BORNARD Jean

Par Bruno Béthouart

Né le 4 juin 1928 à Bellegarde (Jura), mort le 28 août 1996 à Presies (Val d’Oise), secrétaire adjoint, puis secrétaire général, puis président de la CFTC.

Notices et portraits des membres du Conseil économique et social, février 1985.

Originaire d’un chef-lieu de canton de l’arrondissement de Nantua où son père était huissier de justice, il fit ses études à Belley dans un établissement catholique, l’Institution Lamartine, puis à Bourg au lycée Saint-Pierre. Ayant commencé des études de droit à Lyon, Jean Bornard choisit ensuite d’entrer à l’École Nationale de la Marine Marchande de Marseille pour satisfaire un vieux rêve d’enfance ; il y obtint une licence de Droit. Après avoir effectué un séjour le perfectionnement linguistique de deux années en Grande Bretagne où il travailla comme ouvrier agricole pour subvenir à ses besoins, puis en Espagne où il enseignait l’anglais dans un lycée de Madrid afin de payer ses leçons d’espagnol, Jean Bornard apprit la langue de Goethe en faisant son service militaire en Allemagne. Désireux de devenir inspecteur du travail, il décida, avant d’entreprendre les études nécessaires de vivre une expérience de travail manuel dans ’entreprise et choisit comme lieu d’exercice la mine. Il s’embaucha en 1952 à Firminy dans le Bassin de la Loire comme manœuvre du fond sans faire état de ses diplômes. Ayant adhéré à la CFTC par conviction, il fut remarqué, lors de la grève d’août 1953, par Pétrus Bayon, l’animateur du syndicalisme chrétien des mineurs de la région, responsable des ETAM (Employés, techniciens et Agents de Maîtrise) et ancien administrateur de la Caisse de Retraite des Employés des Mines. Louis Delaby, alors président de la Fédération des Mineurs, en accord avec son secrétaire Joseph Sauty, décida lors d’un congrès dans la Loire de proposer à ce célibataire apprécié de ses collègues militants de devenir permanent au siège fédéral à Paris. C’est au Hamel du mineur, situé aux Andelys, propriété des organisations syndicales chrétiennes du bassin du Nord-Pas-de-Calais, que Louis Delaby, après avoir fait sa connaissance grâce à Petrus Bayon au cours d’une réunion à Saint-Etienne et en conclusion d’une correspondance suivie, le décida à accepter un poste de permanent à la fédération des mineurs.

Embauché le 1er octobre 1953 ; Jean Bornard fut amené à travailler avec Jean-Pierre Bergamelli, militant du syndicat chrétien de la société des pétroles de Saint-Gaudens dont la mission était de seconder Félix Pierrain dans la gestion de la Sécurité Sociale Minière. Les deux permanents installés au secrétariat parisien de la fédération étaient chargés de faire la liaison avec les autres bassins en Lorraine et dans le centre de la France. Il fut également chargé des contacts avec les parlementaires sur les problèmes de mines et de charbonnages et rencontrait ainsi régulièrement Jules Catoire* l’un de ses interlocuteurs privilégiés ainsi qu’Henri Meck*, tous deux anciens responsables syndicalistes chrétiens. Chaque fois, une réunion rassemblait au 35 rue Saint-Dominique à Paris, à proximité de l’Assemblée nationale, les administrateurs de la CAREM (Caisse autonome de retraites des employés des mines) et l’habitude avait été prise, dans le cadre d’un déjeuner, de retrouver les parlementaires démocrates chrétiens compétents en la matière. Jean Bomard accompagnait Louis Delaby au Comité Consultatif de la CECA à Luxembourg et participa en 1954 aux négociations qui permirent d’obtenir l’institution d’une double échelle mobile des salaires qui fut supprimée en 959. Dès 1956, il fut élu secrétaire général adjoint au congrès d’Angers après avoir présenté un rapport intitulé « le manifeste pour l’humanisation de la mine « qui réclamait une réduction progressive de la durée du travail. Une campagne d’information auprès des instances parlementaires, des entreprises et de l’opinion publique avait popularisé le thème avant ce congrès national : « inlassablement le syndicalisme chrétien proclame qu’à la base de toute économie, il y a l’homme et qu’en améliorant le sort de la personne humaine, ses conditions de vie et en poursuivant sa promotion dans tous les domaines, on travaille non seulement pour le seul but qui soit valable, mais aussi pour l’économie elle-même ».
Marié le 7 juin 1957 à Janine Mandelli qui devint rapidement une collaboratrice efficace, il fonda une famille de trois garçons, Michel, Pierre et Luc. À partir de 1959, il représenta la Fédération des Mineurs au Conseil confédéral et devint membre du Conseil d’administration des Charbonnages de France en compagnie de Louis Delaby, alors vice-président. Il succédait à ce dernier comme membre du Comité consultatif de la CECA à Luxembourg en 1961 et comme vice-président des Charbonnages de 1964 à 1979. Nommé secrétaire général de la Fédération des Mineurs au congrès de Metz en 1962 avec Jean-Pierre Bergamelli, responsable national de la SSM (Sécurité sociale minière) à la CAN (Caisse autonome nationale) comme adjoint, il travailla sous la présidence de Joseph Sauty, le successeur de Louis Delaby à ce poste. A la suite de la décision prise par le général de Gaulle de supprimer l’indexation chez les mineurs, les agriculteurs et le personnel de l’imprimerie, il fut chargé d’aller avec son adjoint à la direction des mines s’enquérir des décisions gouvernementales en matière de salaire et constata à plusieurs reprises un décalage de plus en plus marqué entre l’indice moyen des salaires et celui des mineurs. Après le déclenchement du conflit, il fut en compagnie d’Edmond Szymanski aux côtés de son président lors des négociations de la Commission Massé durant la grève des mineurs de 1963 : un document très simple proposé par le secrétariat fédéral CFTC, démontrant le retard pris par les salaires miniers, servit de base aux discussions qui permirent d’envisager la fin du conflit.

Conscient d’un glissement idéologique d’une partie des responsables de la Centrale vers des positions plus politiques et opposé à l’abandon de la référence religieuse dans la doctrine syndicale et dans le sigle, en compagnie de Jean-Pierre Bergamelli, il soutint Joseph Sauty et Jacques Tessier* dans la bataille pour le maintien de la CFTC. Si le « C » lui paraissait poser quelques problèmes notamment par rapport à une accusation d’inféodation à la hiérarchie catholique, il lui semblait cependant présenter plus d’avantages que d’inconvénients. Après la scission de 1964, il fut désigné comme secrétaire général adjoint de la CFTC « maintenue » et en devint le secrétaire général en 1970 à la suite du décès de Joseph Sauty remplacé à la présidence par Jacques Tessier. Il fut l’un des chauds partisans d’une participation à la politique contractuelle préconisée par Jacques Chaban-Delmas et ses conseillers, Jacques Delors et Simon Nora, à partir de 1972 Membre du Conseil Economique et Social des Communautés européennes de 1965 à 1985, il représenta également la CFTC au Conseil Economique et Social de 1984 à 1994. Dès novembre 1981, au congrès de Lyon, il avait présenté un rapport spécial qui mettait l’accent sur la relance de l’activité par des programmes internationaux de développement du Tiers-Monde et de renforcement de la coopération européenne, sur la recherche d’une croissance plus créatrice d’emplois par le développement des services, sur une meilleure coordination emploi-formation. Jean Bornard fut alors élu président de la Confédération syndicale chrétienne jusqu’en 1990. Il participa à ce titre à la manifestation du 24 juin 1984 à La Bastille en faveur de la liberté scolaire.

Jean Bornard accepta avec empressement de manifester la solidarité de sa centrale aux militants de Solidarnosc dès les grèves de Gdansk en août 1980. Accompagné de Marius Gierak, Jean Bornard rencontra Lech Walesa à Rome en octobre puis fut invité en septembre 1981 au premier congrès de Gdansk où l’accompagnaient Edmond Szymanski et Jean-Pierre Jereczek. Il resta en liaison étroite avec Lech Walesa et les dirigeants de Solidarnosc qu’il reçut par la suite à Paris. Devenu président du Conseil d’administration de l’ANPE en janvier 1991 après avoir quitté la présidence de la confédération au profit de Guy Drilleaud, il démissionna dès le mois de septembre à la suite de l’arrivée d’un nouveau directeur de l’Agence nommé par Martine Aubry, ministre du Travail sans qu’il eut été consulté. 11 se consacra alors à des tâches de formation syndicale et participa au comité de la CMT (Confédération Mondiale du Travail). Cet homme de foi, attaché aux principes sociaux chrétien, fut l’un des piliers de la résistance à la déconfessionnalisation du syndicalisme chrétien en 1964.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article17311, notice BORNARD Jean par Bruno Béthouart, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 18 juin 2020.

Par Bruno Béthouart

Notices et portraits des membres du Conseil économique et social, février 1985.

SOURCES : Interview de Jean Bornard le 20.03.1995. — Témoignage de Janine Bornard, son épouse, courrier du 24.07.1997. — Archives de Jules Catoire, Saint-Nicolas-les-Arras. — Écho des Mines, n° 1029, août-septembre 1996. Supplément à l’Echo des Mines édition spéciale, juillet 1974, « 1924-1974 : un demi-siècle au service des travailleurs des mines, La fédération des mineurs CFTC (ouvriers, ETAM, Ingénieurs, Retraités) », La Centrale, Lens. — « Cent ans de syndicalisme chrétien, 1887-1987 », supplément à Syndicalisme CFTC, n° 229, novembre 1987. — Louis Delaby, La trouée, Liévin, Imprimerie artésienne, 1977. — Jacques Tessier, Jean Gruat, Madeleine Tribolati, une grande dame du syndicalisme chrétien, Paris, CFTC, 1996. — Michel Launay, La CFTC. Origines et développement 1919-1940, Paris, Publications de la Sorbonne, 1986. — Gérard Adam, La CFTC, 1940-1958 Histoire politique et idéologique, Paris, A. Colin, 1964. — Jacques Tessier, La CFTC. Comment fut maintenu le syndicalisme chrétien, Paris, Fayard, 1987. — Franck Georgi, L’invention de la CFDT 1950-1970, Paris, Éditions de l’Atelier/CNRS Éditions, 1995. — Bruno Béthouart « CFDT/CFTC : la rupture de 1964 « in Ruptures dans le religieux contemporain, Cahiers de la Maison de la Recherche, Lille HJ, p ; 71-85. — Bruno Béthouart, Jules Catoire, Arras, Artois Presse Université, 1996.

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