LAFFARGUE Sylvain [surnom : Camille]

Par Gilles Pichavant, complétée par Jean-Jacques Doré

Né le 15 juin 1889 à Mont-de-Marsan (Landes), mort à La Chataigneraie (Vendée) le 15 juin 1984 ; boulanger puis chauffeur mécanicien, ajusteur ; syndicaliste CGT ; socialiste, adhérent au Comité de la 3e internationale ; cheminot révoqué des chemins de fer en 1920.

Le 15 juin 1889, Sylvain Laffargue naquit à Mont-de-Marsan (Landes), fils d’Armand et de Catherine Dabadie, boulangers. Il était lui-même boulanger lorsqu’il s’engagea pour trois ans à la mairie de Mont-de-Marsan le 3 septembre 1907 dans l’infanterie. Rendu à la vie civile le 3 septembre 1910, il reprit son métier de boulanger à Saint-Martin-de-Ré (Charente-Inférieure, Charente-Maritime) où il se maria le 14 mars 1911 avec Anna Marty ; en 1920 ils avaient un fils.

Le 5 décembre 1911, Sylvain Laffargue fit ses premières armes aux chemins de fer de l’État comme nettoyeur au dépôt de Dieppe (Seine-Inférieure, Seine-Maritime) où le couple s’installa 88 rue du général Chanzy.

Maintenu à son poste pendant la guerre, Syndiqué à la CGT, il prit une part active dans l’organisation du premier mai 1919 à Dieppe, en prenant la parole dans le meeting, à la suite de Perry et Lejolivet*. Il participa à la délégation qui fut reçue par le maire de Dieppe. Ce fut lui qui en rendit compte à la foule, estimée par la presse à 4500 personnes. Celle-ci annonça que Sylvain Laffargue était aussi le secrétaire du groupe socialiste local.

A la suite de cette manifestation qui fut la première grande manifestation interprofessionnelle de l’histoire de Dieppe, un comité intersyndical de lutte contre la vie chère se constitua, au sein duquel les militants des diverses organisations syndicales locales apprirent à se connaître. Dans ce comité germa l’idée de constituer une Union locale des syndicats qui fut créée le 25 septembre 1919. Sylvain Laffargue participa à sa création, ainsi qu’à la fondation d’un Comité des loisirs ouvriers.

Sylvain Laffargue s’investit activement dans les grèves des chemins de fer de 1920. Le 29 février, il fut très affecté par la défection de Pierre Dréau, l’ancien secrétaire du syndicat des cheminots, devenu secrétaire de l’Union locale, qui avait cédé devant le déploiement de force militaire en gare de Dieppe, et la menace de révocation brandie par le ministre. Réunis à une cinquantaine dans un café, par Louis Leymarie, le secrétaire de leur section syndicale, les ouvriers du dépôt et les aiguilleurs grévistes décidèrent de continuer la grève. La reprise se fit sur un appel de la fédération le 1er mars. Mais les choses n’étaient pas réglées, et en mai ce fut de nouveau la grève. Au cours de celle-ci, qui dura trois semaines, Sylvain Laffargue fut révoqué en même temps que Robert Arpajou, Louis Leymarie, et André Perry. À cette occasion le sous-préfet de Dieppe portait sur son compte le jugement suivant : "il représente l’élément violent du syndicat des cheminots, c’est un primaire haineux".

Mais pour Sylvain Laffargue les choses allaient prendre un tour plus dramatique. Utilisant un article de la loi contre les menées anarchistes, le pouvoir tenta de briser dans l’œuf tous les balbutiements d’organisations communistes. Le 12 mai à 4h30 du matin, sous prétexte de réprimer un complot contre la sécurité de l’État, Sylvain Laffargue fut arrêté par la police. Avec Paul Briard, André Perry, Alfred Roussel*, Eugénie Gaignon, et son père Aimable, il fut incarcéré à la prison du Pollet à Dieppe. Parallèlement la police procédait des perquisitions à leur domicile, ainsi que dans le local des syndicats où le groupe socialiste conservait ses archives. Tous étaient socialistes, tous avaient adhéré au Comité de la 3e internationale. Léonie Kauffmann, militante parisienne pour l’adhésion à l’internationale, fut elle aussi inquiété. D’origine rouennaise, alors qu’elle était en villégiature à Dieppe, elle avait organisée une réunion à Dieppe le 11 août 1919, au cours de laquelle un grand nombre des arrêtés avaient adhéré au comité. On rechercha en vain Alexandre Offenberger*, militant d’origine roumaine, que la police qualifia d’anarchiste, alors qu’il était connu par les militants arrêtés comme étant socialiste. Il était intervenu dans cette réunion.

La presse fit courir le bruit que les militants arrêtés à Dieppe voulaient y constituer un soviet local, et qu’une liste de personnes à arrêter avait été saisie chez Paul Briard. En réalité tout était faux. La police ne trouva rien, et l’accusation de complot contre la sûreté de l’État s’effondra. Le tribunal prononça un non lieu, et ils furent tous libérés le 10 juillet, soit 56 jours après leur arrestation. Seul Paul Briard fut poursuivi pour avoir vendu une brochure de Jacques Sadoul* à l’entrée du meeting du 1er mai.

Sylvain Laffargue retourna travailler à Saint-Martin-de-Ré dans la boulangerie de ses parents. C’est là qu’il reçu l’ordonnance de non-lieu en sa faveur, prononcée le 12 janvier 1921 par le juge d’instruction.

Le 1er décembre 1924, il fut réintégré aux chemins de fer de l’État comme chauffeur à Thouars (Deux-Sèvres) où il s’installa 9 rue de la Venelle.

Est-il le Sylvain Laffargue qui fut nommé ajusteur par décision de la direction des chemins de fer de l’État, du 29 janvier 1930 (JO du 07/02/1930).

Veuf d’Anna Marie Marty, il se remaria en secondes noces le 28 octobre 1952 à La Tardière (Vendée) avec Renée Aline Bodet, secrétaire de mairie. Il mourut à la Chataigneraie le jour anniversaire de ses 95 ans.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article174241, notice LAFFARGUE Sylvain [surnom : Camille] par Gilles Pichavant, complétée par Jean-Jacques Doré, version mise en ligne le 25 mars 2022, dernière modification le 29 octobre 2022.

Par Gilles Pichavant, complétée par Jean-Jacques Doré

SOURCES : Arch. Dép. de Seine-Maritime, cotes 10M 355, 2U 1-899, 10 MP 1313 Grèves des cheminots 1920, 4 MP 1815 Dossier Paul Briard. — Fonds ancien de Dieppe : L’Impartial, l’Éclaireur, La Vigie. — État civil en ligne cote 4 E 192/93, vue 29. — Arch. Dép. Landes Matricule militaire.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable