RULLIÈRE Jean, Paul, Victorin

Par Pierre Bonnaud

Né le 24 août 1922 à Annonay (Ardèche), mort le 1er juillet 2002 à Saint-Félicien (Ardèche) ; ouvrier carrossier - tôlier ; résistant ; délégué du personnel ( CGT), élu au comité d’entreprise de la société Besset ; secrétaire de la section communiste d’Annonay, membre du comité fédéral PCF de l’Ardèche.

Les parents de Jean Rullière appartenaient au milieu ouvrier annonéen : son père, Raymond Rullière, chauffeur de chaudière dans l’entreprise de feutres Binet et sa mère, Eva Louise Fuma, femme de ménage, s’étaient mariés au temple et avaient eu trois enfants. Ils professaient des idées républicaines et élevèrent leurs enfants dans la foi protestante. La sœur ainée de Jean, employée des PTT, entra dans la Résistance, fut incarcérée à la prison de Montluc à Lyon, et milita après-guerre au Parti socialiste ; son frère, plus jeune, rejoignit les FTP durant la guerre.

Jean Rullière fréquenta l’école publique jusqu’à 16 ans : il obtint son certificat d’études primaire et un CAP de menuisier. En 1937, il fut embauché par le carrossier Besset et obtint un CAP de tôlier. Sanctionné pour faits de grève (en novembre 1938 ?), il résidait encore à Annonay dans les premières années de la guerre.

En 1942 , Jean Rullière dut partir aux Chantiers de Jeunesse : au début de l’année 1943, il se trouvait au camp du Pontet, près d’Avignon. Un inspecteur de police annonéen, Challaye, prévint sa famille qu’il figurait sur les listes du STO. Jean Rullière regagna Annonay. Une filière clandestine (le lieu de rendez-vous pour les réfractaires du STO, se trouvait au café Dumas, place du Champ de Mars) lui permit de rejoindre le Vercors et l’Armée secrète (il fit le voyage dans un car du transporteur ardéchois Charrière). Il demeura pratiquement une année dans la forteresse alpine. Son chef, le gaulliste Cazals (fusillé plus tard lors de l’assaut du Vercors par les allemands dans l’été 1944) l’influença profondément. Une attaque allemande au printemps 1944 (s’agissait-il de l’incursion du 18 mars 1944 ?) avait contraint son groupe au repli dans le massif de l’Albenc, au-dessus de Méaudre. Pendant un mois, Jean Rullière séjourna chez des paysans avant d’être affecté à la collecte de renseignements sur Grenoble.

Le 3 juin 1944, suite au décès de son père, il put se rendre en permission à Annonay. Le 5 juin, il accompagna le groupe FTP Forel (dont faisait partie son jeune frère Roger) dans une mission de contrôle route des Barges, l’une des principales voies d’accès à Annonay. Le groupe fut pris sous le feu d’un convoi de miliciens. Le chef de la compagnie, Forel, reçut une balle dans le bras et Jean Rullière fut blessé à la tête. Soigné à Annonay par une jeune femme qui allait devenir son épouse, Suzanne Besset (apparentée au patron carrossier qui employait Jean Rullière), Rullière fut évacué sur Vanosc, lieu de regroupement de l’Armée Secrète durant l’épisode de la « République d’Annonay » (qui dura du 6 au 19 juin).

Le 10 juin 1944, il choisit de rejoindre les FTP qui stationnaient à Saint-Victor et Saint-Félicien. Il devint lieutenant à la 7101e compagnie FTP. Après la deuxième libération d’Annonay (mi-août), il participa, début septembre, à la marche des compagnies FTP sur Lyon. Il intégra ensuite la 7109e compagnie FTP qui stationnait sur Annonay dont il prit le commandement. Il se maria à Annonay le 19 octobre 1944. Il reçut un ordre de mission pour une formation d’inspection à Ambronnay, dans l’Ain puis participa à Annonay à des missions de renseignements et de police pour chasser miliciens et collaborateurs. Il s’opposa aux exactions qui visaient la « collaboration horizontale » (femmes tondues).

Après la guerre, Jean Rullière reprit son travail chez le carrossier Besset. Délégué CGT du personnel, élu au Comité d’entreprise, aux côtés d’autres militants comme Danneyrol, Mariotti, il devint l’un des animateurs des luttes au sein de cette importante usine d’Annonay qui fabriquait principalement des carrosseries d’autocars. Il milita aussi à l’Union locale CGT avec les principaux responsables cégétistes des années 50-60 : Camille Reynaud, Yvon Walreynier, Gilbert Chaize dit Pipette, secrétaire de l’UL.

En septembre 1951, lors d’un conflit qui opposa Besset à ses salariés, la direction procéda à un licenciement collectif dont firent partie sept délégués du personnel. Privé d’emploi, Jean Rullière s’inscrivit au chômage et ne put trouver d’embauche qu’en février 1952, à Lyon, chez le carrossier Bouladoux. Les patrons annonéens s’étaient donné le mot pour ne pas le reprendre. À nouveau chômeur pendant presque toute l’année 1953, il put se faire embaucher dans l’Isère à la carrosserie Blain (de septembre 1953 à décembre 1954). Il put revenir travailler à Annonay en février 1955 d’abord chez le carrossier Alirol (jusqu’en 1971), puis à la Carrosserie Annonéenne (jusqu’en 1978). Il acheva sa carrière (de mai 1978 à septembre 1982) en faisant retour dans l’usine dont il avait été licencié en 1951 : l’entreprise Besset était passée depuis lors sous le contrôle de Berliet, puis du groupe Renault (SAVIEM puis RVI) .

Sur le plan politique, Jean Rullière, adhéra (selon ses souvenirs) au Parti communiste en 1947 ou 1948, cependant un document du Comité central indique une adhésion en 1945 et il est probable que sa première adhésion remonte à 1944 et à sa prise de commandement d’une compagnie FTP. Son épouse, amie de la militante communiste Jo Marchand*, l’avait précédé dans cet engagement. Membre du bureau de section d’Annonay, il fut ensuite secrétaire de section à partir de 1960 durant 17 années. Il participa à un congrès national alors que Maurice Thorez était encore à la tête de l’organisation communiste et à une conférence nationale du parti. Il ne fut candidat qu’ à une seule élection cantonale pour remplacer occasionnellement son camarade Waltreynier. Il entra au comité fédéral en 1959 et en fut membre jusqu’en 1976. Jean Rullière assura ensuite la responsabilité des CDH à Annonay. La section du PCF comptait dans ses hautes-eaux environ 300 adhérents et une trentaine de diffuseurs de la presse du parti.

Membre de France-URSS, Jean Rullière participa avec son épouse à un voyage en Ouzbékistan dans les années 80 et le couple en revint avec des convictions ébranlées auxquelles s’ajoutèrent une défiance croissante à l’égard de la politique suivie par la direction du parti. Avec son épouse Suzanne, il quitta dans la discrétion l’organisation communiste mais conserva des amitiés dans la mouvance communiste.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article173331, notice RULLIÈRE Jean, Paul, Victorin par Pierre Bonnaud, version mise en ligne le 17 juin 2015, dernière modification le 12 octobre 2022.

Par Pierre Bonnaud

SOURCES : Entrevue avec l’intéressé. — Archives du comité national du PCF. — Louis-Frédéric Ducros, Montagnes ardéchoises dans la guerre, Valence, 1981, t. II. — Renseignements apportés par Raoul Galataud, Claude Inguenaud, Jaime Lloret. — État civil.

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