SZAJNFELD Raphaël

Par Alain Dalançon

Né le 4 novembre 1936 à Paris (XIIIe arr.) ; ouvrier métallurgiste, instituteur, puis PEGC ; militant syndicaliste de la CGT, puis du SNI, SNI-Pegc et de la FEN, secrétaire de la section départementale de Seine Saint-Denis de la FEN, porte-parole fédéral de la tendance « Unité et Action », un des fondateurs de la FSU ; militant communiste.

Raphaël Szajnfeld
Raphaël Szajnfeld
en 1988 (coll. IRHSES)

Raphaël Szajnfeld était le fils unique d’immigrés juifs polonais venus en France durant l’entre-deux guerres, qui travaillaient à domicile à Paris dans la confection d’imperméables. Ils n’obtinrent jamais la nationalité française et n’adhérèrent jamais à une organisation politique ou syndicale. S’ils se reconnaissaient juifs, ils n’étaient pas pratiquants ; Raphaël fut donc élevé sans éducation religieuse.

Durant la guerre, de 1941 à 1945, ses parents durent partir dans la banlieue parisienne au Perreux-sur-Marne (Seine, Val-de-Marne), en changeant d’identité ; lui-même vécut comme « enfant caché » à Neuilly-Plaisance (Seine, Seine-Saint-Denis) où il alla à l’école maternelle puis élémentaire. À la Libération, ses parents revinrent travailler à Paris dans le XIe arrondissement où il termina sa scolarité primaire au groupe scolaire du boulevard de Belleville. En 1946-1947, il entra en 6e au cours secondaire George Sand, dans son quartier, rue des Bluets, puis poursuivit ses études au lycée Voltaire, où il obtint la première partie du baccalauréat en juillet 1953.

Après le décès de son père, il quitta le lycée en janvier 1954 afin de trouver du travail. Pendant quelques mois il effectua des « petits boulots », puis suivit une formation de fraiseur au centre de formation professionnelle pour adultes d’Issy-les-Moulineaux (Seine, Hauts-de-Seine) où il obtint le CAP. Il travailla ensuite comme OP1 puis OP2, d’abord en région parisienne (Aster à Ivry), puis à Marseille (Forges et chantiers, rue du Menpenti), puis à Grenoble et enfin à nouveau à Paris, aux usines Panhard, avenue d’Ivry.

Dans ce milieu ouvrier, Raphaël Szanjfeld adhéra au Parti communiste français dès 1954 ; il était en 1958 secrétaire de la cellule de la porte d’Italie et en même temps militait à la CGT chez Panhard. Il fut licencié quand la firme automobile devint partenaire de Citroën. Il épousa en juin de la même année, à la mairie du XIIIe arrondissement, Jeannine Cribier, alors vendeuse, qui devint chauffeur de car ; ils eurent cinq enfants.

Estimant qu’il aurait de la difficulté à retrouver du travail comme ouvrier métallurgiste dans la région parisienne, il décida de partir dans le département de Haute-Savoie où l’inspection académique recherchait des instituteurs suppléants éventuels. Il fut donc nommé en octobre 1958 à l’école à classe unique du Reposoir, un village de montagne de 250 habitants, au pied du col de la Colombière. En 1959, il passa la seconde partie du baccalauréat dans l’académie de Grenoble et devint instituteur stagiaire à Saint-Roch (aujourd’hui intégré à Sallanches).

Ayant plus de deux enfants, il effectua son service militaire du 16 janvier 1960 au 31 décembre 1961 à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce à Paris, qu’il termina au grade de sergent. Revenu à la vie civile, il reprit son métier d’instituteur en Haute-Savoie, obtint son CAP en avril 1963 à Annecy et enseigna successivement à Anthy-sur-Léman, Morzine, Féternes, Lugrin. Il était syndiqué au Syndicat national des instituteurs mais sans chercher à y prendre des responsabilités.
Il obtint sa mutation pour la Seine-Saint-Denis à la rentrée 1965 et fut nommé instituteur à Dugny. Il entama alors des études supérieures de mathématiques à la Faculté des Sciences Jussieu de Paris, de 1965-1966 à 1968-1969, tout en faisant la classe ; il obtint le certificat de propédeutique MGP en juin 1966 puis le DEUG après 1968 ; entre temps il obtint en 1967 le CAPCEG (certificat d’aptitude à l’enseignement dans les collèges d’enseignement général). De 1967-1968 à 1969-1970, il enseigna au collège commercial Jean-Pierre Timbaud de Drancy (Seine Saint-Denis), puis, intégré dans le nouveau corps des PEGC section VII (mathématiques-éducation physique), il fut muté en 1969 au collège d’enseignement secondaire Anatole France de Drancy, où il termina sa carrière en 1996.

À la suite du mouvement social de mai-juin 1968, Raphaël Szajnfeld, militant « Unité et Action », devint membre du bureau de la sous-section du SNI de Drancy. Tout en restant membre du PCF, il cessa d’y militer après 1968, faute de temps, à cause de ses responsabilités syndicales, mais resta fidèle à son parti dont il était toujours membre en 2015.

En 1969-1970, il devint conseiller syndical de la section départementale de la Fédération de l’Éducation nationale de Seine-Saint-Denis encore en construction, le département venant tout juste d’être créé. Puis il fut élu au bureau, devint secrétaire général par intérim, le secrétaire en titre, Jean Gallèpe, étant gravement malade, puis secrétaire de la section, responsabilité qu’il assuma jusqu’en 1985-1986. Il représenta la SD/FEN 93 dans diverses instances paritaires : comité technique paritaire départemental, comité des œuvres sociales départemental et académique, comité académique de la formation continue. De 1986 à 1992 il représenta la FEN au Comité économique et social de la Région Ile-de-France, et fut élu vice-président de sa commission Éducation, culture.

En même temps Raphaël Szajnfeld fut élu en 1973 membre de la commission administrative nationale de la FEN au titre des sections départementales. En 1974, il fut associé au secrétariat national fédéral « Unité et Action », chargé d’animer la commission « Revendications corporatives ». Très attaché à l’élaboration de revendications étayées sur des expertises chiffrées rigoureuses, il apporta une dimension nouvelle aux débats avec la majorité « Unité, Indépendance et Démocratie » et dans les articles qu’il signa de plus en plus souvent dans la Revue U&A, pour « combattre l’austérité », défendre les services publics et revaloriser les rémunérations. Il s’attacha en particulier à démontrer la dévalorisation de la situation salariale de tous les enseignants, consécutive à une décennie de politique contractuelle, à laquelle avait souscrit la direction de la FEN, et il appelait au renforcement des luttes de toutes les fédérations de fonctionnaires.

Aussitôt après l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République en mai 1981, il n’eut de cesse de rappeler les revendications dans ses articles de la Revue U&A : « Nous ne demandons pas des cadeaux mais notre dû » (juin 1981), « Pas de mise en sourdine des revendications » (septembre 1981) au sujet du pouvoir d’achat dont il demandait la relance par la consommation populaire. En mars 1982, après le congrès de la FEN où il entra comme titulaire au nouveau bureau fédéral, il redemanda l’ouverture du dossier de la revalorisation.

En 1986, il succéda à Alfred Sorel, admis à la retraite, comme porte-parole fédéral du courant de pensée « Unité et Action » puis directeur de la Revue U&A. Il assuma cette responsabilité, dans la FEN puis dans la FSU, jusqu’à son départ à la retraite, en novembre 1996.

Raphaël Szajnfeld s’efforça de développer un travail collectif pour animer la vie de la tendance et coordonner ses interventions au plan fédéral, au cours d’une décennie marquée par de très grandes turbulences dans le syndicalisme enseignant.

Son premier axe d’intervention dans la FEN consista dans la demande de poursuivre l’action syndicale, aussi bien durant la fin de la première cohabitation demandant l’appel à la grève à la rentrée 1987, qu’après la réélection de François Mitterrand en 1988. Si le corpus revendicatif en matière de pouvoir d’achat ne posait pas de problèmes à l’intérieur de la tendance, il n’en allait pas de même pour les priorités de la revalorisation et surtout U-A ne disposait pas d’un projet éducatif. Ce manque fut ressenti au congrès de la FEN à La Rochelle en janvier 1988, pour s’opposer au projet de la majorité fédérale de « l’École de l’an 2000 ». Raphaël Szanjfeld joua son rôle de conciliateur pour permettre la sortie de deux livres : Une école de progrès et de liberté, puis J’enseigne.

Il fut surtout aux avant-postes de la bataille pour s’opposer au plan de recomposition syndicale interne et externe que la majorité fédérale UID décida de mener à marche forcée à partir du début de la décennie 1990. Au congrès fédéral de février 1991, il participa à l’élaboration de la Charte de Clermont-Ferrand exprimant son « attachement à l’unité de notre fédération », qui obtint 46,12% des mandats. Après le limogeage de Yannick Simbron de la direction de la FEN, et son remplacement par Guy Le Néouannic, en dépit de la signature massive d’un texte « Changer la FEN et non la détruire » dont il fut un des premiers signataires en mars 1992, l’exclusion du Syndicat national des enseignements de second degré et du Syndicat national de l’éducation physique et sportive, baptisée « désaffiliation », fut décidée par la majorité du conseil fédéral national.

Raphaël Szajnfeld joua un rôle important dans l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie visant à ne pas laisser la direction fédérale isoler le SNES et le SNEP, à ne pas s’en tenir à une bataille d’appareils, à ne pas considérer l’exclusion du 6 mai 1992 comme irréversible. S’appuyant sur les rapprochements entre forces opposées à la scission, il œuvra pour le lancement de l’appel « Ensemble pour une FEN revendicative et pluraliste ». Il fallait en outre ne pas déserter le terrain revendicatif au moment où le nouveau gouvernement de Pierre Bérégovoy annonçait de nouvelles restrictions budgétaires.
Après la confirmation de l’exclusion du SNES et du SNEP au congrès de Créteil (octobre 1992) et la création du Syndicat des enseignants excluant de fait le SNETAA et les « unitaires » du SNI-Pegc, Raphaël Szanjfeld fut un des principaux animateurs de la constitution d’un Comité national de liaison unitaire se réunissant chaque semaine. Ce CNLU organisa sa première rencontre nationale à Perpignan (décembre 1992) au moment du dernier congrès FEN : 500 participants représentant 17 SN et venant de la quasi-totalité des départements de la métropole, se reconnaissant dans trois courants de pensée ou « hors tendances », élaborèrent les bases d’une plate-forme revendicative et définirent les contours d’une nouvelle fédération qui déposa ses statuts en avril 1993. Raphaël Szanjfeld fit partie du bureau provisoire avec les secrétaires généraux des syndicats affiliés et les porte-parole des deux autres courants « École émancipée » et « Autrement ». Des discussions se poursuivirent pendant presque un an pour la mise au point de statuts définitifs actés par le congrès fondateur de la nouvelle Fédération syndicale unitaire à Macon en mars 1994.

De 1994 à 1996, Raphaël Szanjfeld fut membre du BFN de la FSU, au titre du courant de pensée U-A, plus particulièrement chargé de la formation syndicale et de la documentation. Dès la création officielle du Centre de formation de la FSU, il en assura la présidence. Retraité à la fin de l’année 1996, il continua à assumer cette responsabilité jusqu’au congrès de 2001.

Actif depuis la création du centre de recherches de la FSU, il coordonna l’édition des Actes du colloque sur la naissance de la FSU tenu en décembre 2006 à Paris, ouvrage publié en novembre 2008 par Nouveaux Regards et les éditions Syllepse. Il rédigea le tome 1 de l’ Histoire de la FSU : Une percée flamboyante (1993-1997) (Syllepse, décembre 2009). Il faisait partie en 2014-2015 du groupe de travail chargé d’écrire la suite de cette histoire qui fut publié en 2019.

Passionné par l’enseignement des mathématiques, il rédigea deux ouvrages parascolaires publiés par les éditions Belin, Les maths c’est dans la poche, avec une calculette, l’un pour la classe de sixième (novembre 1985), l’autre pour la classe de cinquième (mars 1987). En 2015, il venait de terminer les manuscrits de deux ouvrages destinés aux nouvelles générations de professeurs de mathématiques : La calculatrice au collège, pour une utilisation formatrice et Pour un enseignement efficace de la géométrie au collège, pour lesquels il était en quête d’un éditeur.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article173365, notice SZAJNFELD Raphaël par Alain Dalançon, version mise en ligne le 29 mai 2015, dernière modification le 13 novembre 2022.

Par Alain Dalançon

Raphaël Szajnfeld
Raphaël Szajnfeld
en 1988 (coll. IRHSES)
Marche sur Paris, décembre 1979
Marche sur Paris, décembre 1979
R.S à gauche, D. Monteux, P. Toussenel, J. Petite
Congrès FEN 1992
Congrès FEN 1992
1er congrès de la FSU 1994
1er congrès de la FSU 1994
R.S., J. Rouyer, Cyrulnik (EE)

SOURCES : Arch. IRHSES (dont fonds Unité et Action et FSU) ; arch. FSU. — Renseignements fournis par l’intéressé. — Témoignages de militants de la FEN et de la FSU.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable