FOGEL Thomas

Par Daniel Grason

Né le 25 novembre 1925 à Paris (XIIe arr.), mort à Jawischowitz (Pologne) ; membre des Jeunesses communistes juive ; militant de la Main d’Œuvre immigrée.

Cliché Céline LargierVié

Fils de parents polonais, Szlama tailleur et d’Esther, née Gameron, mécanicienne en fourrure, Thomas Fogel de nationalité française par déclaration, demeurait chez ses parents 127 avenue Simon-Bolivar à Paris (XIXe arr.). Ses parents étaient des militants communistes de la sous-section juive, lui était membre du « Cercle sportif Israélite » dont le siège était au 30 rue Basfroi (XIe arr.). La promulgation du statut des Juifs par le gouvernement de Vichy en octobre 1940 puis celui de juin 1941 plongea la communauté israélite dans de très grandes difficultés. Thomas Fogel fut condamné en décembre 1942 pour « tentative de vol et falsification de pièces d’identité ». Le 18 décembre 1942 il était incarcéré au camp des Tourelles à Paris (XXe arr.).

En exécution d’une ordonnance du Tribunal pour enfants, il fut confié à sa libération le 29 janvier 1943 à l’Union des Israélites de France 21 rue Paul Albert à Paris (XVIIIe arr.). Il s’évada de ce centre le 4 février 1943, la direction des Affaires juives de la Préfecture de police diffusa son signalement : « Taille 1,75 m, cheveux châtain foncé, assez corpulent, porte lunettes et cligne fortement des yeux, complet bleu et pardessus marron ».

Des inspecteurs filèrent l’amie de Thomas Fogel, Anna Neustadt dite Paulette la police trouva sa trace. En une semaine repéra quatorze militants. Le 23 mars 1943 à 6 heures du matin lors d’une opération conjointe de la BS2 et de la BSi du commissariat de Puteaux (Seine, Hauts-de-Seine), 63 militantes et militants de la M.O.I étaient interpellés dont Henri Krasucki. Les policiers de la Brigade spéciale organisèrent une confrontation de ce dernier avec Thomas Fogel. Henri Krasucki témoigna des violences policières : « Thomas fut complètement dénudé et, en ma présence, mis à la torture. On le fouetta avec un grand fouet dont le bout était terminé par un gros boulon de plomb. Chaque fois qu’il recevait un coup, la corde souple s’enroulait autour de son corps et le bout de plomb venait frapper avec force sur le sexe. Thomas hurlait de douleur mais dans sa peine, il ne perdit pas courage. Il criait : “ Bandits ! Salauds ! Assassins ! Vous paierez très cher vos crimes. Vous n’échapperez pas à notre vengeance. La France sera encore libre. Vous devez rendre compte de vos crimes ! Assassins ! Assassins ! ” ».

Il fut ensuite interné au camp de Drancy réservé aux juifs. Thomas était dans le transport n° 55 de 1058 déportés en compagnie des parents Esther et Szlama qui partit le 23 juin 1943 à destination d’Auschwitz. Les plus jeunes de ce convoi furent envoyés dans les mines de Jawischowitz pour extraire le charbon, Thomas Fogel y mourut. Son amie Anna Neustadt accoucha d’un garçon prénommé Gabriel. L’armée Soviétique libéra le camp le 27 janvier 1945, sur les 1058 femmes et hommes de ce convoi, 72 avaient survécus dont 37 femmes, les parents de Thomas étaient morts.

Les 18 et 19 mars 1945 Lucien Bizoire, ex-commissaire principal de Puteaux, puis chef de la 3ème section des Renseignements généraux comparut devant la cour de justice. Il dégagea sa responsabilité sur la BS2, l’un de ses oncles, général, sous-chef d’État-Major certifia que son neveu était « tout ce qu’il y a de plus antiallemand », qu’il avait rendu des services à un réseau de résistance dont lui-même était membre. Humour noir involontaire, un colonel, chef du 2ème bureau assura que Bizoire lui avait « fourni des renseignements sur la police française et allemande en ce qui concerne la répression des patriotes ».

Le Commissaire du gouvernement déclara que l’adjoint à la tête de la BS2, Pierre Gautherie : « Cent fois plus coupable » que Bizoire « a été gracié par le Général de Gaulle que je considère comme le premier Résistant de France ; je ne passerai pas outre, car il y aurait injustice et je demande une peine de travaux forcés à perpétuité ». Puis s’adressant à Bizoire, il lui lança : « Il faut que vous portiez le poids de votre châtiment jusqu’à votre dernier souffle ». Après délibération, la Cour condamna Lucien Bizoire à cette peine et à l’Indignité nationale.

Membre de la Jeunesse juive, militant de la Main d’Œuvre immigrée, Henri Krasucki déporté à Auschwitz dans le même convoi, fut affecté dans un camp de travail dans les mines de charbon à Jawischowitz, il rentra à Paris le 28 avril 1945. Il témoigna dans le cadre d’une commission rogatoire sur l’activité de Lucien Bizoire. Il le reconnut sur photographie, déclara : « Il m’a brisé un nerf de bœuf sur les reins et a montré une satisfaction évidente en ajoutant même que j’avais les reins solides ». Il porta plainte contre Bizoire et une dizaine de tortionnaires.

Une stèle et une plaque commémorative à sa mémoire figure dans la cour d’entrée du collègue Chales Péguy, 69 avenue Simon Bolivar (XIXe arr.) où il fut élève.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article173757, notice FOGEL Thomas par Daniel Grason, version mise en ligne le 28 juillet 2015, dernière modification le 24 mars 2022.

Par Daniel Grason

Thomas Fogel
Thomas Fogel
Cliché Céline LargierVié

SOURCES : Arch. PPo. KB 10, 77W 327, BA 1849. – David Diamant, Par-delà les barbelés, 1986. – David Diamant, Combattants, héros et martyrs de la Résistance, Éd. Renouveau, 1984. – Jean-Marc Berlière avec Laurent Chabrun, Les policiers français sous l’Occupation, Éd. Perrin, 2001. – Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le sang de l’étranger. Les immigrés de la M.O.I. dans la Résistance, Fayard, 1989. – Site internet CDJC. — État civil. — Note de Céline Largier-Vie.

PHOTOGRAPHIE : Arch. PPo. GB 178

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