TAGUEL Pierre

Par Alain Dalançon

Né le 31 janvier 1921 à Laneuville-au-Rupt (Meuse), mort le 24 novembre 2009 à Nancy (Meurthe-et-Moselle) ; professeur agrégé de géographie ; militant syndicaliste du SNPEN et de la FEN.

Fils d’une famille de paysans, Pierre Taguel alla, après l’école primaire communale, à l’école primaire supérieure de Vaucouleurs (Meuse), puis fut élève-maître à l’École normale d’instituteurs de Commercy (Meuse) (1937-1940). En 1940, il rejoignit l’École normale de Lyon (Rhône) pour y préparer le concours d’entrée à l’École normale supérieure de Saint-Cloud qu’il intégra en 1942. Il se maria le 15 avril 1943, à Mens (Isère), le village natal de son épouse, Georgette Poncet, fille du colonel commandant le 103e Régiment d’artillerie à Commercy, dont il avait fait la connaissance lorsqu’il était normalien primaire. Ils eurent un fils, Jean-Pierre.

Le jeune couple dut quitter Saint-Cloud en 1943 pour que Pierre Taguel échappe au service du travail obligatoire. Il trouva alors un travail de mineur de fond à Crusne-Cité (Meurthe-et-Moselle). À la rentrée de septembre 1945, il fut nommé professeur au collège de Thaon-les-Vosges (Vosges) et l’année suivante, il se retrouva comme professeur d’Histoire-Géographie dans son ancienne ENI de Commercy. Reçu à l’agrégation de géographie en 1951, il fut nommé à l’EN de garçons de Versailles où il accomplit ensuite toute sa carrière jusqu’à sa prise de retraite en 1981.

Pierre Taguel fut un pilier de la direction « autonome » du Syndicat national des professeurs d’écoles normales d’institutrices et instituteurs dans les années 1950-1960 aux côtés de Jean Mounolou et de Henri Rogniaux. Il fut responsable de la commission pédagogique dans le bureau national et était secrétaire général adjoint dans les années 1960 chargé des affaires pédagogiques, de la formation professionnelle, des examens et concours.

Il représenta son syndicat à la commission administrative de la Fédération de l’Éducation nationale, comme titulaire en 1951, 1953, 1955 et suppléant en 1952. Il y fut constamment membre de la commission pédagogique, et épisodiquement d’autres commissions (outre-mer en 1951, corporative en 1953 et en 1955). À l’époque, Jean Mounolou était secrétaire général du SNPEN, très influent dans la direction fédérale, mais il siégea toujours à la CA fédérale au titre de la section départementale de la FEN de Gironde, ce qui donnait la possibilité au syndicat de disposer en réalité de deux sièges à la CA fédérale. Quand Henri Rogniaux lui succéda comme secrétaire général du SNPEN en 1957, il y occupa normalement le siège revenant au syndicat national et Taguel n’y siégea plus.

Il entretenait des relations suivies avec la direction du Syndicat national des instituteurs et institutrices. Après avoir écrit un manuel de géographie sur le département de la Meuse, préfacé par l’inspecteur d’académie, Joseph Leif, très utilisé dans les écoles primaires du département, il tenait dans la partie pédagogique de L’École libératrice une rubrique sur l’enseignement de la géographie dans les écoles primaires. Dans les années 1960, il participa à la rédaction des manuels de géographie pour classes primaires et classes du premier cycle aux éditions SUDEL, sous la direction de Marc Vincent, avec André Buchoux et surtout Émile Pradel.

Face aux projets de réforme du ministère de l’Éducation nationale du début de la Ve République visant à réduire la mission des ENI départementales à la seule formation professionnelle après le baccalauréat, le SNPEN et le SNI restaient attachés à leur mission de formation d’élèves-maîtres recrutés à la fin de la classe de 3e, tout en les préparant au baccalauréat. Pierre Taguel eut donc l’occasion de rencontrer souvent la direction nationale du SNI, pour défendre la formation des instituteurs dans les ENI, notamment au cours de l’année 1964, après la déclaration du Comité national d’action laïque de janvier 1964, « Pour la rénovation de l’Éducation nationale ». Le SNPEN affirmait son attachement aux principes du plan Langevin-Wallon, selon lequel les ENI devaient devenir des centres de formation de tous les maîtres ; il réaffirmait la nécessité de développer la formation professionnelle des instituteurs durant deux années, associant formation théorique et culturelle et formation pratique. Cependant, tant que ne seraient pas réalisées les conditions sociales et de scolarisation inséparables de l’application du plan Langevin-Wallon, le SNPEN se déclarait « absolument attaché à l’association dans l’EN elle-même, des classes de 2e cycle (seconde, première, terminale) et des deux années de formation professionnelle : de cette manière seront maintenus le recrutement et le cadre démocratiques qui furent traditionnellement ceux des EN. » Il demandait aussi que les maîtres de collège d’enseignement général soient formés en deux ans dans des centres régionaux. Sur ces bases, le SNPEN participa à la rentrée 1964 à une conférence de presse commune avec le SNI et la Fédération des conseils de parents d’élèves, dans le but d’organiser une journée commune d’action pour la défense des EN.

À l’assemblée générale du SNPEN de Toulouse de 1967, la position du syndicat sur la formation des maîtres évolua, notamment sous l’impulsion des militants « unitaires ». Pierre Taguel présenta pour la dernière fois la motion pédagogique à débattre à l’AG de Pâques 1968. Se référant au Plan Langevin-Wallon, le SNPEN se félicitait que ses positions élaborées à l’AG de Toulouse aient été reprises par le congrès de la FEN et le colloque du CNAL, et demandait : « que soit portée, à titre de première étape, à deux ans la durée de la formation générale et professionnelle des instituteurs, cette formation de base étant assurée sous la responsabilité des Ecoles normales avec la participation de l’enseignement supérieur » Dans leur contribution, les militants « unitaires » approuvaient mais demandaient que l’on prévoit d’ores et déjà une étape supplémentaire : une 3e année de formation strictement professionnelle après les deux années après le bac accomplies en partie en faculté.

Pierre Taguel vécut très mal les événements de 1968. Le 10 juin, il écrivit une longue lettre au secrétaire général Rogniaux (publiée dans le bulletin), dans laquelle il condamnait violemment l’occupation de l’ENI de Versailles par une équipe minoritaire d’élèves « enragés », contre la volonté presque unanime des professeurs. Il reprochait à la FEN d’avoir « accroché son wagon à un train mis sur les rails par une équipe que seuls les historiens de l’an 3000 parviendront à expliquer. J’ai refusé ce convoi. » Il concluait que « jamais la liberté ne fut plus malmenée » et que « si le syndicalisme traditionnel s’accommode d’une telle atmosphère, je ne peux la partager, j’y étouffe. » Il annonça donc que, non seulement il retirait sa candidature de la liste « autonome » aux prochaines élections à la CA nationale, mais qu’il démissionnait du syndicat, sans pourtant adhérer au SGEN, ce que huit de ses collègues du SNPEN venaient de faire.

Pierre Taguel se consacra dès lors un peu plus aux publications scolaires. Introduit aux éditions Fernand Nathan par Joseph Leif, il collabora dans les années 1970 à des manuels de géographie, d’éducation civique et un cahier de travaux pratiques pour les classes primaires de la région parisienne. Il fut aussi auteur de cartes en relief des régions du Nord et de la Picardie (Éditions européennes). Enfin en 1979, il écrivit « en relation avec le Syndicat national des fabricants de ciment et de chaux », une brochure, L’industrie cimentière française : étude sommaire, édité par les soins de la Direction générale de l’information et de la Confédération nationale du patronat français.

Il habitait 3 bis, rue de Bièvres à Saint-Cyr-l’Ecole (Seine-et-Oise/Yvelines). Sa retraite prise, il partageait son temps avec son épouse entre Laxou (dans la banlieue ouest de Nancy), durant la mauvaise saison, et Laneuville-au-Rupt, son village natal, où ses obsèques religieuses eurent lieu après son décès à l’hôpital Brabois de Nancy.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article174234, notice TAGUEL Pierre par Alain Dalançon, version mise en ligne le 25 juin 2015, dernière modification le 23 mars 2021.

Par Alain Dalançon

ŒUVRE : Le fichier de la BNF comporte treize références dont, outre certains titres cités : avec Louis Lavigne et Joseph Leif, Le département de la Meuse, Verdun, les Editions lorraines. —La région parisienne. Géographie locale et régionale à l’usage des classes de cm, fe, transition et terminales pratiques. Nathan, 1970.

SOURCES : Alain Delaveau, site internet, Ecole normale de Versailles 1962-1966, http://enversailles6266.free.fr.~— Presse syndicale (L’Ecole Libératrice, L’Enseignement public, Bulletin du SNPEN). — Notes de Jacques Girault. .

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