Par Jacques Girault
Né le 14 février 1913 à Haybes (Ardennes), mort le 12 juillet 1990 à Reims (Marne) ; instituteur : secrétaire de la section de la Marne du SNI ; conseiller général (1945-1956) et dirigeant communiste.
Son père, ardoisier, Léon Borgniet, mourut au front à Verdun en 1916. Sa mère se remaria avec son beau-frère, veuf et père d’une fille, Ernest Borgniet. Ancien mineur d’ardoise à Haybes, blessé de guerre, il vint à Reims avec sa famille qui vécut d’abord dans les baraquements pour réfugiés et sinistrés. Il entra dans la police et devint brigadier.
Léon Borgniet, qui avait reçu le baptême catholique, suivit les classes du cours complémentaire de Reims et entra à l’Ecole normale d’instituteurs de Châlons-sur-Marne (1929-1932). Il exerça comme instituteur à Montmirail, avant d’être nommé à Reims. Il se maria exclusivement civilement, en août 1933 à Reims, avec une institutrice, Raymonde Garnier, fille d’un militant anarchiste qui, refusant la mobilisation, avait vécu caché pendant toute la guerre et qui fut acquitté en 1922. Elle adhéra au Parti communiste après la guerre. Ils ne firent baptiser leurs deux filles.
Il effectua son service militaire (1934) dans l’aviation comme secrétaire, ou dans l’infanterie, selon les sources. Membre du Syndicat national des instituteurs et de la section interdépartementale de la Fédération CGTU de l’enseignement, membre du bureau de cette dernière, il entra au conseil syndical et au bureau de la section départementale du SNI (1936-1939). Engagé dans les mouvements de la gauche, membre d’aucun parti, il se sentait avant tout syndicaliste et pacifiste, membre des Combattants de la Paix. Sportif, il animait la section de football de l’amicale laïque à Montmirail, puis après 1936 le Club sportif du travail, affilié à la FSGT, créé à partir de la Bourse du travail de Reims.
Gréviste le 30 novembre 1938, Léon Borgniet ne condamna pas les communistes qui approuvaient le pacte germano-soviétique. Mobilisé en septembre 1939, évadé aussitôt après la capture de son unité lors de l’attaque allemande, très tôt, il reprit contact avec ses collègues enseignants et participa à la reconstitution clandestine du syndicat des instituteurs (juin 1943) sur les instructions du responsable clandestin de l’Union départementale CGT, en collaboration avec les militants de Libération-Nord avec lesquels il était en contact depuis le début de 1943. Il en fut le responsable à partir de novembre 1943 et participait à la confection de son bulletin. Responsable du Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France depuis novembre 1943 sous le pseudonyme de Merlin, il adhéra au Parti communiste (novembre 1943, selon son témoignage en 1975, en juillet 1944 selon les biographies remplies pour le PCF en 1945 et en 1950). Lieutenant des Francs-tireurs-partisans français dont il avait assuré le recrutement, il prit part à la formation d’une milice patriotique à la Libération.
Léon Borgniet fut détaché pour assurer le secrétariat (cadre et propagande) du Comité départemental de Libération. En mai 1945, il y présidait deux commissions, celle des déportés, prisonniers, internés, réfugiés et celle des municipalités. Parallèlement, secrétaire de la section départementale du SNI, il participait à la commission exécutive de l’Union départementale CGT. Il siégeait au conseil de gérance qui comprenait six gérants, du quotidien L’Union de Reims. Il en était le secrétaire général au titre du Front national de lutte pour la libération, l’indépendance et la renaissance de la France.
Dans la fédération communiste de la Marne, il occupa des responsabilités de premier plan : bureau fédéral (1944-1945), secrétariat fédéral (1946-1948) chargé de la propagande, ramené au bureau fédéral (novembre 1948-13 novembre 1949), rédacteur en chef de l’hebdomadaire fédéral La Champagne (août 1948-novembre 1949), comité fédéral. Il n’y fut pas réélu en mars 1950 et de plus fut relevé de sa fonction de co-gérant de L’Union de Reims. L’Union de Reims, qui avait obtenu tous les biens de l’ancien Eclaireur de l’Est, partageait des locaux avec La Liberté des Ardennes, journal communiste. L’Union voulut récupérer ses locaux et Borgniet en tant que gérant, travaillant à temps plein pour le journal quotidien, demanda aux dirigeants communistes des Ardennes de déménager. Il y avait en effet un besoin de locaux pour le journal qui ne cessait de se développer. Il en résulta, selon le rapport de Joinville (26 septembre 1951), de "grandes difficultés de la fédération".
Léon Borgniet avait été candidat à l’Assemblée nationale constituante en octobre 1945 avec l’étiquette (CGT-Front national) et élu conseiller général, réélu mais en 1956, le Parti communiste ne le représenta pas.
Lors de l’élection du bureau national du SNI à la proportionnelle, L’Ecole libératrice, en décembre 1947, annonça sa candidature individuelle puis son retrait. Secrétaire de la section du SNI, lors de la réunion du conseil national, le 22 novembre 1947, il présenta une motion réclamant une extension de la grève des instituteurs parisiens. Edmond Breuillard ayant demandé quelles seraient les sections qui entreraient en grève si la Seine continuait la grève, il fut le seul à répondre positivement au nom de sa section. Lors du congrès du SNI (22-24 mars 1948), il fit partie de la commission d’organisation des débats.
À partir du début des années 1950, Léon Borgniet consacra l’essentiel de son activité au syndicalisme enseignant, assurant toujours le secrétariat de la section du SNI et de celle de la FEN. Les militants de la Marne élaboraient une partie des analyses de la minorité "cégétiste" et leurs dirigeants patronnaient des motions d’orientation dans les débats de la FEN. Il intervint aussi dans de nombreux congrès nationaux du SNI, ainsi en juillet 1954, sur le thème "les instituteurs ne laisseront pas liquider l’école publique". Il fit partie de la commission des résolutions désignée par les congressistes. Lors de l’élection du bureau national, en décembre1953, il figurait en 7eme position sur la liste « Pour renforcer l’unité et l’efficacité du SNI ». En décembre 1955, il était été à nouveau candidat en 8eme position. Deux ans plus tard, il figurait en 10eme position sur la liste « Pour l’unité, la démocratie et l’efficacité du SNI ». Élu au Conseil départemental de l’enseignement primaire depuis 1951, il en démissionna, à la fin de 1953, à la demande de la direction nationale du SNI pour protester contre la politique gouvernementale répressive et antilaïque ; il fut réélu en janvier 1954. En novembre 1954, il figurait parmi les candidats de la liste du SNI à la commission paritaire centrale. Cette attitude, qui se réclamait d’une recherche de l’unité confédérale, prit un ton particulier lors du lancement en 1959 du texte préconisant un chemin vers l’unité confédérale sous le nom de PUMSUD. La section du SNI proposa de diffuser l’appel à la fédération communiste qui n’accepta pas. Borgniet refusa d’en discuter avec la direction fédérale et Gisèle Joannès, qui suivait la fédération, estimait que son attitude "vis-à-vis des enseignants de la direction fédérale n’est pas bonne". En effet il reprochait souvent aux enseignants membres du comité fédéral de ne pas s’impliquer dans l’activité syndicale. Pourtant, selon le secrétariat du Parti, il devait continuer à jouer un rôle, considéré par les dirigeants communistes, comme essentiel dans la FEN (21 décembre 1960).
Léon Borgniet militait à la base (cellule Gandon) dans le Parti communiste. En 1956, il redevint membre du comité de la section de Reims qui présenta, en vain, sa candidature au comité fédéral. Madeleine Vincent, envoyée de la direction du Parti pour suivre la conférence fédérale, jugeait que son activité syndicale le mettait en contact permanent avec des militants trotskistes et des titistes, explication fournie aussi pour le remplacer comme candidat au Conseil général alors qu’il était sortant. Or, dans ses réactions vis-à-vis de l’URSS, il avait toujours montré un attachement permanent à la politique soviétique, attitude qu’il conserva au delà de 1956. Ce comportement public permettait de mettre en doute les accusations dont il était l’objet de la part de certains dirigeants du Parti communiste. Lors d’une nouvelle candidature au comité fédéral, toujours présentée par la section rémoise, à la demande du secrétariat national du Parti (6 décembre 1960), la conférence fédérale l’écarta en dépit de sa "grosse influence parmi les enseignants", mais, selon le responsable fédéral, "ce qu’il dit est considéré comme parole d’évangile". Pour refuser de l’admettre comme membre du comité fédéral, la commission des candidatures estimait ne pouvoir admettre un militant qui la critiquait souvent, caractéristique d’un "esprit particulier tenant à la fois à son tempérament et à un ressentiment datant de l’époque où il fut sanctionné".
Quand la fédération communiste décida de constituer une commission de l’enseignement en 1964, Borgniet, toujours secrétaire de la section SNI, n’en fit pas partie ainsi qu’un autre instituteur communiste, Vincent, responsable de la diffusion de L’Ecole et Nation et secrétaire–adjoint de la section SNI. Il s’en étonna par lettre le 27 octobre, notant au passage qu’il croyait "que les enseignants communistes se sentiraient plus concernés par le travail de cette commission -et donc plus actifs - s’ils avaient choisi eux-mêmes les camarades chargés de la responsabilité du travail".
Remarié en août 1974 à Reims, Léon Borgniet resta membre du Parti communiste français jusqu’à la fin de sa vie. Depuis 1972, il présidait l’Autonome de Solidarité de la Marne.
Par Jacques Girault
SOURCES : Arch. comité national du PCF. — Renseignements fournis par l’intéressé. — Presse syndicale. — Sources orales. — Jean-Pierre Husson, La Marne et les Marnais à l’épreuve de la Seconde Guerre mondiale, Presses universitaires de Reims, 2 tomes, 2e édition, 1998. — Brochure Roger Bouffet, MGEN, Marne, 2000. — Notes de Frédéric Stévenot.