Par Léon Strauss
Né le 13 juillet 1884 à Schiltigheim (Basse-Alsace annexée), mort le 25 octobre 1947 à Strasbourg (Bas-Rhin) ; relieur ; syndicaliste, social-démocrate puis socialiste SFIO ; président du syndicat des relieurs (1911-1914) , conseiller municipal de Schiltigheim depuis 1914 , adjoint au maire de 1919 à 1925, maire de 1925 à 1940 et de 1944 à 1947, conseiller général du Bas-Rhin (1931-1940, 1945-1947).
Fils de Jean Sorgus, ouvrier tonnelier et de Catherine Seeger, tous deux catholiques. Il épousa en 1909 Caroline Sophie Heid, fille d’un marchand de primeurs. Relieur à l’imprimerie de l’Université à Strasbourg, il fut licencié à la suite d’une grève en 1909. De 1911 à 1914, il fut président du Buchbinderverband (syndicat des relieurs). Il avait adhéré au parti social-démocrate en juillet 1906 et devint rapidement l’un des principaux militants de l’arrondissement de Strasbourg-Campagne derrière le militant d’origine allemande, Richard Fuchs. En cette qualité, il assista au congrès SPD de Chemnitz en septembre 1912. Élu le 24 mai 1914 au conseil municipal de Schiltigheim, il fut nommé en décembre 1918 par la Haut-Commissaire de la République membre de la commission municipale provisoire. Réélu au conseil municipal dès le premier tour, le 30 novembre 1919, chef de la fraction socialiste très majoritaire, il laissa la mairie au maire sortant « démocrate » Emile Rhein, vraisemblablement en raison de l’ignorance de la langue française d la plupart des élus ouvriers, et devint son premier adjoint. Il devint maire de la ville en 1925 à la suite de l’élection d’un conseil municipal où tous les sièges appartenaient à la gauche et à l’extrême gauche et conserva cette fonction après les élections de 1929 et de 1935, mais depuis 1928, l’alliance communale avec les communistes était rompue. Elu conseiller général du canton de Schiltigheim en octobre 1931, il fut réélu en 1937. Il fut candidat aux législatives dans le Bas-Rhin en 1924 et à Strasbourg-Campagne en 1936. Vice-président de la fédération socialiste SFIO du Bas-Rhin en 1919, il resta fidèle à ce parti après la scission communiste de 1920-1921. Il fit adopter dès 1920 par le conseil municipal l’introduction de l’école laïque, mais cette délibération contraire au statut local fut annulée par la préfecture. En revanche, en 1925, les écoles communales devinrent « interconfessionnelles » : les élèves catholiques, protestants et autres ne furent plus séparés. Selon les principes du "socialisme municipal", il construisit pour cette ville ouvrière (devenue la seconde ville du Bas-Rhin en 1921) de nouvelles écoles primaires, des logements HBM (habitations à bon marché) et des lotissements de maisons monofamiliales, des bains-douches et une pouponnière. Sorgus organisa de grandes fêtes le 13 juillet 1939 pour célébrer le cent cinquantième anniversaire de la Révolution française. Le chanoine Robert Eber, secrétaire général de la Ligue des Catholiques d’Alsace avait appelé les parents d’élèves des écoles de la ville à refuser la participation de leurs enfants à un défilé « à caractère communiste » (alors que le conseil municipal ne comptait plus aucun communiste depuis 1935). L’inspecteur d’Académie Fourier avait également refusé d’autoriser des festivités prévues à cette occasion dans les écoles le 12 juillet, mais la municipalité et les maîtres passèrent outre à cette interdiction. Adolphe Sorgus dirigea quelques semaines plus tard le 1er septembre l’évacuation de sa commune en Haute-Vienne et installa sa mairie repliée à Saint-Junien, où son conseil municipal se réunit le 23 décembre 1939 et le 30 mars 1940.
Rapatrié à l’été 1940 en Alsace annexée de fait, il fut écarté de sa mairie (rattachée à celle de Strasbourg le 1er décembre 1940) par les nazis et dut travailler au Wirtschaftsamt (Office municipal des affaires économiques) de Strasbourg. Dès le mois de mai 1941, il organisa avec d’autres patriotes des rencontres régulières pour étudier l’état des esprits dans les entreprises, diffuser l’information de bouche en oreille et aider les prisonniers de guerre alliés. À la fin de 1942, ce comité le chargea de prendre contact avec le parti communiste : à cette fin il rencontra Émile Schaeffer*, au domicile de celui-ci, rue des Veaux à Strasbourg : ils tombèrent d’accord pour exprimer leur certitude de la défaite du Reich et du retour de l’Alsace à la France. Lors d’une seconde rencontre, quinze jours plus tard, ce dernier exprima son regret de ne pas continuer les contacts, puisqu’il était muté comme cheminot à Karlsruhe (Bade, Allemagne). Il lui promit cependant que les contacts seraient repris, mais Sorgus n’eut plus jamais de nouvelles du PC clandestin. Il participa à la fin de 1943, chez le brasseur René Hatt, à une entrevue avec les anciens conseillers généraux UPR (cléricaux-autonomistes ) Rossé et Gromer, où furent discutées les conditions d’une éventuelle autonomie provisoire de l’Alsace avant le rétablissement de la souveraineté française.
Dès la libération de sa commune, le 23 novembre 1944, Sorgus, membre du CDL du Bas-Rhin, reprit ses fonctions de maire et fut réélu en octobre 1945. Il était de nouveau membre du comité fédéral de la SFIO. Il figura sur la liste socialiste pour la première (octobre 1945) et la seconde Constituante (2 juin 1946), ainsi qu’aux législatives de novembre 1946. Réélu au Conseil général, il s’opposa le 23 avril 1947 au voeu du groupe MRP soutenu par les communistes demandant le retour à la réglementation du bilinguisme scolaire d’avant-guerre comportant l’enseignement de l’allemand à l’école primaire à partir du deuxième trimestre du Cours élémentaire, 1ère année : « Les enfants qui ont fréquenté l’école sous l’occupation n’ont appris que l’allemand. Malheureusement, ils ont encore appris certaines autres choses peu réjouissantes. Ces enfants doivent s’efforcer avant tout d’apprendre notre langue nationale. L’enseignement de la langue allemande ne devrait pas commencer avant 1950. C’est aux pédagogues, non au Conseil général, à trouver la solution qui s’impose pour étudier une langue étrangère. ». Aux élections municipales d’octobre 1947, sa liste socialiste fut devancée par celle du Rassemblement du Peuple français. Il mourut l’avant-veille de l’élection à la mairie du gaulliste Ritter. Malgré son anticléricalisme affiché, Adolphe Sorgus eut des obsèques religieuses. Il était chevalier de la Légion d’Honneur depuis 1938.
Par Léon Strauss
Sources : Arch. dép. Bas-Rhin, 286 D 344, 544 D 5. — Protokoll der Parteitages der SPD Chemnitz, 15-21.9.1912, Berlin, 1912. — Freie Presse, 1er septembre 1920, 13 juillet 1934, 13, 15-16 et 17 juillet 1939. — Presse Libre, 20 mai 1945, 30 mars et 26 mai 1946,7 novembre 1946, 28 et 30 octobre 1947. – La Presse libre de Strasbourg, Périgueux, 6-7 janvier , 6-7 et 13-14 avril 1940. — L’Humanité d’Alsace, 30 mai 1946 - Nouvel Alsacien, 25 octobre 1957. — J. Bernhard, Chronique de Schiltigheim et de son canton, 1966 ; M.Sturmel, Das Elsass und die deutsche Widerstandsbewegung (...), Oberrheinische Studien, V, 1980. — Encyclopédie d’ Alsace, t. XI . — DBMOF, t. 41, 1992, p.360. – Nouveau Dictionnaire de Biographie alsacienne , n° 35, 2000, p.3673. — Armand Peter (dir.), Schiltigheim au XXe siècle, Strasbourg, 2007.