Par Guy Putfin
Né le 2 juin 1938 à Nantes (Loire-Atlantique), mort le 15 avril 2008 à Nancy (Meurthe-et-Moselle) ; instituteur ; secrétaire général de la FEN de 1987 à 1991.
Ses parents, Ernest Simbron, instituteur et Yvonne Maugis, brodeuse, se marièrent le 12 décembre 1936 à Rézé (Loire inférieure), ils eurent deux enfants, Yannick et Martine. Ernest Simbron avait été trésorier de la section du Syndicat national des instituteurs de Loire Inférieure et militant socialiste SFIO. Pendant la guerre, fait prisonnier, il avait passé cinq ans en captivité, en Oflag (Allemagne). Militant à la Ligue de l’Enseignement, il dirigea une troupe de théâtre amateur, et un groupe musical. Il enseigna au cours complémentaire de La Montagne, près de Nantes, puis à Saint-Brévin-les-Pins.
Á la mort de son père en 1956, Yannick Simbron faisait ses études au lycée Clemenceau à Nantes après avoir été élève à l’école puis au collège de La Montagne. Il adhéra aux Jeunesses socialistes SFIO, puis au Parti socialiste SFIO. Une fois son bac obtenu, Yannick Simbron devint instituteur remplaçant en 1958, et adhéra au SNI. Il enseigna pendant quelques années au Loroux-Bottereau, gros bourg du vignoble à une vingtaine de kilomètres de Nantes, avant de suivre une formation pour "l’enfance inadaptée". Il fut moniteur puis directeur de colonies de vacances. Adepte de l’éducation populaire, il fut instructeur, puis chef de stages aux Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active. Il se maria le 26 décembre 1959 à Châteaulin (Finistère) avec Renée Bruno, institutrice, dont il eut trois enfants, Christine, Pascale et Stéphane.
Il fut élu au conseil syndical de la section SNI de Loire-Atlantique en 1967. En mai 1968, quand le secrétaire départemental du SNI, René Mouchet*, démissionna, Yannick Simbron le remplaça. Il devint secrétaire départemental de la Fédération de l’Éducation nationale de 1969 à 1973. Il fut élu au bureau national du SNI en mars 1970 sur la liste du secrétaire général. Il devint membre du secrétariat national du SNI en septembre 1974. Il fut chargé successivement de l’enfance handicapée, puis de l’organisation interne, puis des revendications. Il fut un des négociateurs du plan de revalorisation des instituteurs en 1984.
Il fut membre suppléant de la Commission administrative de la FEN, au titre du SNI, à partir de novembre 1973, puis titulaire à partir de février 1976. Au congrès de la FEN d’Avignon, en février 1982, il devint membre de l’exécutif fédéral. En 1984, secrétaire national de la FEN, il fut chargé du secteur économique. Il siégea au Conseil économique et social de 1984 à 1989. Au départ en retraite de Jacques Pommatau, il fut élu secrétaire général de la FEN le 22 septembre 1987.
Au congrès de la FEN de La Rochelle, en février 1988, il porta le projet de "L’École de l’an 2000”, qui alliait des propositions qualitatives, résumées dans le slogan « travailler autrement », et quantitatives, traduites notamment par la notion de familles de métiers et de corps comparables pour les enseignants.
Mais contrairement à ce qui avait été négocié avec le responsable éducation du Parti socialiste de l’époque, Laurent Fabius*, le ministre de l’Éducation nationale du gouvernement de Michel Rocard*, Lionel Jospin engagea des négociations uniquement sur les carrières des enseignants sans s’attaquer à la réforme du système éducatif. C’était en quelque sorte mettre hors jeu la Fédération au profit de ses syndicats nationaux. De plus, contrairement aux propositions fédérales, Lionel Jospin abandonna l’idée de créer un corps spécifique des enseignants du collège. Globalement, la revalorisation des enseignants fut actée par les accords Jospin de 1989, puis fut obtenue dans le cadre de la réforme de la grille de la Fonction publique de l’accord Durafour de février 1990.
Partisan d’une recomposition syndicale, Simbron lança dans le journal Le Monde du 5 janvier 1990, un appel aux responsables des organisations syndicales françaises pour débattre ensemble de l’avenir du syndicalisme. Faute de relais dans les confédérations, et faute d’unité fédérale, son appel resta sans réponse. Ce fut aussi le thème du congrès de Clermont-Ferrand en février 1991, dont le rapport d’activité s’intitulait : “changer ou mourir”. Yannick Simbron prônait un syndicalisme qui ne soit pas uniquement la caisse de résonance des diverses revendications parfois contradictoires. Il pensait également qu’après la chute du mur de Berlin et les évolutions en cours dans les pays de l’Est et en URSS, le communisme international allait perdre ses références et son pouvoir d’attraction, et que le courant “Unité et Action“ de la FEN, dirigé par des militants communistes, serait contraint à évoluer. Simbron écrivait le 3 janvier 1990, dans ses vœux aux permanents fédéraux “que la FEN contribue à la renaissance du syndicalisme, cela nous donnera beaucoup de travail mais ce sera tellement passionnant”.
Mais les relations de Simbron avec son syndicat, le SNI-PEGC, et en particulier avec Martine Le Gal, secrétaire nationale responsable du secteur corporatif, se dégradèrent, notamment au sujet des négociations sur la revalorisation de la fonction enseignante, dont il se plaignait d’être tenu à l’écart. Et à l’intérieur même du secrétariat national de la FEN les relations se détériorèrent. Il écrivait aux responsables des secteurs au siège de la fédération, le 23 octobre 1990 : “Il n’y a plus d’équipe au 48 rue La Bruyère, entre les secteurs et au sein de quelques-uns. On vient me le dire ou on me l’écrit.” En novembre 1990, sous la pression des secrétaires nationaux, Simbron fut contraint de se séparer d’Yves Ripoche, secrétaire national à l’organisation, avec qui il était ami depuis l’époque où ils avaient exercé des responsabilités en Loire-Atlantique, et qui était en quelque sorte son directeur de cabinet.
Le congrès de Clermont-Ferrand, en février 1991, fut déterminant dans l’évolution de la FEN, paralysée par le rôle prépondérant tenu par les tendances. Le désaccord d’orientation entre la FEN et le Syndicat national de l’enseignement technique apprentissage autonome fut officialisé par la présentation par le SNETAA d’une motion intitulée “Autrement”. Le différend remontait à plusieurs années. En octobre 1987, le SNETAA n’avait pas apprécié le vote de la délégation de la FEN au Conseil économique et social en faveur de l’avis présenté par Jean Andrieu, ancien président de la Fédération des conseils de parents d’élèves, sur l’évolution des rapports de l’école et du monde économique, et qui présentait l’apprentissage comme une voie de formation qualifiante. La délégation de la FEN était conduite par Yannick Simbron, qui venait d’être élu secrétaire général. Aussi, au congrès de la Rochelle, le SNETAA s’était-il majoritairement abstenu sur le rapport d’activité, tout en votant pour l’orientation fédérale (Unité Indépendance Démocratie). En réaction, le secrétaire général du SNETAA, Michel Charpentier, n’avait pas été présenté sur la liste majoritaire pour l’exécutif fédéral.
Au congrès de Clermont-Ferrand, toutes les oppositions (onze syndicats dont le SNETAA, quatre courants de pensée, dont "Autrement”, et 30 sections départementales se rassemblèrent sur un texte commun opposé au projet de restructuration présenté par la majorité fédérale, et intitulé "La Charte de Clermont-Ferrand”. L’intervention finale de Simbron permit à la majorité de se ressaisir.
Cependant les désaccords avec l’exécutif fédéral se multiplièrent, notamment sur l’attitude à adopter vis-à-vis des syndicats de la FEN dirigés par la tendance “Unité et Action“, et le rôle de la FEN après la guerre froide. Simbron fut contraint par l’exécutif fédéral national à démissionner le 10 juin 1991. Guy le Néouannic qui le remplaça à la tête de la FEN, écrivit dans son témoignage : “ C’est sous l’impulsion de Martine Le Gal, Jean-Paul Roux (secrétaire national chargé du secteur revendications) et Jean Louis Andreau (secrétaire général du syndicat des agents de l’éducation nationale) que se constitua un petit groupe très restreint d’abord puis de plus en plus large qui commença à militer pour le départ de Simbron”. Dans son discours d’adieu lors de la réunion de la majorité fédérale qui suivit son éviction, Simbron déclara : “Notre histoire c’est l’unité. Ce n’est pas au moment où nos adversaires sont idéologiquement déstabilisés qu’il faut apparaître comme voulant les rejeter globalement.”
Simbron fut membre du Conseil de l’enseignement général et technique, du Conseil supérieur de l’Éducation nationale et du Conseil supérieur de la Fonction publique. Il représenta la FEN au bureau du Secrétariat professionnel international de l’enseignement). Il était vice-président de la Jeunesse au plein air et administrateur de Solidarité laïque.
Yannick Simbron fut ensuite nommé directeur du Bureau international du travail à Paris, fonction qu’il exerça de novembre 1991 à janvier 1998. Á 60 ans, il prit sa retraite administrative. Il présida le comité français pour la Marche mondiale contre le travail des enfants en 1998-1999, et la campagne “Demain le Monde. L’éducation pour tous” en 2000. Il fut président du Groupement des retraités éducateurs sans frontières, fondé par Gabriel Cohn-Bendit, dont il était un des parrains. Il fut vice-président de la Fédération générale des associations départementales des Pupilles de l’Enseignement public.
Il fut nommé chevalier de la Légion d’honneur le 8 avril 1998.
Après son départ de la FEN, entré en contact avec le Grand Orient de France, il fut initié dans la loge “L’Émancipation“ en 1993, où se retrouvaient quelques anciens membres de la FEN et du SNI et des amis de La révolution prolétarienne. Plusieurs de ses interventions eurent pour sujet l’égalité homme-femme dans le travail, le syndicalisme et la franc-maçonnerie, la laïcité. Il participa à la rédaction du bulletin de sa loge.
Peu après l’élection de Jacques Chirac à la présidence de la République, face à Lionel Jospin, il écrivit, le 16 mai 1995, à Henri Emmanuelli, premier secrétaire du parti socialiste pour lui faire part de ses désillusions : « Il n’y a pas si longtemps je constatais avec effroi que les deux forces pour lesquelles j’ai milité toute ma vie, la FEN et le PS, n’étaient plus que décombres au milieu desquels on se battait encore pour en contrôler les gravats. »
Après son divorce, il vivait avec Agnés Bréda, secrétaire nationale de l’UNSA-Éducation chargée des relations internationales, originaire de la région de Nancy.
Le 15 janvier 2003, il fut invité à témoigner devant le groupe d’histoire du syndicalisme enseignant du Centre Henri Aigueperse de l’UNSA-Éducation et du Centre d’histoire sociale du XXe siècle de l’Université de Paris 1.
Après des problèmes cardiaques, dont il s’était remis, Simbron avait assisté, en tant qu’ancien secrétaire général de la FEN, au congrès de l’UNSA-Éducation à Bordeaux du 26 au 28 mars 2008. Il mourut peu après, à Nancy, d’une hémorragie cérébrale. Une cérémonie d’adieu lui rendit hommage à Nantes, sa ville natale, le 21 avril 2008. Il fut inhumé dans l’intimité à Rézé.
Par Guy Putfin
SOURCES : Archives nationales du monde du travail, fonds FEN (1998 011 et 2000 056). — Archives de l’OURS, fonds Yannick Simbron 102 APO et fonds Ernest Simbron, 111 APO. — Guy Brucy, Histoire de la FEN, Belin, 2003. — Plaquette “Hommage à Yannick, avril 2008”. — Témoignage de Guy le Néouannic, “1988-1997. de la Rochelle à Rennes, la fin du pari de 1948”, mai 2005.