SANDOZ Albert, Theodor

Par Yves Verneuil

Né le 7 novembre 1908 à Mulhouse (Allemagne/Haut-Rhin) ; mort le 20 décembre 1959 à Paris (VIe arr.) ; professeur agrégé de Philosophie ; président de la Société des agrégés (1946-1951), militant du SNES ; militant chrétien.

Albert Sandoz
Albert Sandoz
photo publiée dans l’Agrégation

Albert Sandoz naquit en Alsace allemande d’une mère française, Marianna Susanne Braun, et d’un père de nationalité suisse, Roger William Sandoz. En 1926, après avoir obtenu à Strasbourg (Bas-Rhin) le baccalauréat lettres et sciences, il partit à Paris faire des études supérieures. Il suivit les cours de l’École libre des sciences politiques et s’inscrivit en même temps à la Faculté de Droit. Étudiant brillant, il obtint la même année, en 1929, le diplôme de « Sciences Po » et la licence de Droit. Il épousa le 2 avril 1930 à Paris (VIIe arr.) Esther de Retz de Serviès (1908-2003).

Après une année de service militaire (1929-1930), il reprit ses études et obtint en juin 1931 un diplôme d’études supérieures de droit privé, puis, en novembre 1932, un DES d’économie politique. Ce boulimique de diplômes, qui semblait jusque-là s’orienter vers une carrière administrative, passa avec succès la même année une licence de Philosophie, et, l’année suivante, obtint un DES de Philosophie. Il opta pour une carrière dans l’Université et prépara l’agrégation, en effectuant le stage réglementaire au lycée Charlemagne à Paris.

Il découvrit alors que, bien qu’ayant été appelé à faire son service militaire, il n’était pas français et ne pouvait donc pas se présenter à un concours de recrutement de la Fonction publique. Le traité de Versailles reconnaissait bien la nationalité française aux familles qui l’avaient perdue sous la domination allemande entre 1870 et 1918, mais cette disposition ne lui était pas applicable, puisque son père était suisse et que sa mère avait pu conserver exceptionnellement sa nationalité française. Albert Sandoz devait donc se faire naturaliser français, puisque que sa mère n’avait jamais cessé de l’être.

En 1933, il échoua à l’agrégation de Philosophie. En 1934, il décida de se représenter. Mais à cette date, votée dans le contexte de la crise économique et de la montée de la xénophobie, cherchant à protéger la « main d’œuvre française », une loi disposait qu’il fallait dorénavant attendre 10 ans avant qu’un étranger naturalisé puisse se présenter à un concours de la Fonction publique. Aucune démarche ne parvint à obtenir une dérogation en sa faveur. Albert Sandoz garda de cette affaire une profonde répugnance pour toute forme de xénophobie.

Père d’une famille déjà nombreuse, il dut se tourner vers une autre carrière. En juillet 1935, il fut admis par la Commission des contributions directes de la ville de Paris pour devenir conseiller répartiteur. Cependant les questions de philosophie continuaient d’intéresser cet intellectuel épris de spiritualité, versé dans les questions de morale. A partir de 1938, il fut secrétaire général de la Revue de Philosophie, où il écrivit des articles ainsi que dans la Revue thomiste entre 1933 et 1939.

En septembre 1939, lieutenant de réserve, il fut mobilisé. Lors de la campagne de 1940, il fut fait prisonnier, dès le 15 mai, à Mézières (Ardennes). En captivité dans l’Oflag IV-D, il participa à l’Université de son camp et y enseigna l’Histoire de la philosophie grecque, la Philosophie ainsi que la Morale. Il suivit aussi des cours auprès d’un professeur de faculté en vue de préparer de nouveau l’agrégation de Philosophie. Le 23 juin 1941, il fut libéré comme père de famille nombreuse (il avait alors cinq enfants à charge) et obtint des suppléances au lycée Hoche de Versailles (Seine-et-Oise) de mars à juillet 1942.

Les dispositions légales ayant été modifiées, paradoxalement grâce au Régime de Vichy, il fut de nouveau autorisé à se représenter à l’agrégation – non sans avoir dû s’expliquer sur sa naturalisation et avoir juré ne pas avoir d’origines juives et ne pas appartenir à des organisations interdites (telles que la franc-maçonnerie). Fatigué, il échoua au concours. Cependant, tenace, il recommença l’année suivante en 1942 et fut cette fois reçu premier de la liste spéciale.

Albert Sandoz fut nommé professeur au lycée Corneille à Rouen (Seine-Inférieure). Sa femme et ses enfants continuèrent d’habiter la capitale, ce qui rendait difficile la vie de famille. Il retournait tous les week-ends à Paris. Cela ne l’empêchait pas de bien faire son métier : « Professeur déjà excellent », notait l’inspecteur général en 1943 ; « Débutant qui montre déjà de grandes qualités d’autorité », écrivait pour sa part le proviseur, la même année. Ses supérieurs, conscients de sa valeur ainsi que de ses difficultés familiales, se montrèrent dès 1944 favorables à une nomination sur Paris. Mais il n’avait pas encore suffisamment d’ancienneté pour pouvoir espérer une nomination dans le cadre parisien.

Or, en 1945, sa femme eut de graves ennuis de santé : elle souffrait d’une lésion pulmonaire. Qui allait s’occuper des enfants ? Provisoirement, ils furent envoyés dans des internats, mais la solution n’était pas très satisfaisante. Albert Sandoz demanda une délégation dans un lycée parisien, en vain. En octobre 1945, mis à la disposition de l’École alsacienne pour une période de cinq ans, dès l’année suivante, il parvint à se faire nommer au lycée Marcellin-Berthelot, à Saint-Maur. Il fut en outre chargé d’une « conférence d’exercices pratiques » en Philosophie générale à la Sorbonne.

En 1949, il fut détaché au CNRS pour préparer une thèse de doctorat. En 1952, sans avoir soutenu sa thèse, il abandonna ce poste et son espoir d’enseigner dans une université pour une nomination au lycée Louis-le-Grand. Il s’y affirma de nouveau comme un professeur distingué et consciencieux, digne de tous les éloges. Son service comprenait des heures en classe préparatoire en « Agro » et en Lettres supérieures (option Saint-Cloud).

En avril 1946, Albert Sandoz fut élu président de la Société des agrégés. Il en était le vice-président depuis la Libération. Lors de son accession à la présidence, il publia dans le bulletin de la Société un éditorial fondamental sur les rapports entre agrégation et pédagogie. Il avait déjà publié un important rapport sur la place de l’agrégé, dans lequel il montrait son attachement au maintien des agrégés dans le premier cycle du second degré. En 1948, après la fusion avec la Société des agrégées, il devint le premier président de la Société des agrégés unifiée. Il dut mener la lutte pour le cadre unique des agrégés, puis pour que soient réparées les injustices issues de l’intégration dans ce cadre unique.

Albert Sandoz, qui habitait rue Notre-Dame-des-Champs dans le VIème arrondissement, était aussi un catholique fervent et adhérait à l’Association chrétienne des professeurs, où il côtoyait Maurice Lacroix ainsi que Madeleine Singer*. Ce chrétien de gauche proche de Jacques Maritain militait par ailleurs au Syndicat national de l’enseignement secondaire. Il estimait que le rôle de la Société était de défendre le « prestige et la valeur du système éducatif français », rôle qui ne se confondait pas avec celui du syndicat avec lequel il fallait cependant coopérer activement, de façon constructive, notamment pour toutes les questions corporatives. Robert Guitton, le secrétaire général du SNES, lui répliqua, au début de l’année 1947, que le syndicat réunissant tous les enseignants était l’organisation la plus efficace de la défense de leurs différentes catégories mais aussi de l’enseignement et de son prestige. Les relations s’améliorèrent avec son successeur, Albert-Claude Bay, qui l’accompagnait dans certaines audiences, puisque les statuts permettaient que le président de la Société se fasse accompagner par un sociétaire particulièrement compétent pour les questions traitées. Il fut par ailleurs élu sur la liste du SNES aux premières élections de 1948 à la commission administrative paritaire nationale des agrégés. C’est le SNES qui l’avait sollicité, et, après hésitation, il avait accepté, en accord avec d’autres membres du bureau de la Société appartenant à d’autres syndicats. Après sa mort, un article nécrologique paru dans L’Université syndicaliste estimait qu’Albert Sandoz avait été « un militant fidèle, dévoué et discipliné du syndicat ». Cependant, au sein de la Société, son esprit de conciliation vis-à-vis du SNES fut critiqué, pas forcément par des adversaires du syndicat, mais aussi par des agrégés estimant que la Société devait mener des actions seule.

Le 14 juillet 1950, il demanda à quitter la présidence de la Société, en faisant valoir que son dévouement l’avait empêché de mener à bien ses recherches, ce qui rendait délicate sa position au CNRS. Pierre Bennezon fut alors élu secrétaire général de la Société des agrégés et lui succéda officiellement le 18 mars 1951.

Le 20 décembre 1959, Albert Sandoz mourut prématurément d’une crise cardiaque. Il venait d’être élu membre du Conseil supérieur de l’Éducation nationale et à la quatrième commission paritaire nationale sur la liste du SNES.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article174197, notice SANDOZ Albert, Theodor par Yves Verneuil, version mise en ligne le 23 juin 2015, dernière modification le 23 septembre 2018.

Par Yves Verneuil

Albert Sandoz
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photo publiée dans l’Agrégation

SOURCES : Arch. Nat., F17 27535 et AJ16 9053. — Arch. IRHSES (dont L’Université syndicaliste, janvier 1947, 20 janvier 1961). — État civil de Mulhouse. — « In Memoriam », L’Agrégation, n°95, janvier 1960. — Notes d’Alain Dalançon et de Jacques Girault.

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