BOUCHERIE Ambroise, Marie, Joseph

Par Alain Malherbe

Né le 19 décembre 1923 à Châteaubriant (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique) ; prêtre-marin (1950-1960), membre de la Mission de la Mer (1954), responsable de l’équipe de Marseille (1967) ; travailleur occasionnel à Port-de-Bouc (1960-1967), chaudronnier (1971-1980) ; militant CGT ; bénévole à la communauté Emmaüs de la Pointe Rouge à Marseille (1981-1999).

Deuxième d’une fratrie de cinq enfants, Ambroise Boucherie, issu d’une famille rurale de l’ouest, était petit-fils et fils de cultivateurs devenus négociants en bestiaux. Ses parents étaient de fervents catholiques pratiquants. Sa mère, qui avait pour marraine une religieuse, fut pensionnaire pendant deux ans dans une école religieuse qu’elle quitta avec regret pour revenir travailler à la ferme alors qu’elle aurait souhaité devenir institutrice. Il grandit à Châteaubriant, qui était alors une petite ville de province à la fois rurale et industrielle, marquée par la lutte entre des chrétiens conservateurs et des laïcs républicains.

Ambroise Boucherie fréquenta l’école privée Saint-Joseph jusqu’au certificat d’études primaires, qu’il obtint à l’âge de douze ans. Ses activités d’enfant de chœur à la paroisse Saint-Jean de Béré dès l’âge de sept ans et celles de son père, président de la Caisse de crédit rural de la ville (futur Crédit mutuel), fondée par le clergé local, lui donnèrent une image valorisante de l’Église. Le vicaire de la paroisse assurait le secrétariat de la caisse destinée à aider les cultivateurs. Porté par cet environnement, Ambroise Boucherie trouva dans la vie religieuse un modèle possible, voire prestigieux. Aussi lorsque le père missionnaire chargé du recrutement dans les écoles de la région lui proposa cette voie, il n’eut aucune difficulté à le convaincre de rejoindre, à la rentrée 1935, le petit séminaire de Guérande (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique).

Poursuivant sa formation au grand séminaire de Nantes, entrecoupée en 1946 d’une année de service militaire à la base aérienne de la ville, il fut ordonné prêtre en 1948. Enseignant pendant un an au lycée privé Saint-Louis de Saint-Nazaire (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique), replié à La Baule en raison de la destruction de la ville, il fut ensuite nommé aumônier-adjoint de la Marine marchande à Nantes. Il y resta une année avant d’embarquer sur des cargos jusqu’en 1951 avec les emplois successifs de pilotin, de nettoyeur puis de matelot. C’est là qu’il fit la découverte d’un monde qui lui était totalement inconnu : le monde ouvrier de la mer. Il rencontra des hommes qui vivaient des conditions d’existence difficiles, compensées par la solidarité. Il rédigea à la demande des marins du bord son premier courrier à caractère syndical, sollicitant et trouvant conseil et appui auprès de la CGT, le syndicat des « sans-dieu », qu’il allait rejoindre en 1952. Cette expérience en milieu marin l’amena à s’interroger sur le sens de sa vie de prêtre : l’activité sacerdotale classique était-elle compatible avec l’activité professionnelle et les conditions de la vie ouvrière ?
Pour approfondir cette réflexion, il passa une année sabbatique au séminaire de la Mission de France à Lisieux où il trouva écoute, compréhension et intelligence face aux problèmes qu’il se posait. Le fonctionnement même de l’établissement était empreint de cet esprit d’ouverture : il y fut comme « un poisson dans l’eau ». Ambroise Boucherie reprit la navigation et de fin 1952 à 1960, il passa près de huit années à sillonner les mers du globe, d’abord sur les cargos puis sur les pétroliers. Pour lui, le passage du statut de séminariste, puis de prêtre, d’aumônier de la marine, à celui de marin sur des bateaux de la Marine marchande, fut un bouleversement considérable sur le plan humain et psychologique. Il était non seulement un missionnaire de l’Église auprès des marins, mais il était devenu un marin professionnel, reconnu par ses pairs.
C’est avec beaucoup d’incompréhension et de souffrance qu’il apprit, en débarquant à Dunkerque le 1er février 1960, le contenu de la lettre du cardinal Pizzardo, secrétaire de la congrégation du Saint-Office, datant du 3 juillet 1959, qui demandait « aux prêtres travaillant en mer de ne pas signer de nouveaux engagements et dès leur retour à terre de rompre ceux qu’ils avaient pris ». Cette fois, l’interdiction de travailler touchait tous les prêtres.
Ambroise Boucherie poursuivit alors son apostolat sous une nouvelle forme en s’installant à Port-de-Bouc jusqu’en 1967. Il vécut de petits boulots, souvent non déclarés et payés à la tâche, comme la « corvée de vivres » qui consistait à embarquer à dos d’homme les vivres sur les pétroliers. À partir de 1961, il devint à mi-temps gardien de nuit et barman au foyer du marin à Lavéra et assura le lien entre la douzaine de prêtres-marins qui travaillaient dans divers ports (Dunkerque, Le Havre, Rouen, Cherbourg, Marseille). Il représentait alors au Conseil de la mission de la Mer les prêtres qui travaillaient.
En janvier 1967, il eut la satisfaction, en participant à une délégation à Rome de voir lever l’interdiction de travail des prêtres en monde maritime. Le pape Paul VI, à qui il fut présenté, lui conseilla : » Repartez, courageusement et prudemment. » Cependant son goût pour le travail manuel, mené parallèlement à son activité sacerdotale, le conduisit à entreprendre à l’âge de quarante-six ans une formation professionnelle de tôlier-tuyauteur au centre AFPA de La Treille (Bouches-du-Rhône). Cette formation lui permit d’ancrer encore plus son activité dans le monde ouvrier. Il entra dans la réparation navale en avril 1970.

Son deuxième employeur, Durbec, apprenant sa qualité de prêtre-ouvrier, voulut le licencier. Mais Ambroise Boucherie prit contact avec la CGT et fit échouer les velléités du patron. C’est aux Ateliers provençaux de réparation navale et industriels (APRNI), filiale de la grosse entreprise Terrin, qu’il donna le plus d’envergure à son engagement syndical. D’abord délégué du personnel puis secrétaire du comité d’entreprise, il fut l’un des porte-parole de la CGT au cours du dur conflit de la réparation navale marseillaise, marqué par l’occupation des locaux par les ouvriers pendant un an, la mise en vente, puis la fermeture de l’entreprise en 1979.

Licencié économique puis retraité, il continua à suivre les dossiers de la réparation navale et participa à ce titre à quelques réunions infructueuses au ministère de l’Industrie avec d’éventuels repreneurs. À partir de la fin de 1981, il consacra du temps à la communauté Emmaüs de la Pointe Rouge à Marseille afin de concilier le travail manuel et l’action auprès des plus défavorisés. Porté au secrétariat national de la Mission de la Mer, il en fut le secrétaire général sans quitter Marseille (1985-1987). En 1999, pour des raisons de santé, à la suite d’une grave opération, il regagna son pays natal pour y prendre sa retraite. Il participa à la vie ecclésiale locale dans le secteur des hôpitaux et maisons de retraite de la région de Châteaubriant.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article17407, notice BOUCHERIE Ambroise, Marie, Joseph par Alain Malherbe, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 12 février 2009.

Par Alain Malherbe

SOURCES : Ambroise Boucherie, texte relu et corrigé après entretiens avec Alain Négrate, 10 septembre 2003, tapuscrit, 5 p. — Note de réflexion sur 30 ans de sacerdoce, rédigée en 1978. — Archives de la Mission de France, dossier Mission de la Mer, CAMT, Roubaix, 1996028 0119. — Alain Le Doaré, La naissance des prêtres-marins (1938-1955). Juxtaposition progressive de modèles missionnaires de l’Église catholique dans le monde maritime en France au XXe siècle, thèse de doctorat d’histoire sous la direction de Claude Geslin, Université de Rennes II, 1998. — Jean Galisson, La Seyne 63-68 - Éphémérides, tapuscrit, 46 p. — Entretiens et correspondance avec Ambroise Boucherie, décembre 1999, juillet et août 2000. — Provençal, 23 novembre 1995. — Courrier PO, mai 1983. — Lettre aux communautés, mai-juin 1982, janvier-février 1983. — Courrier Informations, années 1985, 1986, 1988, 1989. — Lettre d’information, Mission de France, 7 décembre 1989, 7 novembre et 7 décembre 1994. — Émission Jour du Seigneur, « Prêtre des oubliés », France 2, 1995.

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