RADZINSKI Samuel

Par Daniel Grason

Né le 9 septembre 1923 à Koszyce (Pologne), mort le 20 décembre 2005 à Paris ; livreur ; militant de la sous-section juive du Parti communiste ; déporté à Auschwitz (Pologne) ; résistant de la Main d’œuvre immigrée.

Plaque commémorative au 59 rue Jean-Pierre Timbaud.
Plaque commémorative au 59 rue Jean-Pierre Timbaud.

La famille Radzinski habita 59 rue d’Angoulême (Jean-Pierre-Timbaud) à Paris (XIe arr.). Samuel Radzinski adhéra très jeune, à l’âge de treize à une organisation communiste. Il fut élève au lycée Turgot à Paris, les campagnes de solidarité avec l’Espagne républicaine le marquèrent, il participa à la manifestation des étudiants le 11 novembre 1940 à l’Arc de Triomphe. Le 20 août 1941 une rafle eut lieu dans le XIe arrondissement, il fut interné au camp de Drancy, en dix semaines il perdit dix-huit kilos. Le 4 novembre 1941, les malades et les moins de dix-huit ans étaient libérés.
Il reprit immédiatement contact avec les Jeunesses communistes, notamment avec Henri Krasucki et Roger Trugman (Trugnan). En 1943 il fut repéré par des inspecteurs de la BS2 lors de filatures, en raison de sa chevelure, ils le surnommèrent « Le Rouquin ». Il travaillait au 99 rue Oberkampf à Paris (XIe arr.), déjeunait ou dinait Chez Théo, 48 rue de la Folie-Méricourt. Il vivait avec Ruth Kurchant, chargé de recruter des militants pour l’action politique de la Main d’œuvre immigrée et pour les FTP-MOI, il rencontrait de nombreux jeunes. Les policiers suivirent Samuel Radzinski, identifièrent d’autres jeunes militants qui les menèrent à leur insu vers d’autres.
Recrutant pour l’organisation, il rencontrait de nombreux jeunes, demeurait avec son frère Maurice 36 rue Sibuet dans le XIIe arrondissement. Il allait également dans un logement loué par sa mère au 39 rue du Général Donzelot à Neuilly-sur-Marne (Seine-et-Oise, Seine-Saint-Denis). L’efficacité redoutable des inspecteurs des Renseignements généraux, de la BS2, des policiers de la BSi de Puteaux permettra l’identification, puis l’interpellation d’une soixantaine de militantes et militants de la Main d’œuvre immigrée.
Des policiers planquèrent plusieurs jours à Neuilly-sur-Marne, Samuel Radzinski fut appréhendé le 27 mars 1943 vers 14 heures par quatre inspecteurs de la BS2. Emmené dans les locaux des Brigades spéciale à la Préfecture de Police, fouillé il portait sur lui une carte d’identité délivrée par la Préfecture de Police, une carte Assurances sociales, une du conservatoire des Arts et Métiers, un certificat de travail de son employeur, et un bulletin de salaire au nom de Georges Cordier. Il était avant d’être repéré au cours des filatures inconnu des différents services de police.
Au cours des filatures de la police il avait été vu en compagnie de militants communistes. Il reconnut avoir eu des relations avec eux, mais il affirma qu’il ne connaissait pas leur activité au sein du Parti communiste clandestin. Il précisa : « Je suis communiste et j’estime qu’il est de mon devoir de faire partager mes convictions à tous les gens que peux toucher. Il est possible que parmi les personnes avec lesquelles j’ai été vu, il y en sait à qui j’’ai essayé de faire partager mes convictions. »
Un policier lui demanda s’il était membre des Jeunesses communistes Juives. Il répondit « Je suis communiste, c’est tout. » « Veuillez nous répondre plus clairement » exigea l’interrogateur. Samuel Radzinski affirma « je ne fais partie d’aucune organisation clandestine. » Sa notice biographique ayant été saisie chez Henri Krasucki, un policier lui présenta une photographie du document. Radzinski rétorqua qu’il ne connaissait pas Henri Krasucki. Or, il avait été vu avec lui lors de filatures le 27 février vers 12 heures 20 rue Saint-Maur et le 1er mars vers 12 heures 10 à l’angle de la rue des Trois-Bornes et de l’avenue de la République.
Samuel Radzinski continua à nier, nouveaux rapports de filatures en date du 2 mars à 12 heures 10, il rencontra Golda Zynfogel dite « Ginette » à l’angle des rues Crespin-du-Gast et Oberkampf, et le 9 mars à 17 heures à l’angle des rues Servin et du Chemin-Vert. Avec aplomb Samuel Radzinski répondit ne pas connaître Golda Zynfogel.
Bension Lapidus jeune de la Main-d’œuvre immigrée avait été interpellé, sa photographie lui fut présentée. Il affirma ne pas le connaître. Il fit la même réponse concernant Rajman. Samuel Radzinski assuma le fait d’avoir fabriqué fausse carte d’identité et faux bulletin de salaire, d’avoir dissimulé chez son patron des pièces d’identité au nom de Rucart et Georges Kobet.
Il reconnut sur photographie son frère Maurice alias Pierre Radeau tué par l’explosion de sa grenade le 10 mars 1943 boulevard Suchet (XVIe arr.). Il l’avait vu pour la dernière fois le dimanche 7 mars chez sa mère. Il affirma ne pas être en rapport avec des militants des Francs-Tireurs Partisans, ne pas connaître Marcelle Milkoff.
Les derniers mots de son interrogatoire furent pour son employeur : « Je tiens à préciser que mon patron Monsieur Urbain Lucien n’était pas au courant de mon activité et ignorait que j’étais Juif. »
La mère de Samuel Radzinski, Szandla, dépressive après la mort tragique de son fils Maurice fut hospitalisée à l’hôpital Rothschild. Internée au camp de Drancy réservé aux juifs, Szandla Radzinski était dans le transport n° 55 (le même que son fils Samuel incarcéré mis au secret pendant près de deux mois à la prison de Fresnes). Les plus jeunes de ce convoi furent envoyés dans les mines de Jawischowitz pour extraire le charbon. Samuel Radzinski fit partie du premier groupe de résistants français avec Henri Krasucki et Roger Trugnan.
Il revint à Auschwitz, fut muté comme spécialiste électromécanicien de Monowitz-Auschwitz III qui produisait du caoutchouc, il s’évada pendant l’évacuation du camp, lors de la marche de la mort partant du camp de Gleiwitz. L’armée Soviétique libéra le camp d’Auschwitz le 27 janvier 1945, sur les 1058 femmes et hommes de ce convoi, 72 avaient survécus dont 37 femmes. Samuel Radzinski appelé familièrement « Sam » matricule 126170 était vivant. Szandla Radzinski était morte.
De retour à Paris le 18 juillet 1945, Samuel Radzinski reprit de l’activité militante au sein du Parti communiste. Henri Krasucki était rentré à Paris le 28 avril 1945. Il témoigna dans le cadre d’une commission rogatoire sur l’activité de Lucien Bizoire, commissaire de Puteaux. Il le reconnut sur photographie, déclara : « Il m’a brisé un nerf de bœuf sur les reins et a montré une satisfaction évidente en ajoutant même que j’avais les reins solides ».
Samuel Radzinski déposa devant la commission d’épuration de la police le 3 août 1945. « J’ai été arrêté le 17 mars 1943 en compagnie de ma mère. J’ai été transféré au commissariat de Puteaux où j’ai été détenu au secret durant une semaine au cours de laquelle je n’ai pas été maltraité, mais laissé sans soin et sans nourriture. »
Il a été emmené à la BS2 à la Préfecture de police « J’ai été laissé trois jours sans être interrogé, puis un matin j’ai été conduit dans la salle n° [illisible] ». Là Samuel Radzinski a été Interrogé par R… et d’autres policiers : « J’ai été frappé à coups de poing, à coup de nerf de bœuf, à coups de pied… »
Il y avait « un grand nombre d’inspecteurs, parmi lesquels ceux qui m’avaient arrêté et d’autres [quatre inspecteurs de la BS2 dont l’inspecteur principal adjoint Gaston Barrachin]. Jean-Marc Berlière écrivit concernant Barrachin : « cet ancien garde républicain est un violent. Ses interrogatoires se terminent parfois tragiquement. Le groupe qu’il dirigeait fut l’un des plus actifs. Pourchassant inlassablement les « communo-terroristes », les interrogeant avec violence, il a commis de gros dégâts. »
« Les sévices ont été poursuivis durant les six jours et j’ai été ensuite transféré au dépôt puis remis entre les mains des allemands et écroué à la prison de Fresnes. »
« Au cours des différentes perquisitions effectuées tant à mon domicile qu’à celui de ma mère les policiers se sont emparés de linge, et de vêtements, ainsi que de l’argenterie et des valeurs. »
Samuel Radzinski porta plainte contre les policiers qui l’arrêtèrent ainsi que sa mère. « Contre ceux qui m’ont frappé et contre ceux qui se sont rendus coupables de vol. »
Quant à Gaston Barrachin jugé en octobre 1945, condamné à mort, il a été fusillé.
Samuel Radzinski fut homologué au titre de la Résistance intérieure française (RIF) et Déporté interné résistant (DIR). Il épousa Rosine, née Rajzla Pytkiewicz, le couple eut une fille Annie. Rosine mourut en décembre 2004 et Sam Radzinski, un an et dix jours après elle.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article173811, notice RADZINSKI Samuel par Daniel Grason, version mise en ligne le 30 avril 2018, dernière modification le 6 octobre 2019.

Par Daniel Grason

Plaque commémorative au 59 rue Jean-Pierre Timbaud.
Plaque commémorative au 59 rue Jean-Pierre Timbaud.

SOURCES : Arch. PPo. GB 125, PCF carton 14 rapports hebdomadaires des Renseignements généraux sur l’activité communiste du 5 avril 1943, 77W 3111, BA 1849, KB 10. – Bureau Résistance GR 16 P 497183. – Boris Holban, Testament, Calmann-Lévy, 1989. – Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le sang de l’étranger, les immigrés de la M.O.I. dans la Résistance, Fayard, 1994. – Annette Wieviorka, Ils étaient juifs, résistants, communistes, Denoël, 1986. – Jean-Marc Berlière avec Laurent Chabrun, Les policiers français sous l’Occupation, Éd. Perrin, 2001. – Livre-Mémorial, FMD, Éd. Tirésias, 2004. – Christian Langeois, Mineurs de charbon à Auschwitz, Jawischowitz 15 août 1942-18 janvier 1945, Éd. du Cherche midi, 2014. – L’Humanité, 17 mars 2003. – Site témoignage Samuel Radzinski. – Site internet CDJC.

PLAQUE COMMEMORATIVE : photographie Daniel Grason.

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