SOSSON Lucien

Par Jacques Cousin

Né le 23 novembre 1920 à Sanvic (Seine-Maritime), mort le 27 décembre 1982 à Laval (Mayenne) ; instituteur itinérant agricole ; secrétaire général de la section mayennaise du SNI de novembre 1957 à mars 1975, secrétaire départemental de la FEN de 1970 à 1976.

Son père exerça la profession de charron à Deux-Evailles (Mayenne). Lucien Sosson fréquenta le cours complémentaire de Laval, puis entra à l’École normale d’instituteurs de Laval avec la promotion 1937-1940. Il en sortit avec le brevet supérieur.

Sa carrière d’instituteur commença à Assé-le-Bérenger (Mayenne) où il enseigna du 1er septembre 1940 au 1er octobre 1942. Entre-temps, il épousa Adrienne Mortier, institutrice elle-aussi. Après avoir exercé à Voutré du 2 octobre 1942 au 1er octobre 1945, il effectua son service militaire pendant six mois à la météorologie nationale et occupa ensuite successivement les postes de La Chapelle-Anthenaise, jusqu’à la fin de l’année scolaire 1945-1946 et Le Bourgneuf-la-Forêt du 1er octobre 1946 au 15 septembre 1951. En 1951, instituteur à La Baconnière, il bifurqua alors vers les cours post-scolaires agricoles itinérants et les cours d’horticulture qu’il assuma jusqu’à sa retraite le 1er décembre 1975.

Sosson fut élu pour la première fois au conseil syndical de la section mayennaise du Syndicat national des instituteurs lors de la consultation du 16 octobre 1947 par 434 voix sur 442 suffrages exprimés. Tous les conseillers syndicaux ayant démissionné le 24 juin 1948, la section départementale présenta une liste d’union regroupant les trois tendances aux élections qui suivirent. Sosson retrouva son mandat et accepta la charge de trésorier de la section.

Aux élections de novembre 1948, organisées pour le renouvellement de la commission administrative paritaire départementale (CAPD), la liste entière du SNI, où Sosson figurait en tant que suppléant, fut élue sans concurrence. Après le scrutin du 28 novembre 1950, il refusa de remplacer Francis Robin qui souhaitait démissionner de son mandat de secrétaire général, mais accepta de devenir secrétaire adjoint de la section, poste qu’il conserva après les scrutins du 18 novembre 1952 et du 22 novembre 1954. En 1956, il reprit les finances de la section.

Présent à nouveau sur la liste d’union présentée par la section mayennaise du SNI, Sosson conserva son poste de suppléant à la CAPD aux élections du 29 avril 1952, puis à celles du 5 novembre 1954. Successeur d’André Anjubault, démissionnaire au poste de secrétaire général de la section lors du conseil syndical du 7 novembre 1957 (15 voix sur 18 votants), Sosson fut élu comme titulaire sur la liste d’union présentée par la section mayennaise du SNI pour la commission administrative départementale.

Les événements de mai 1958 soulevèrent, entre le 14 et le 23 mai, une grande agitation dans les organisations proches de l’école publique telles que la Fédération des conseils de parents d’élèves, la Fédération des œuvres laïques, le Comité départemental d’action laïque, mais aussi les organisations syndicales. Sosson et Jules Marcheteau jouèrent un rôle déterminant au cours de cette semaine fertile en événements.

Le 16 mai à 17 heures 30, le Comité départemental d’action laïque, qui regroupait plusieurs organisations représentatives de l’enseignement public, remit au préfet une motion condamnant « des officiers et des civils sans mandat [qui ont] pris des initiatives violentes contraires au principe du régime républicain » et ajoutant que « tout appel direct ou indirect à la sédition (…) est un crime contre la France ».

Sosson pour le SNI et Jules Marcheteau pour la FEN, initiateurs de cette première motion, tentèrent, le même jour, avec André Quesne, Robin et Anjubault de mettre sur pied un Comité de vigilance élargi à l’ensemble des organisations syndicales. De son côté, Muller, secrétaire de l’UD-CGT, invita par lettre les organisations syndicales départementales à organiser une riposte contre « le complot organisé par certains chefs militaires et les milieux fascistes » pour le lendemain 17, à la Maison du Peuple, à Laval. Une seconde motion fut préparée. Sosson rendait compte quasi quotidiennement des événements en Mayenne à Denis Forestier, secrétaire national du SNI. Il écrivait ainsi le 19 : « Nous avons répondu positivement à l’appel de l’UD-CGT parce que nous pensions pouvoir diriger les débats, ce qui, en fait, s’est partiellement réalisé puisque la motion reprenait les termes de l’appel de la FEN. Marcheteau a contacté le responsable de l’UD-FO qui a refusé de signer une motion commune avec la CGT. Ultérieurement, la CFTC a refusé, elle-aussi, de signer. Un organe de liaison reste en place, dont nous sommes la charnière ».

La motion « commune » déposée à la préfecture le 21 mai ne comportait que les seuls noms de Sosson et de Marcheteau. Elle proclamait entre autres : « Les organisations syndicales unanimes ont affirmé le libre jeu des institutions républicaines… le seul gouvernement légitime est celui qui a été régulièrement investi ».

Le 23 mai, soit dix jours après les événements d’Alger, à l’initiative surtout de la CGT et du PCF, un appel fut lancé aux mayennais afin de mettre sur pied un comité de défense et d’action républicaine. On y retrouvait entre autres les signatures de Lucien Sosson pour le SNI et de Francis Robin pour la FEN. Une semaine plus tard, naquit le Comité de défense et d’action républicaine constitué, cette fois-ci, de toutes les autres forces politiques et syndicales de gauche et du centre, sous la présidence de Constant Martin, maire radical d’Ernée. Là encore, on y retrouvait les signatures de Sosson et de Marcheteau qui espéraient jouer le rôle de coordinateurs entre les deux comités.

Un mot d’ordre de grève des enseignants fut lancé pour le 30 mai, à l’initiative de la FEN et du SNI. Davantage suivie dans l’enseignement primaire et dans les enseignements technique et professionnel que dans le secondaire, elle toucha environ 70 % du personnel. Les enseignants, réunis à la Maison du Peuple, réaffirmèrent leur attachement aux libertés fondamentales et dénoncèrent les « pressions politiques et militaires qui tendent à imposer un pouvoir personnel et autoritaire ». Ils conclurent la réunion en appelant à la constitution d’un gouvernement de Front populaire.

Lucien Sosson fut réélu au conseil syndical le 27 février 1959 et conserva son poste de secrétaire général de la section du SNI. Ses responsabilités furent reconduites en 1961 et en 1963. Il représenta la section départementale du SNI au congrès national de Strasbourg en 1960, sans toutefois y prendre la parole. Lors de la réunion du conseil national, le 23 décembre 1960, il intervint sur la question du certificat d’aptitude pédagogique des maîtres de l’enseignement privé. Selon lui, le syndicat devait refuser de participer aux commissions de validation.

Sosson fut réélu à la CAPD en 1961 par 798 voix sur 805 suffrages exprimés. En 1965, et pour la première fois depuis la Libération, deux listes concurrentes s’opposèrent lors du renouvellement du conseil syndical : une liste d’action syndicale et d’action laïque regroupant majoritaires et ex-cégétistes, conduite par Sosson, et une autre réunissant des candidats présentés par l’École émancipée. Sosson fut aisément réélu ainsi que 19 de ses colistiers sur 25 sièges à pourvoir.

Sosson signa les motions d’orientation de la majorité pour les congrès à partir de 1961. Pressenti pour figurer sur la liste de la majorité nationale lors des élections organisées pour le renouvellement du bureau national en décembre 1965, il se présenta en huitième position sur la "Liste de la majorité nationale. Pour un SNI puissant au service de tous dans l’unité, l’indépendance et la démocratie", il arriva en trentième position lors du vote. Au conseil national de décembre 1965, Sosson intervint pour exposer la situation précaire des maîtres de collèges d’enseignement général qui, à la suite du changement de statut de leur établissement, exerçaient désormais dans les collèges d’enseignement secondaire, et proposa que l’administration ne porte pas vacants les postes occupés par les maîtres de CEG, sauf nécessité absolue.

Ayant conservé son mandat à la CAPD en 1965, Sosson en démissionna comme tous les autres élus, le 16 février 1966, afin de protester contre les nouveaux décrets gouvernementaux qui imposaient aux candidats à un poste de directeur d’école leur inscription préalable sur une liste d’aptitude et leur nomination par le recteur en dehors du contrôle des commissions paritaires. Réélu immédiatement, il conserva ensuite son siège de commissaire paritaire départemental à chaque nouvelle élection à la CAPD, y compris celle de janvier 1973.

Entre-temps, en mars 1967, au moment du renouvellement du conseil syndical, chaque tendance représentée dans la section mayennaise du SNI décidé de partir sous sa propre bannière et son propre programme. Les majoritaires regroupés dans une liste intitulée « pour un syndicalisme indépendant, réaliste et constructif », obtinrent 16 sièges sur 25 à pourvoir. Sosson, tête de liste, fut reconduit par 17 voix contre 3 à Albert Pelé au poste de secrétaire général de la section. Sosson présenta la motion d’orientation de la majorité à l’assemblée générale départementale du 22 juin 1967. Il y réaffirma que le syndicat devait rester le défenseur des conditions de travail des enseignants par la négociation, au besoin par des grèves et se prononça contre le cumul des mandats politiques et syndicaux. Les majoritaires recueillirent 42 voix contre 37 pour la tendance « Unité et Action » et 19 pour « les amis de l’École émancipée ».

Les événements de mai 1968 et la répression policière contre les étudiants parisiens entraînèrent militants et responsables syndicaux dans une tourmente sans précédent. Le 13 mai se déroula un meeting unitaire devant la Maison du Peuple à Laval, suivi d’un défilé regroupant 2 500 personnes. En fin de manifestation, un certain nombre de militants se regroupa devant la Maison du Peuple pour y constituer un comité de liaison intersyndical. Sosson et Marcheteau, secrétaires du SNI et de la FEN y assistaient à titre personnel. Ce comité se réunit pratiquement chaque jour jusqu’au 20 mai, sans cependant qu’une décision concrète n’en sorte.

Le dimanche 19 mai, le conseil syndical extraordinaire réuni par Sosson donna lieu à de très vives discussions, certains réclamant la grève illimitée. Le soir même un communiqué du SNI national annonça aux adhérents qu’ils devaient cesser le travail et fermer les écoles à compter du mercredi 22 mai. Dans la soirée du 22 se tint une réunion du comité intersyndical afin de préparer la manifestation du 24 ; la FEN et le SNI y étaient représentés par Marcheteau et Sosson pour les autonomes.

Dans la semaine qui suivit, se succédèrent réunions et manifestations tant à Laval qu’à Mayenne ou Château-Gontier. Cependant, le lundi 3 juin se manifestèrent les premiers signes d’essoufflement dans la grève. Le lendemain, on assista à quelques reprises dans les écoles rurales, ainsi que dans certaines usines.

Lucien Sosson convoqua une nouvelle assemblée générales le mercredi 5 juin. On y observa de nombreuses prises de paroles, mais sans qu’un compte-rendu soit rédigé. L’assemblée fut notée simplement comme ayant été « mémorable par son aspect spontané, son bouillonnement ». Le vote qui la termina enregistra 409 voix pour la reprise, 355 contre. Ce vote départemental fut confirmé le lendemain au conseil national à Paris (pour la reprise 1 587 mandats, contre 969 mandats, abstentions 153 mandats, refus de vote 4 mandats). Le vendredi 7 juin, on observa la reprise générale dans les écoles. Les lycées et collèges continuèrent leur grève jusqu’au lundi 10 juin.

A la rentrée qui suivit les événements de 1968, Sosson tirait ainsi les leçons du conflit : « (Sans le mois de mai)…, nous en serions toujours au stade des promesses. Mai a fait qu’on est passé au stade des réalisations, réalisation combien trop timide tant il est vrai que rien de bon ne pourra véritablement sortir d’un régime qui, dans son essence même, est antisocial et antidémocratique ».

Réélu au conseil syndical en mars 1969, Sosson fut reconduit par 16 voix contre 5 à Jean-Claude Robert, candidat de l’Ecole émancipée, au poste de secrétaire général de la section, fonction qu’il cumula à partir de février 1970 avec celle de secrétaire général de la section départementale de la FEN où il succédait à Jules Marcheteau.

Cependant, lors de l’assemblée générale du 18 juin 1970, Sosson fut mis en minorité sur le rapport d’activité départemental. Il réclama alors la démission de tout le conseil syndical afin de recueillir l’avis des adhérents. Les nouvelles élections en novembre 1970 amenèrent peu de changements dans l’équilibre des forces en présence. La liste Unité et Action gagna un siège aux dépens de l’Ecole émancipée (15 UID, 6 UA, 4 EE). Le nouveau conseil confirma Sosson dans ses fonctions de secrétaire général de la section départementale. Par la suite, il conserva ce poste après les élections d’avril 1970 et d’avril 1973.

En 1974, le département comptait 24 suppléants éventuels. Leur situation était particulièrement délicate : aucune garantie de titularisation ou même de réemploi, paiement au nombre de jours de travail dans le mois… Sosson lança alors un mot d’ordre de grève reconductible pour le 28 mai, dont l’objectif était l’inscription des suppléants éventuels sur la liste des remplaçants, lesquels bénéficiaient d’un statut plus avantageux. Une assemblée générale fut convoquée pour le même jour. Cette première grève ayant été bien suivie, l’assemblée générale départementale décida d’organiser une occupation de l’inspection académique. Le mercredi 5 juin, au cours de la manifestation, quelques syndicalistes furent matraqués par les CRS, ce qui provoqua le 7, une nouvelle grève suivie d’un imposant défilé dans la ville. Sosson qui intervenait avant le départ déclara notamment : « Ne cédez à aucune provocation d’où qu’elle vienne. Il faut montrer ce que serait l’ordre dans la société (…) que nous devons contribuer à mettre en place. Montrons qu’une société socialiste est capable d’avoir son ordre sans encadrement de flics matraqueurs ».

Une nouvelle manifestation fut organisée le 14 juin à l’initiative des tendances Ecole émancipée et FUO. L’assemblée générale de grévistes réunie dans la foulée se déroula dans la plus grande confusion. Lucien Sosson prit la parole pour clore les débats : « Une réunion qui n’est pas réunie (statutairement) ne saurait avoir le pouvoir d’engager la section départementale dans une action quelconque. Dans l’intérêt même des objectifs que nous poursuivons contre la volonté de l’administration dont je dénonce une fois de plus les carences ; contre la volonté du pouvoir politique dont je dénonce avec force le caractère néfaste pour le service public, (…) en liaison avec le bureau national du SNI, (…), je prends la responsabilité de demander à tous les syndiqués que cessent les actions qui ne correspondent pas à la volonté de tous et qui risquent de mettre gravement en danger l’unité et la cohésion de la section. (…) Dès le début de la semaine prochaine, et en liaison étroite avec le bureau national, une consultation de tous les syndiqués sera organisée de telle sorte que chacun puisse s’exprimer clairement sur ce qu’il convient de faire ». Cette intervention de Lucien Sosson rencontra une forte approbation de la part des syndiqués consultés (856 réponses, 155 favorables à la poursuite des actions, 650 contre, et 50 abstentions), mais fut très critiquée par les trois tendances minoritaires lors de l’assemblée générale le 26 juin. Au moment du vote du rapport d’activité départemental, celui-ci fut repoussé par 156 voix contre 83 et 13 abstentions. Les oppositions entre tendances minoritaires et majorité se cristallisèrent, amenant dans la section un climat très tendu.

Sosson reçut, le 26 novembre 1974, une lettre de Michel Bouchareissas, membre du bureau national, demandant aux conseillers syndicaux de la section de prendre leurs responsabilités vis-à-vis des agissements de la tendance École émancipée en Mayenne. Sosson envoya alors au bureau national un rapport circonstancié (La Voix syndicale, janv. févr.) qui présentait les activités de l’École émancipée dans la section de la Mayenne depuis décembre 1972 où il faisait apparaître que certaines de leurs actions étaient en opposition avec celles de la section. Au conseil syndical du 8 janvier 1975, il dénonça une position fractionnelle et demanda l’exclusion pour un an d’Albert Pelé, responsable départemental de la tendance Ecole émancipée. Celle-ci fut votée par le conseil syndical par 14 voix contre 4.

Lors du conseil syndical du 9 avril 1975, qui faisait suite aux élections pour le renouvellement de cette instance, Sosson qui prenait sa retraite à la fin de l’année scolaire céda sa place à Jean-Pierre Dauby qu’il remplaça au poste de secrétaire adjoint de la section. Lucien Sosson quitta cette dernière fonction lors de la réorganisation de la section au CS du 3 octobre 1978, tout en gardant son mandat de conseiller syndical lequel lui fut renouvelé en mars 1979. A partir de cette date, il occupa les fonctions de secrétaire gérant du bulletin de la section, La Voix syndicale. Entre temps, en 1976, il avait également abandonné son poste de secrétaire général de la section départementale de la FEN au profit de Patrick Picaut. Il fut réélu pour la dernière fois au conseil syndical du SNI lors des élections de mars 1982.

Lucien Sosson fut également très actif dans le domaine associatif. Lorsque la loi rendit la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans et que furent institués des circuits de ramassage scolaire vers les collèges des chefs-lieux de canton, il créa une association loi 1901, l’Association départementale pour le ramassage et le transport scolaire et éducatif destinée à briser le monopole de la Fédération départementale des familles rurales trop favorable à l’enseignement catholique. Les statuts de l’ADRTSE furent déposés le 20 mai 1962.

Lucien Sosson milita également à la Mutuelle assurance élèves dont il assura la présidence du 12 juin 1972 au 27 décembre 1982.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article173637, notice SOSSON Lucien par Jacques Cousin, version mise en ligne le 4 juin 2015, dernière modification le 23 novembre 2018.

Par Jacques Cousin

SOURCES : Arch. Dép. Mayenne, La Voix syndicale, archives de la section départementale du SNI-PEGC. — Témoignage d’Adrienne Sosson, son épouse. — Notes de Jacques Girault.

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