ROFFE Georges, François

Par Jean-François Lassagne

Né le 16 décembre 1929 à Nilvange (Moselle), déporté dans les Sudètes de 1943 à 1945 ; mineur de fer ; militant de la CGT ; membre du secrétariat de la Fédération régionale des mineurs de fer et de sel de Lorraine ; membre de la commission exécutive de l’Union Départementale de Moselle de 1971 à 2013 ; secrétaire de l’UD de 1971 à 1977 ; secrétaire général de l’Union locale de Metz de 1977 à 1984.

Georges Roffe en 2013
Georges Roffe en 2013
Transmis par Jean-François Lassagne

Né le 15 octobre 1897 à Bronvaux (Lorraine annexée) d’une famille de huit enfants, son père Pierre Roffe était employé au service électrique de la Société Métallurgique de Knutange (SMK) en Moselle, et sa mère Alice Wolter née le 21 août 1904 à Lodz (Pologne), dont la famille avait émigré en France en 1917, était femme de ménage, au café de son beau-frère Millet à Nilvange. Georges Roffe avait un frère et trois sœurs dont il était l’ainé. À partir de 1936, il fréquenta au village l’école protestante, la religion de sa mère, alors que son père était devenu athée, après avoir été incorporé dans la Reichswehr, en 1914 et avoir combattu sur le front russe puis en Italie, pour terminer en France, où il fut fait prisonnier par les Américains dans la Somme. Perturbé par les évènements entre 1938 et 1940, le cours des études de Georges Roffe bascula avec l’annexion et la nazification de la Moselle. A l’école alors devenue allemande des instituteurs spéciaux dispensaient des cours sur l’idéologie nazie, relatifs notamment à la population juive.

Ayant entendu des rumeurs sur les déportations politiques de ceux qui refusaient l’annexion et la germanisation de la Moselle, ses parents trouvèrent refuge à Diesen (Moselle), alors que les enfants furent pris en charge par leur tante. Son oncle paternel fut déporté à Liegnitz (Pologne) et employé comme électricien à la ville. Son fils, qui avait quitté la Lorraine par une filière avant la déportation de la famille, fut repris et envoyé à Dora puis à Buchenwald, mais put en revenir. Un autre cousin, parti combattre dans les chasseurs alpins, voulut rejoindre l’Angleterre par l’Espagne, mais connut d’abord les geôles de Franco, avant de retrouver la liberté et de gagner Londres pour s’engager dans l’armée de Leclerc. Ayant pu échapper à la première vague de déportations, la famille de Georges Roffe ne put éviter la seconde, et le 22 janvier 1943, à deux heures en pleine nuit, ils furent contraints de rejoindre plusieurs autres familles dans l’autobus qui les conduisit vers le point de rassemblement de la gare de Beauregard, d’où un convoi ferroviaire les conduisit à Forst-Bad (Allemagne). Ainsi 9250 patriotes mosellans résistant à l’annexion, des familles et leurs enfants furent déportés en Silésie et dans les Sudètes. Au terme de plusieurs mois la famille Roffe fut transférée à Oberkratzau dans les Sudètes (Horni Chrastava en Tchéquie), dans d’anciennes fabriques transformées en camp d’hébergement pour les déportés travaillant dans les usines d’armement allemandes. Georges Roffe y contracta des rhumatismes articulaires qui le paralysèrent durant trois mois. Par la suite, ils furent transférés et installés à Kratzau (Chrastava) où se trouvait l’usine qui employait Pierre Roffe, dans un camp de moindre importance, où les dortoirs étaient en fait de grandes pièces occupées par des lits superposés sans aucune séparation. Les déportés y jouissaient d’une liberté toute relative. Son père ayant refusé la proposition allemande de placer son fils Georges dans un centre d’apprentissage, ce dernier fut employé à la couture des pièces par un maitre-bottier à quelques kilomètres du camp, dans la fabrication de chaussures à semelle de bois. Ainsi le jeune Roffe était-il muni d’un ausweis afin de se rendre à son travail. La production était alors livrée aux magasins de Reichenberg (Liberec en république Tchèque). Dans le camp des Mosellans se trouvaient une famille belge et deux luxembourgeoises et ensemble, les déportés suivaient la progression des combats. Le front russe avançant, ils entendirent le canon jusqu’au 8 mai, et avec l’arrivée des troupes russes, les tchèques occupèrent les administrations. Un comité fut alors constitué dans le camp avec les nouvelles autorités pour organiser le retour au pays. En juin ils furent transférés à Pilsen, ligne de séparation des armées soviétique et américaine, par un convoi composite de wagons à bestiaux et voyageurs, au terme d’un voyage très perturbé. Les convois se croisaient sur les voies, transportant ceux qui retournaient à l’ouest, et ceux qui rentraient à l’est, échangeant des « saluts fraternels ». Ensuite, pris en charge à Pilsen, ils furent conduits par des avions militaires de l’US Air Force au camp de Dombasle (Meurthe-et-Moselle), où, passés au crible, enfants compris, pour repérer d’éventuels nazis infiltrés, les arrivants durent ainsi répondre à un interrogatoire. Ce fut par train et à ses frais que la famille Roffe rentra à Nilvange où elle retrouva son logement le 13 juin 1945.

Musicien trompettiste à la Lorraine Harmonie d’Hayange (de Wendel), il obtint un premier prix de conservatoire à Metz. Le chef de l’harmonie lui proposa un travail chez de Wendel au magasin central à l’arrière de l’actuelle usine à rail. Il fut embauché le 17 novembre 1946, et débuta au rivetage de la wagonnerie, où à l’aide de petites forges il chauffait des rivets fixés ensuite au marteau. Dans ce service il côtoya un militant de la CGT et du Parti communiste nommé Chacheri. Puis le chef de l’harmonie le transféra à la sellerie. Avec l’accord de son père, un abonné à l’Humanité d’Alsace-Lorraine, il adhéra à la CGT. Dès lors, il participa aux diverses actions revendicatives ainsi qu’aux grèves, ce qui lui valut d’être licencié le 31 mars 1950.

En avril 1950, il fut incorporé au 2e Génie à Metz pour y effectuer son service militaire durant onze mois dans la fanfare. Acheteur régulier du journal l’Humanité, Georges Roffe fit l’objet de plusieurs contrôles et fouilles dans sa chambre, sans que jamais le quotidien ne fût découvert. Par la suite, de retour à la vie civile et ayant appris d’un camarade travaillant à la SMK, que cette dernière voulait créer son harmonie, il se mit sur les rangs faisant valoir son permis poids lourds qu’il avait obtenu auparavant. Mais au terme de la troisième répétition, le responsable de l’harmonie lui fit savoir que sa candidature était refusée, refus d’embauche lié à sa présence sur la liste rouge des de Wendel qui faisaient alors la pluie et le beau-temps dans les entreprises de la vallée. Il trouva un travail de livreur chez un marchand de limonade à Algrange (Moselle), puis à la Société Alsacienne de Travaux Publics sur le site de la SMK qui comptait alors sept hauts-fourneaux. Affecté à la rénovation des silos, il procédait au déchargement des camions et au nettoyage. À cette époque, il connut un cafetier, chef d’équipe au funiculaire à la mine de fer d’Aumetz qui alimentait en minerai les hauts-fourneaux de la SMK, via la station centrale de Fontoy, jusqu’à la station portier du haut, où il fut alors embauché. Toujours syndiqué à la CGT, il devint collecteur auprès des adhérents, et participa aux distributions de tracts. Par la suite il mit en place au funiculaire une sous-section du syndicat de la mine d’Aumetz, avec les trois stations qui regroupaient les deux lignes dont l’une venait de Boulange, employant quatre-vingt-dix ouvriers sur trois postes. Il fut élu d’abord suppléant puis titulaire au Comité d’établissement de la mine et le syndicat finit par obtenir des vestiaires, et le remplacement des tonneaux métalliques par de l’eau courante. Le 27 juillet 1956 à Nilvange il épousa Ludmilla Olifertchouk, une jeune femme d’origine ukrainienne, et le 13 avril 1960 naquit leur fille Elizabeth. En 1963 il participa avec les « funiculaires » à la grande marche des mineurs à Paris, qui reçut un accueil extraordinaire, comme au retour à Châlons-sur-Marne, où l’UD CGT organisa le casse-croûte. La Fédération régionale des mineurs de fer était alors organisée en bassins, celui de la SMK regroupait trois mines, et Georges Roffe en était l’un des animateurs. Lors des grèves de 1967, le patronat ayant mis en place l’organisation de stocks de minerai pour faire face au mouvement, il participa à l’action régionale de la CGT qui se traduisit par les occupations y compris celles des aires de stockage et du funiculaire. Il fut élu à la commission administrative de la fédération régionale puis participa au bureau ainsi qu’au secrétariat, jusqu’en 1971 où il fut élu au secrétariat de l’UD de Moselle, chargé de suivre le bâtiment, puis l’agriculture et les bucherons de l’ONF. Dans le secteur géographique de Sarrebourg à l’autre extrémité de la Moselle, il fut également amené à fréquenter les verriers de Vallerysthal, qui devaient par la suite créer une SCOP. Il participa à la création de l’Union locale d’Hayange, et soutint les syndicats du commerce du département. En 1977, succédant au cheminot Armand Stein*, il devint secrétaire général de l’UL de Metz, dont il suivit les syndicats et développa la syndicalisation.

Retraité de la mine en 1984, Georges Roffe poursuivit son activité à la Fédération Régionale, et fut de toutes les initiatives du syndicat de sa corporation pour la défense du régime minier et contre les fermetures des mines, pour lesquelles le patronat dut payer le prix fort face à la mobilisation des mineurs de fer. Poursuivant inlassablement son activité, notamment au sein des retraités, dont il assura la coordination pour le secteur de Volmerange-Ottange-Boulange-Algrange et Hayange, il fut membre de la commission exécutive de l’UD de Moselle jusqu’en 2013, date à laquelle il mit un terme à son mandat. Il fut également délégué à plusieurs congrès fédéraux et confédéraux, dont celui de Lille en 2006 où il fut honoré comme le plus ancien adhérent parmi les congressistes. Tout au long de son parcours syndical et de sa vie, il s’est toujours défini comme un combattant de la lutte des classes.

Candidat sur la liste du Parti communiste, sans en être membre, aux élections municipales de 1965 à Nilvange, il ne fut pas élu. En 1971, il dirigea la liste des « communistes et républicains » dans sa commune, mais c’est aux élections de 1983 qu’il fut élu conseiller municipal avec le scrutin à la proportionnelle. Titulaire de la carte de Patriote résistant à l’occupation des départements du Rhin et de la Moselle, il était également membre de la FNDIRP.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article173368, notice ROFFE Georges, François par Jean-François Lassagne, version mise en ligne le 30 mai 2015, dernière modification le 15 janvier 2022.

Par Jean-François Lassagne

Georges Roffe en 2013
Georges Roffe en 2013
Transmis par Jean-François Lassagne

SOURCES : Arch. de l’UD de Moselle. — Arch. personnelles de Georges Roffe. — Entretiens en 2014-2015.

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