SIMON Michel

Par Jacques Girault

Né le 5 juillet 1927 à Paris (XIIe arr.), mort le 7 septembre 2013 à Concarneau (Finistère) ; professeur d’université ; militant du SNES ; militant communiste du Nord, membre du comité central du PCF.

Fils d’un dessinateur industriel, socialiste, franc-maçon, et d’une institutrice, Michel Simon subit les persécutions raciales visant la communauté juive pendant le Seconde Guerre mondiale. Avec sa mère et son frère Gérard Simon, il fut arrêté et emprisonné en juillet 1942 lors d’une tentative de passage clandestin de la ligne de démarcation. Il habita ensuite Limoges avec sa famille, où il effectua en partie sa scolarité, et fut, notamment pendant les congés scolaires, recueilli clandestinement avec son frère dans une famille de métayers à Saint-Laurent-sur-Gorre (Haute-Vienne), épisodes qui restèrent durablement dans sa mémoire.

Il entra à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm en 1947. Reçu à l’agrégation de philosophie en 1951, nommé professeur, il enseigna pendant une année au lycée Poincaré à Nancy (Meurthe-et-Moselle) et partit au service militaire dans l’armée de l’Air à Versailles (Seine-et-Oise) puis à Bordeaux (Gironde) en 1952-1953. Nommé au lycée Faidherbe à Lille (Nord) peu après, professeur de khâgne, il y enseigna jusqu’à son entrée au Centre national de la recherche scientifique comme attaché de recherches, après une année d’enseignement à la Sorbonne, comme assistant remplaçant (1964-1965) à la demande de Georges Gurvitch. Ensuite, en 1969, il revint à la Faculté des Lettres de Lille au centre de sociologie.

Michel Simon se maria en décembre 1956 à Voisenon (Seine-et-Marne) avec Jeannine Berton, institutrice, sympathisante communiste, fille d’instituteurs. Elle enseigna au collège de Fives-Lille où ils habitaient.

À l’ENS, Michel Simon milita à l’Union nationale des étudiants de France en 1947, au syndicat CGT, puis en 1949 à la Fédération de l’Éducation nationale. À Nancy, en 1952, il fut le secrétaire intersyndical des fonctionnaires CGT. Dès son arrivée au lycée Faidherbe, il adhéra au Syndicat national de l’enseignement secondaire et siégea à la commission administrative de la section académique (S3) de 1960 à 1965, se reconnaissant dans le courant “B“.

Michel Simon fut le secrétaire du cercle d’études socialistes à l’ENS en 1948-1949. Influencé par Jean-Paul Sartre, il adhéra pendant peu de temps en 1949 au Rassemblement démocratique révolutionnaire de David Rousset. Pendant sa scolarité à l’ENS, il s’opposa aux nombreux élèves, alors militants communistes. En raison de son engagement anticolonialiste, il rejoignit le Parti communiste français en janvier 1951 dans la section du Veme arrondissement. À Nancy, il fut le secrétaire à la propagande de la section universitaire en 1952-1953. À Lille, secrétaire de sa cellule à la fin de 1953, il fut élu au comité et au bureau de la section communiste. Il devint secrétaire de la section communiste du centre de Lille en 1961.

Michel Simon entra au comité de la fédération du Nord en 1956. En 1963, il devint membre du bureau fédéral, responsable des intellectuels, où il resta jusqu’en 1971. Il suivit l’école de quatre mois du PCF en 1970 et redevint seulement membre du comité fédéral dans le Nord à partir de la conférence fédérale de 1971. Il en resta membre jusqu’en 1993. Dans les années 1980, il fut le secrétaire des organisations communistes dans les universités de Lille. Pendant toute son activité militante, il participa à l’encadrement de stages, d’écoles de formation de militants communistes.

Michel Simon intervenait souvent dans la presse communiste du Nord et collaborait à La Nouvelle Critique proposant une nouvelle stratégie unitaire en direction des socialistes, thème politique nouveau, alors que les relations du PCF et de la SFIO au début de la Ve République étaient fort mauvaises. Il écrivit notamment un article dans La Nouvelle Critique au cœur de l’affaire [Servin>-8664]-Casanova sur la question de la politique du PCF. Cet article fut remarqué par Maurice Thorez et, lors de la réunion du comité central, les 23-24 avril 1961, il cita l’article d’un « jeune professeur du Nord » traitant de la responsabilité des dirigeants du Parti en cas d’erreurs. Selon Thorez, à la suite de certaines remarques critiques, des corrections avaient été introduites. Lors de la réunion du comité central, le 25 mars 1964, Waldeck Rochet proposa d’élire Michel Simon comme suppléant du comité central, promotion qui fut décidée lors du congrès suivant. Titularisé, il resta membre du comité central jusqu’en 1973. Il donna une conférence à l’Institut Maurice Thorez en 1969 sur « Lénine et la philosophie », dont le texte fut repris dans un ouvrage avec Guy Besse et Jacques Milhau sous le titre Lénine, la philosophie et la culture (Paris, Editions sociales, 1971)

Membre du comité de rédaction de La Nouvelle Critique depuis 1960, spécialiste de la social-démocratie et du monde ouvrier, il joua un rôle dans la revue notamment dans le numéro consacré au culte de la personnalité (décembre 1963). Son article analysait les caractéristiques du pouvoir de Staline. Par la suite, il prit part aux discussions des philosophes communistes, intervenant régulièrement, y apportant notamment la connaissance sociologique du monde ouvrier sans adopter une position favorable ou défavorable par rapport aux analyses de Louis Althusser et de Roger Garaudy, mais en souhaitant que la direction du Parti laisse la discussion se poursuivre. Il entendait ainsi manifester son opposition aux analyses de Garaudy. Mais dans ses articles, sa démarche relevait le plus souvent de l’influence d’Althusser. Lors des réunions du comité central, il montra très vite les décalages pouvant se manifester entre les positions des dirigeants soviétiques, la théorie marxiste et la pratique démocratique. Dans les débats sur l’unité de la gauche, il manifestait toujours le souhait que le PCF choisisse la voie unitaire en affirmant le choix des libertés individuelles. Quant à la perspective électorale, il évoqua la possibilité d’une supériorité socialiste pour des raisons sociologiques et en raison des hésitations théoriques du Parti, et, par la suite, critiqua l’attitude du PCF lors de la rupture du programme commun de la gauche. Plus tard, s’il ne participa pas aux diverses contestations dans le PCF, il accompagna les efforts de renouvellement de la fin des années 1990 au sein de la section communiste de Rosporden (Finistère).

Au milieu des années 1960, une petite société spécialisée dans les études d’opinion entra en contact avec le PCF et proposa une étude sur son image à partir d’entretiens non directifs. La direction du Parti accepta et chargea Michel Simon de suivre cette recherche d’une équipe de spécialistes de sciences politiques. En décembre 1966, à partir de 77 entretiens et d’un échantillon de 1 780 personnes, les résultats de l’enquête sur “l’univers politique des Français et l’image du Parti communiste“ furent l’objet de deux articles, présentés et conclus par Simon, dans les Cahiers du communisme (décembre 1967-janvier 1968), sous le titre “Les Français, la politique et le Parti communiste“, signés par Monique et Raymond Fichelet, Guy Michelat et Michel Simon. Il s’agissait, selon ce dernier, « d’évaluer le degré de connaissance et d’approbation du programme politique du Parti communiste ». Cette recherche montrait « que la division en classes » et sa « traduction politique et idéologique » n’était pas « automatique » et devait tenir compte de « la division selon le sexe, l’âge ou la religion ». Par la suite, le PCF poursuivit le financement d’autres recherches de l’équipe Michelat-Simon sur sa politique, le plus souvent en relations avec la Fondation nationale des sciences politiques. Ces études pouvaient avoir des incidences sur la ligne politique du Parti. Ainsi, alors que le PCF fondait une partie de sa stratégie sur l’alliance avec les milieux catholiques, dans l’ouvrage, Classe, religion et comportement politique coédité par les Éditions sociales et les Presses de Sciences Po, en 1977, ils montraient que plus la pratique catholique était régulière, plus le vote à gauche diminuait.

Michel Simon, à la différence des autres étudiants en philosophie de l’ENS, fréquenta le Centre d’études sociologiques et prépara un diplôme d’études supérieures sur la « contribution de la psychanalyse à la compréhension des faits sociaux ». Il écrivit plusieurs articles dans les Cahiers internationaux de sociologie et collabora en 1957 à un ouvrage collectif sous le titre Des chercheurs s’interrogent. Organisation et orientation du travail scientifique en France (Presses universitaires de France, 1957). Il travaillait pour une thèse de doctorat d’État, sous la direction de Raymond Aron, sur la sociologie des militants socialistes et leur appartenance de classe. Il mena en parallèle son activité politique et ses recherches. Engagé dans des recherches sur les comportements politiques des Français, il pensait que les facteurs quantitatifs et qualitatifs qui ne s’opposaient pas, devaient être examinés conjointement et que les catégories socio-professionnelles n’étaient pas le seul facteur discriminant. À la fin des années 1970, il investit surtout le terrain de la recherche universitaire. Il soutint sa thèse et devint en 1982 professeur de Sociologie à l’Université de Lille I. Il dirigea aussi l’UFR de sciences économiques et sociales. Il fonda en 1981 puis dirigea le CLERSÉ (Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques), unité mixte CNRS-Université, puis en 1986 l’IFRESI (Institut fédératif de recherches sur les économies et les sociétés industrielles) interuniversitaire jusqu’à sa retraite en 1992.

En 2006, il donnait sur le site de la Fondation Gabriel Péri, un témoignage sous le titre « Peut-on avoir été membre du Parti communiste français (ou pire, l’être resté) et avoir satisfait (ou satisfaire) aux normes d’autonomie critique hors desquelles il n’y a pas de posture intellectuelle authentique ». Il remarquait notamment que l’on pouvait être reconnu par la communauté scientifique universitaire sans faire de concessions sur le plan politique.

Après la retraite de son épouse, Michel Simon vint habiter en Seine-et-Marne, et depuis sa propre retraite, à Melgven (Finistère) où il s’adonnait au plaisir de la voile avec son épouse, décédée en 2012.

À son décès, l’Humanité, le 11 septembre 2013, publia un article de Dany Stive, « Le sociologue Michel Simon, militant communiste infatigable, est décédé ».
Il était titulaire de la Légion d’honneur.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article173398, notice SIMON Michel par Jacques Girault, version mise en ligne le 30 mai 2015, dernière modification le 17 octobre 2020.

Par Jacques Girault

ŒUVRES : Le fichier de la BNF comportait 9 références et 7 titres différents dont, avec Guy Michelat, Les ouvriers et la politique : permanence, ruptures et réalignement 1962-2002, Paris, Presse de Sciences po, 2004.

SOURCES : Archives du comité national du PCF. — Arch. IRHSES (bulletin du S3 de Lille). — Presse. — Renseignements fournis par l’intéressé et par sa nièce Anne Simon. — Tréanton (Jean-René), « Les débuts du Centre d’études sociologiques », Revue française de sociologie, 1992. — Notices parues dans Les Nouvelles d’Archimède (67-68) par Roland Delacroix, Bruno Duriez et Jacques Roillet. — Matonti (Frédérique), Intellectuels communistes. Essai sur l’obéissance politique. La Nouvelle Critique (1967-1980), Paris, La Découverte, 2005. — Notes d’Alain Dalançon et de G. Michelat.

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