TANGUY Jean, Émile, Louis

Par Alain Dalançon

Né le 21 mai 1918 à Saint-Coulomb (Ille-et-Vilaine), mort le 15 septembre 1983 à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) ; professeur d’Histoire-Géographie à l’ENI du Morbihan ; Résistant ; militant communiste, conseiller municipal de Vannes (Morbihan) ; militant syndicaliste, secrétaire général du SNPEN-FEN (1972-1978) ; militant mutualiste, président de la caisse primaire de Sécurité sociale.

Jean Tanguy
Jean Tanguy
Colloque Former des maîtres 1973 (à gauche E.Camy-Peyret) (coll. IRHSES)

Jean Tanguy ne connut jamais son père, Jean-Marie Tanguy, limonadier, soldat de 2e classe au 294e Régiment d’infanterie, mort pour la France à vingt ans, le 14 septembre 1918 à Cempuis (Oise), des suites d’un gazage. Pupille de la nation, il fut élève-maître à l’École normale d’instituteurs de Rennes puis intégra l’École normale supérieure de garçons de Saint-Cloud à la rentrée 1938, où il demeura jusqu’en 1942 et acquit le professorat d’école primaire supérieure et des écoles normales d’instituteurs.

Il adhéra aux Jeunesses communistes en 1938 et au Parti communiste en 1939. Exempté de service militaire, il ne fut pas mobilisé. Il participa à l’organisation clandestine des étudiants communistes à Paris au début de la guerre. Le 11 novembre 1940, comme le lui avaient demandé la veille les responsables, il organisa un dépôt de gerbe devant le monument aux morts des anciens élèves de l’école, manifestation suivie par tous les élèves.

Jean Tanguy entra réellement en Résistance dans les rangs du Front national à Paris en 1942 et rejoignit ensuite les groupes du Morbihan où il fut nommé professeur à l’EPS annexée au collège Jules Simon de Vannes. Il participa très activement à la libération du chef-lieu du département au début août 1944 et fut un des responsables du comité local de Libération : il racontait avoir disposé à ce titre d’une voiture et d’un chauffeur qui était un ancien responsable du patronat vannetais. Il épousa un peu plus tard, en septembre 1946, à Saint-Gildas-de-Rhuys (Morbihan), Marcelle Hucheloup, veuve de Jacques, Henri Jorissen, militant communiste fusillé à Nantes le 23 avril 1942, militante communiste elle-même, couturière, fille d’un artisan électricien ; ils eurent deux enfants : une fille et un garçon.

Après le rétablissement des écoles normales d’instituteurs, Jean Tanguy fut nommé en 1946 professeur d’Histoire-Géographie à l’ENI du Morbihan à Vannes où il demeura jusqu’à sa retraite prise en 1978. Il en assuma la direction intérimaire en 1960, son désir étant alors de retrouver au plus vite son service d’enseignant. Il était en effet très attaché à sa mission laïque de former de jeunes instituteurs, et il aimait à citer le discours de Joseph Garat à la Convention présentant le décret créant les écoles normales : « La résolution d’ouvrir des écoles normales va être une époque dans l’Histoire du monde. Pour la première fois sur la terre, la nature, la vérité, la raison et la philosophie vont avoir aussi un séminaire. » Des générations d’élèves, qui le surnommaient affectueusement « P’tit Crab’ », vouèrent à leur maître une grande reconnaissance ; « il était fier de sa maison et de ses normaliens » dit, lors de ses obsèques, Yvon Le Guyadec, un de ses anciens élèves, devenu secrétaire de la section départementale du Syndicat national des instituteurs puis du SNI-Pegc ; il était « un phare, un guide, un militant engagé dans une bataille globale pour l’école laïque, pour des changements politiques profonds… » Jean Tanguy était en effet, non seulement un « professeur hors pair », mais aussi un militant à la fois communiste, syndicaliste et mutualiste.

Il milita dans la section du Parti communiste français de Vannes et dans la fédération du Morbihan, de la Libération jusqu’à son départ de Vannes consécutif à sa retraite. Dans la section, dont il fit toujours partie du bureau, il faisait figure de mentor et était très respecté. De même dans la fédération où, en tant que membre du comité fédéral de façon presque continue de 1945 à 1974, il joua un rôle important, voire déterminant, en particulier pour résoudre une crise interne de la direction (au tout début des années 1960), quand Armand Guillemot (fils) devint secrétaire fédéral.

Conseiller municipal communiste à Vannes de 1947 à 1959, il fut tête de liste aux élections de 1965 et 1971, et figura en 1977 sur la liste d’union de la gauche contre celle du maire sortant, Raymond Marcellin. Il représenta son parti dans diverses autres élections : aux cantonales dans le canton de Vannes-Ouest en 1961, de Vannes-Est en 1970 (1400 voix, 3e position) et en 1976 ; aux législatives dans la 1ère circonscription de Vannes, en 1958, où il se désista au second tour pour le candidat socialiste, en 1967 et en 1968 contre Raymond Marcellin, nommé ministre de l’Intérieur à la fin mai 1968, où il fit la campagne avec Jean-Pierre Anfré, et ne recueillit que 8% des voix.

Militant du Syndicat national des professeurs d’écoles normales d’institutrices et d’instituteurs, il se prononça pour le maintien de la Fédération de l’Éducation nationale à la CGT en 1948. Il milita aussi ensuite à la FEN-CGT dont il conserva la carte après 1954. Il figurait dans les années 1950 dans les instances dirigeantes de l’UL et de l’UD, tout en siégeant à la commission administrative départementale de la FEN autonome.

Dans le SNPEN, il fut toujours un vigoureux défenseur de la laïcité. Son attachement au rassemblement lui permit d’être élu membre du bureau national quand Henri Rogniaux était secrétaire général, chargé de la commission laïque où son travail fit toujours l’unanimité.

Il fit naturellement partie du groupe de militants « Unité et Action » qui s’organisèrent à partir de la fin des années 1960 sous la conduite de Jean Haremza pour demander le partage des responsabilités dans la direction, et faire évoluer les positions du syndicat sur la formation des maîtres.

En 1968, il joua un rôle important à Vannes dans l’organisation des grèves et manifestations. Le 13 mai, il chercha à éviter les heurts entre la jeunesse et les forces de l’ordre, afin que le mouvement ne soit pas discrédité par la violence. Seul orateur, il annonça à la manifestation du 28 mai : « Les résultats ne sont pas à la hauteur » ; sous la banderole « Pour le pouvoir des travailleurs », le cortège passa à la préfecture, à l’hôtel de ville avant de rejoindre la place de la République à 11h30, où il exhorta à « rester unis dans la poursuite de la lutte ». La section du SNPEN, dont il était toujours le secrétaire, vota à 83 % la poursuite de la grève le 6 juin, comme la majorité des sections consultées. Mais les dirigeants « autonomes » se plièrent à la décision de la CA de la FEN d’arrêter la grève. Les membres U-A du BN, dont Tanguy ne faisait plus partie, démissionnèrent, rendant nécessaires des élections en décembre 1968 ; il fut alors réélu parmi les 7 membres U-A et les 11 « autonomes », puis sur la liste unitaire conduite par Jean Rojat (autonome) et Haremza « Union pour un programme commun » qui emporta la majorité en mai-juin 1970, entraînant un changement décisif d’orientation à l’époque où d’autres syndicats nationaux de la FEN (SNES, SNEP et SNESup) venaient de connaître la même évolution.

Jean Tanguy devint, sans l’avoir recherché, secrétaire général du SNPEN, après la démission de Jean Rojat pour raison de santé le 28 juin 1971, et le départ d’Haremza à la direction de l’ENI de Blois. Les militants U-A du SNPEN estimaient qu’il était le plus connu d’entre eux, le plus expérimenté, susceptible de rassembler et de conforter la majorité à la tendance « unitaire » dans ce petit syndicat où les militants « Unité, Indépendance et Démocratie » étaient actifs et proches de la direction du SNI. Cependant la fédération du PCF du Morbihan souhaitait qu’il reste un de ses responsables et n’était pas favorable à son accession au poste de secrétaire général du SNPEN, malgré la demande de Pierre Juquin qui avait recueilli l’avis des autres dirigeants communistes de la tendance « Unité et Action » confortant le choix de leurs camarades professeurs d’EN. Après la direction intérimaire de 9 mois exercée par René Aubert, militant U-A, Jean Tanguy conduisit la liste « Union pour un programme commun » avec Josette Jolibert en 2e position et Jean Rojat, symboliquement en dernière, et il fut finalement élu secrétaire général en mars 1972, responsabilité qu’il conserva jusqu’en 1978, au moment de prendre sa retraite.

Il travailla de concert avec le SNES et les autres syndicats nationaux U-A (SNESup, SNEP) notamment sur la formation des maîtres, et c’est dans le bulletin du SNPEN, Former des maîtres, que furent publiées leurs propositions communes en décembre 1972. S’il était partisan d’élever le niveau de la formation des instituteurs à la licence et de faire entrer les universitaires dans les EN, il n’était cependant pas prêt à voir disparaître les écoles normales. Membre de la CA nationale de la FEN, il intervenait toujours de façon mesurée et unitaire, reconnaissant la valeur des initiatives de la fédération quand elle était dans l’action, notamment pour la défense de la laïcité.

Il avait été un acteur très actif du Cartel d’action laïque du Morbihan qui, contrairement aux Comités départementaux d’action laïque, intégrait les partis politiques et n’avait nullement disparu dans le Morbihan après 1958. En 1972, la première grande manifestation laïque départementale de Vannes, dont l’initiative revint à Yvon Le Guyadec, après qu’il eut remplacé son prédécesseur à la direction de la section départementale du SNI et du CDAL, associait dans son groupe de tête les dirigeants du nouveau CDAL, dont Jean Tanguy, et ceux du Cartel, notamment les responsables communistes, Jean Maurice et Armand Guillemot. Quant au journal L’Action Laïque, organe du Cartel, il continua à exister et connut une diffusion non négligeable jusqu’aux années 1980, sa disparition ayant finalement suivi l’échec du projet Savary.

Jean Tanguy fut également un militant mutualiste depuis la Libération. Élu de la CGT à la Caisse primaire de la Sécurité Sociale de 1950 à 1967, il présida son CA de 1956 à 1967 et fut vice-président de la Caisse régionale de Bretagne. Il joua un rôle important dans la décision du ministère de la Santé de construire un Centre hospitalier universitaire en Bretagne. Aujourd’hui, le Centre de santé privé d’intérêt collectif (ESPIC) à but non lucratif de Saint Yvi (Finistère), Centre de soins de suite et de réadaptation (CSSR), porte son nom.

Il combattit, y compris dans le bulletin du SNPEN, « l’agression » de « l’offensive anti-ouvrière » des ordonnances d’août 1967 qui augmentaient les cotisations, réduisaient les prestations et supprimaient les élections. Il ne fut pas désigné ensuite par la CGT. Il était par ailleurs administrateur de la section départementale de la Mutuelle générale de l’Éducation nationale depuis sa création et estimait que la FEN et la MGEN étaient « prêtes à collaborer à l’étude des progrès nécessaires auxquels les ordonnances tournent le dos ». Il était aussi actif à la Fédération des locataires.

De son passage dans la Résistance, il gardait la mémoire et s’occupait de l’écriture de son histoire en Bretagne ; il écrivait dans Ami entends-tu, journal de la Résistance morbihannaise, organe de l’Association nationale des anciens combattants de la Résistance, Comité du Morbihan.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article174268, notice TANGUY Jean, Émile, Louis par Alain Dalançon, version mise en ligne le 26 juin 2015, dernière modification le 25 avril 2018.

Par Alain Dalançon

Jean Tanguy
Jean Tanguy
Colloque Former des maîtres 1973 (à gauche E.Camy-Peyret) (coll. IRHSES)

SOURCES : Arch. comité national PCF. — Arch. IRHSES (dont Former des maîtres, L’Enseignement public, Revue U&A, dossiers formation des maîtres). — Jacques Varin, « Les étudiants communistes, des origines à la veille de Mai 1968 », Matériaux pour l’histoire de notre temps, 2004, N° 74. — Discours de Yvon Le Guyadec le 17/12/1983 aux obsèques de Jean Tanguy. — Le Télégramme 8/08/2006. — Renseignements fournis par Jean-Pierre Anfré, Eliane Cosserat-Lefèvre. — Notes de Jacques Girault.

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