de loi portant ouverture de crédits sur l’exercice 1948 (dépenses civiles de reconstruction et d’équipement). - Discussion des articles. - BUDGET DE L’AGRICULTURE. - Chap. 802 [17 mars 1948] (p. 768) ; participe à la discussion du projet de loi portant dégagement des cadres. - Discussion des articles : son amendement à l’article 1er tendant à la suppression du dernier alinéa du paragraphe A [22 juin 1948] (p. 1578) ; intervient dans la discussion du projet de loi portant redressement économique et financier [13 août 1948].- Discussion des articles ; art. 1er : son amendement tendant à préciser que les réformes ne pourront porter atteinte au statut de la fonction publique (p. 2383) ; intervient, en qualité de rapporteur de la commission des finances, dans la discussion du budget ordinaire de l’exercice 1948. - RAVITAILLEMENT. - Discussion générale [25 août 19481 (p. 2752). - Discussion des chapitres ; chap. 100 : amendement de M. Jarrié (p. 2762) ; chap. 102 : amendement de M. Jarrié (p. 2762) ; chap. 300 : amendement de M. Jarrié (p. 2763) ; chap. 308 : amendement de M. Jarrié (p. 2764) ; suite de la discussion [26 août 1948]. - AFFAIRES ECONOMIQUES. - Discussion des chapitres : son amendement au chapitre 100 visant la suppression des programmes de répartition (p. 2854) ; le retire (p. 2855) ; intervient dans la discussion de la proposition de loi concernant les fonctionnaires suspendus pour activité antinationale. - Discussion générale [20 septembre 1948] (p. 3194) ; intervient à l’article 12 du projet de loi fixant l’évaluation des voies et moyens du budget général pour 1948 [24 septembre 1948] (p. 3359).- Amendement de Mme Claeys au même article (p. 3360).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article172978, notice SAUER Raoul, Raymond, Joseph [pseudonyme dans la Résistance : la Meuse, Coucou] par Frédéric Stévenot, version mise en ligne le 14 mai 2015, dernière modification le 31 juillet 2022.

Par Frédéric Stévenot

Raoul Sauer
Raoul Sauer
Raoul Sauer, avant 1946. IHS GT Aisne
Raoul Sauer, avant 1946. IHS GT Aisne

SOURCES : SHD Vincennes GR 19 P 63/1, dossier général, p. 192. — Arch. Dép. Aisne, Délibérations du conseil général de l’Aisne (1945-1981), 3 MM 4, 7444, 10756. Arch. dép. Ardennes, 1R 316 (reg. matr., bur. de Mézières, 1918). — SHD Vincennes, 19 P 63/5 : liste des membres de la formation Gabriel-Péri ou 12e Bataillon comprenant les 1103e, 1104e, 1105e et 1106e compagnies FTPF du Puy-de-Dôme . — IHS CGT Aisne, doc. électoral, 10 nov. 1946. —La Liberté de l’Aisne (n° 48 du 8/9/1945, n° 56 du 3 novembre 1945, n° 82 du 11 mai 1946, n° 111 du 23 novembre 1946, n° 114 du 14 décembre 1946). — La Dépêche de l’Aisne (30 novembre 1946, 11 décembre 1946). — Jolly, Dictionnaire des Parlementaires, t. 1. — Arch. comité national PCF. Questionnaires biographiques de Raoul Sauer .— La Voix du Peuple, 21 octobre 1944. — Archives privées Alphonse Rozier. — Notice du DBMOF. Compléments par Eric Panthou. — État civil, Arch. dép. Ardennes, 2E034 11, Autrecourt-et-Pourron.

ICONOGRAPHIE : La Liberté de l’Aisne (n° 54 du 20 octobre 1945). IHS CGT Aisne

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