JACOB Francis, Eugène

Par Jean-Philippe Tonneau

Né le 17 août 1930 à Strasbourg (Bas-Rhin), mort le 16 mai 2015 à Paris (XVe arr.) ; avocat ; communiste (jusqu’en 1985), secrétaire de la cellule Georges Pitard du Palais de Justice de Paris (1968-1972), co-fondateur du Syndicat des avocats de France (1973), membre de la LDH et président de la commission juridique de la Ligue des droits de l’Homme (LDH).

Francis Jacob naquit en 1930 à Strasbourg. Fils unique d’une famille de commerçants juifs, ses parents furent résistants pendant la Seconde Guerre Mondiale. Son père était un agent de liaison avec les FTP dans le Centre-Ouest, non loin des maquis du Limousin dirigés par Georges Guingouin.

Avocat par vocation dès ses huit ans, il aurait pu exercer à Metz ou à Strasbourg, notamment parce que son père était président d’une organisation de commerçants, ce qui était gage d’un certain apport de clientèle. Néanmoins, comme il se plaisait à le dire, il voulait « faire l’avocat » à Paris. Il rejoignit donc la capitale à sa majorité, demeura chez une cousine et débuta ses études de droit. Sa licence en droit obtenue, Francis Jacob fût d’abord employé chez un avoué en tant que clerc puis poursuivit sa jeune carrière de juriste comme secrétaire chez un agréé au tribunal de commerce – ces deux premiers emplois le formèrent à la procédure. Après l’obtention du Certificat d’aptitude à la profession d’avocat et sa prestation de serment en 1964, Francis Jacob débuta sa carrière au Barreau, en 1965, au sein du cabinet de Théodore Klein. Il fut alors avocat à la station Europe 1 (jusqu’en 1974), et répondit par exemple aux demandes juridiques des auditeurs. Il quitta ce cabinet en 1967, principalement pour des raisons de points de vue divergents sur la Palestine.

Sa véritable carrière d’avocat débuta alors. Secrétaire de la Conférence en 1967, il fut vice-président de l’Union des jeunes avocats de Paris en 1968 et secrétaire général de la Fédération nationale des unions des Jeunes avocats l’année suivante, mais également capitaine de l’équipe de football du Palais de Paris. Il rencontra l’avocat communiste Charles Lederman dont il intégra le cabinet en 1967. Francis Jacob adhéra au Parti communiste français en 1948, concomitamment à son installation à Paris. Son adhésion au parti paraissait entièrement liée à la Seconde Guerre mondiale : la libération des camps de la mort par l’Armée Rouge, le rôle du PCF dans la Résistance, ce parti était alors qualifié de « Parti des 75000 fusillés ». En 1968, il devint secrétaire de la cellule Georges Pitard, l’une des trois cellules communistes du Palais de Paris – les deux autres s’appelaient Antoine Hajje et Michael Rolnikas, trois avocats communistes fusillés en 1941. Sa cellule, se réunissant chez Charles Lederman, comptait, par exemple, Henri Douzon, avocat engagé dans les luttes anticoloniales à la fin des années 1940 auprès du Rassemblement Démocratique Africain.

Francis Jacob quitta le cabinet Lederman en 1970 pour des raisons de santé et s’installa, après un bref intermède de six mois au sein du cabinet du couple Cornevaux, en individuel jusqu’à sa retraite en 2002. La collaboration avec Charles Lederman fut décisive. Sa double appartenance au parti et au Barreau se lisait jusque dans sa clientèle puisque la majeure partie de celle-ci, si ce n’est la totalité, était liée au PCF. S’il n’était pas un avocat spécialiste de droit du travail, il devint l’avocat, comme il aimait à se présenter, « des affaires syndicales ». Ses clients institutionnels furent nombreux : la Fédération Autonome des Syndicats de Police, la CGT-Livre ou encore la CGT des usines Citroën de Javel lorsque l’organisation syndicale parvenait à y être majoritaire. En 1975, il fut l’un des avocats animateurs de l’affaire dite du Parisien Libéré. Membre du groupe d’avocats composé notamment de Robert Badinter, Roland Dumas, Charles Lederman ou encore Claude Michel, et en lien avec Marie Jacek du service juridique de la CGT, Francis Jacob parcourut les tribunaux de l’hexagone pour défendre les travailleurs grévistes du quotidien face au groupe Amaury.

En 1973, à partir d’une idée de Eddy Kenig, avocat communiste, un des responsables de la fédération de Paris, Francis Jacob créa, avec Claude Michel, le Syndicat des Avocats de France (SAF) – d’abord dénommé Organisation Syndicale des Avocats (OSA) – dont il fut le président jusqu’en 1978. Il cessa alors d’occuper le secrétariat de la cellule Pitard. Le terme syndicat utilisé par les deux avocats communistes n’était pas neutre. L’objectif était en effet, de se rapprocher des travailleurs. Toutefois, l’organisation nouvellement créée n’acquit la qualité juridique de syndicat qu’en 1978. Fervents défenseurs du programme commun, Francis Jacob et Claude Michel envisageaient le SAF comme une extension de l’union de la gauche au sein des Palais. Le SAF procédait d’un projet politique, la venue de confrères socialistes, comme celle d’avocats d’extrême gauche, était alors vivement recherchée en vue d’une relative parité.

Bien que les fondateurs du Syndicat soient membres du Parti, le SAF ne pouvait se définir comme une simple courroie de transmission du PCF au sein du monde judiciaire. Les relations entre les deux organisations étaient, toutefois, bien réelles : les correspondances avec Gaston Plissonnier ou Roland Leroy, la rédaction d’articles dans France Nouvelle, ou encore les relations avec Jacques Chambaz (alors à la Section des Intellectuels Communistes) en témoignent. Il s’agissait d’une autonomie relative dans le cadre de l’aggiornamento du PCF. Aussi, les avocats communistes plus anciens, tels Joë Nordmann ou Roland Weyl se sont-ils méfiés du SAF et n’eurent, avec l’organisation, que des relations distantes, alors que Charles Lederman ou Jules Borker s’en rapprochèrent.

Parallèlement à son activité professionnelle et à son engagement au PCF, Francis Jacob prit part à de nombreux combats. Il co-dirigea, par exemple, avec Nadia Ténine-Michel le comité pour la défense des libertés en Tchécoslovaquie créé autour d’Artur London.

A la suite de la rupture du programme commun, Francis Jacob, comme Claude Michel, prit ses distances avec le parti. Le SAF suivit ces évolutions et entendit, désormais, développer un projet syndical autonome. L’invasion en 1979 de l’Afghanistan par les troupes soviétiques consacra la prise de distance de Francis Jacob avec le parti. Il quitta finalement le PCF en 1985. Ses activités militantes se poursuivirent malgré tout : il présida par exemple, dès 1985, le Comité pour la démocratie au Paraguay.

La clientèle de Francis Jacob étant quasi-exclusivement liée au PCF, son départ de l’organisation l’obligea à recomposer son cabinet. Membre de la Ligue des droits de l’Homme depuis 1978, siégeant au comité central et présidant sa commission juridique, il fut partie civile pour l’association dans les procès Klaus Barbie, Paul Touvier et Maurice Papon.

À la fin de sa vie professionnelle, il connut de nouvelles responsabilités au Barreau. En 1997, il fut élu, sur la liste du SAF, au Conseil national des Barreaux et siégea, jusqu’à la fin de la mandature en 1999, au sein de la commission accès au droit.

Victime d’un accident vasculaire cérébral en 1999, il fût contraint de mettre un terme à son exercice professionnel en 2002. Francis Jacob se consacra alors à d’autres activités, en étant par exemple membre de l’association des amis de la République arabe sahraouie démocratique. Francis Jacob appartenait également, dans les dernières années de sa vie, à la Franc-maconnerie.

Francis Jacob était officier de la Légion d’honneur. Sa décoration lui fût remise par le président de l’Assemblée nationale, Raymond Forni, qu’il avait connu alors qu’il était avocat stagiaire.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article173010, notice JACOB Francis, Eugène par Jean-Philippe Tonneau, version mise en ligne le 19 mai 2015, dernière modification le 5 février 2022.

Par Jean-Philippe Tonneau

SOURCES : Entretiens avec Francis Jacob (28 janvier et 21 novembre 2005 ; 18 novembre 2011). — Portrait consacré par Claude Michel à Francis Jacob, paru dans Annales du Syndicat des Avocats de France – Tome 1. 1972-1992. Les vingt ans du SAF, Paris, SAF-Communication, 2004, p.17. —Jean-Philippe Tonneau, Le Syndicat des Avocats de France (1972-2012). Contribution à une socio-histoire du militantisme syndical dans le champ judiciaire, doctorat de sociologie (dir. Jean-Noël Retière), université de Nantes, 2014.

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