ROUBY Élie, Roger, Jean-Baptiste

Par Gilles Morin

Né le 27 mai 1894 à Lapleau (Corrèze), mort le 20 février 1970 à Tulle ; industriel ; radical-socialiste puis socialiste de la Corrèze ; maire (1921-1941, 1945-1947) et conseiller général de Laplau (1921-1970) ; compagnon de la Libération ; président du Conseil général de la Corrèze (1946-1970).

Élie Rouby est issu d’un milieu de notables correziens. Il est fils de Jean Bernard Rouby, dit Hippolyte (son dernier prénom), médecin, maire de Lapleau, sénateur de la Corrèze et président du conseil général, et de Jeanne Cluzeau son épouse, sans profession. Il appartenait à un clan politico-familial, les Labrousse-Rouby-Dellestable, surnommé le « syndicat des cousins » qui régna longtemps sur la vie politique corrézienne, en marge des radicaux-socialistes. Ses parents étaient catholiques. Il suivit des études secondaires. Il a épousé Édith, le 16 janvier 1925 à Limoges, dont il eut deux filles, puis se remaria le 6 mars 1961 à Paris XVIe arr..

Engagé volontaire pour trois ans en avril 1914, Élie Rouby fut affecté au 21e Régiment de chasseurs. Combattant en septembre 1915, il a été promu maréchal des logis, puis fut muté au 1er groupe d’Aviation en février 1917. Sergent pilote de l’escadrille Br 127, il effectua 25 missions de bombardement et obtint deux citations. Il fut démobilisé avec le grade d’adjudant.

Élie Rouby fut industriel, il dirigeait la société française d’électro-chimie de Bagnac-Larive, de 1927 à 1938, exerçant par ailleurs la fonction de PDG de la société française d’électrochimie à Limoges.

À l’issue de la Première Guerre mondiale, le 20 février 1921, Élie Rouby, succédant à son père mort en décembre 1920, fut élu maire de la petite commune de Lapleau (850 habitants) et conseiller général radical socialiste du canton. Il devait conserver ces deux mandats sans interruption jusqu’à l’Occupation. Mais il ne put briguer le siège parlementaire paternel immédiatement. En 1924, il fut simple candidat à la candidature sur la liste de Cartel des gauches, arrivé en dernière position. En 1932, il était au premier tour candidat sur le siège de l’arrondissement de Tulle, qui fut emporté par le député radical sortant, Jacques de Chammard.

Élie Rouby s’engagea volontairement en 1939 comme sous-lieutenant à la compagnie de l’Air (23/102) et prit une part active aux combats d’infanterie dans le secteur de la Basse-Ysère du 21 au 25 juin 1940. Démobilisé, il démissionna de la Mairie de Lapleau pour ne pas avoir à prêter serment au maréchal Pétain.

Élie Rouby fut un très actif résistant dans le Limousin. Il eut une action de propagande, de protection de personnes persécutées, puis de combattant. En 1941, à l’initiative de son camarade socialiste Martial Brigouleix, il rédigea des pamphlets résistants, que ce dernier diffusa dans le département de la Corrèze. Rouby, industriel camoufla ensuite des Juifs persécutés, qu’il fit entrer dans l’usine de la Société française d’Électro-Chimie à Limoges. Il accueillit aussi à son domicile, à partir de 1942, des personnes recherchées, dont l’ancien ministre et futur membre du Comité français de Libération nationale, le radical Henri Queuille, jusqu’au départ de celui-ci pour Londres en avril 1943.

Sous le pseudonyme d’"Hippolyte", prénom de son père, il entra dans l’Armée secrète (AS) de Haute-Vienne et se consacra aux préparatifs du passage à l’action armée, préparant ses hommes à la guérilla. En juin 1944, il les mobilisa et forma la compagnie franche "Gambetta". A la tête de son unité, il dirigea des embuscades et des opérations conduisant à la libération de la région.

Après la libération de la région limousine par les FFI, Élie Rouby commanda sa compagnie sur le Front de l’Atlantique, dans le secteur de Marennes (Charente-Maritime) jusqu’à la dissolution de la compagnie "Gambetta", le 1er décembre 1944. Affecté au 158e RI avec le grade de capitaine FFI, il prit le commandement du groupe local de Marennes et du corps franc marin de la Seudre chargé d’opérations de renseignements et de démoralisation derrière les lignes ennemies. Il participa aux durs combats de réduction des poches de l’Atlantique, notamment à Royan. Il se distingua particulièrement à deux reprises, le 16 février 1945 à la tête de ses hommes, participant à l’assaut d’un poste ennemi dont toute la garnison est capturée, puis le 1er mars 1945, à la tête d’une patrouille qui pénètre profondément à l’intérieur du dispositif allemand, réduisit un groupe ennemi avec ses hommes, avant de regagner les lignes alliées avec l’ensemble de ses effectifs. Mais, le 6 avril 1945, dans le secteur de Saintes en Charente-Maritime, alors qu’il dirigeait l’assaut contre un blockhaus, il fut grièvement blessé par des éclats de mine. Il fut amputé des deux jambes. Il a été décoré de la Croix de la Libération par le général de Gaulle pendant sa convalescence (décret du 28 mai 1945).

Réélu maire, puis conseiller général radical-socialiste de Lapleau en septembre 1945, il fut colistier d’Henri Queuille aux élections législatives d’octobre 1945 (2e de la liste) ; les candidats radicaux, pour la première fois depuis un demi-siècle, furent tous battus. Queuille devait aussi perdre la présidence du Conseil général qu’il occupait durant l’entre-deux-guerres au profit du communiste Félix Lestang. Le parti radical-socialiste se divisait, certains penchant vers les communistes, d’autres contre. Rouby quitta alors ce parti.

Président de la commission départementale d’octobre 1945 à septembre 1946, Élie Rouby adhéra à la SFIO. Il fut élu Président du conseil général en septembre 1946, vingt-six ans après son père, par une alliance SFIO-radicaux qui remplaça le président sortant communiste Lestang, élu en 1945 par une précédente coalition du PCF et de la SFIO. En 1949, le PCF fit un effort particulier pour le battre, en présentant contre lui le député-maire de Tulle Chausson, et en menant contre lui une propagande très active. Mais il fut réélu régulièrement jusqu’en 1967 avec l’appui de Queuille – les radicaux étant devenus majoritaires depuis 1951 votant pour lui. Il siégea donc à la présidence du département durant 24 ans, jusqu’à son décès.

Élu d’un département qui a connu des atrocités nazies à la Libération, Élie Rouby se prononça contre le réarmement de l’Allemagne en 1955 et pris part à diverses manifestations contre celui-ci. Il défendait des positions pacifistes, favorables au rapprochement avec l’URSS. Il fut membre de la délégation française à la conférence Est-Ouest qui se déroula à Varsovie en janvier 1955 et représenta la Corrèze à l’Assemblée mondiale de la Paix, qui se tint à Helsinski du 22 au 29 juin de la même année. Il fut élu à son issue membre du Conseil mondial de la Paix. Puis, il participa en mai 1956 en URSS à une délégation conduite par d’Astier de la Vigerie.

En juin 1958, Élie Rouby fut favorable au retour au pouvoir du général de Gaulle et, logiquement, partisan du oui au référendum constitutionnel en septembre suivant. Il fut nommé membre du Conseil économique en juin 1959, siégeant à la section du transport et du tourisme.
Admirateur du général de Gaulle, favorable à la plupart de ses positions en matière de politique étrangère, Rouby se prononça néanmoins pour le Non au référendum pour l’élection du président au suffrage universel en 1962 ; mais il refusa de faire campagne, déclarant comprendre ceux qui se prononçaient pour le Oui. En 1964, le préfet le notait favorable au régime et « gaulliste fervent ».

Élie Rouby fut exclu de la SFIO le 12 juin 1969, pour avoir appelé à voter en faveur de Georges Pompidou au second tour des élections présidentielles.

Il était titulaire de la Croix de guerre et de la Médaille militaire 1914-1918 (3 citations), de la Croix de guerre 1939-1945 (7 citations). Compagnon de la Libération il fut fait Grand officier de la Légion d’Honneur.

Il décéda le 19 février 1970, quelques semaines après le président Queuille ; il était alors socialiste indépendant et avait rallié la majorité. Une place de Marennes (Charente-Maritime) porte son vrai nom, de Capitaine Élie Rouby, au lieu-dit « La Cayenne ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article174396, notice ROUBY Élie, Roger, Jean-Baptiste par Gilles Morin, version mise en ligne le 11 juillet 2015, dernière modification le 26 octobre 2022.

Par Gilles Morin

SOURCES : Arch. Nat., F7/15518B, n° 5987 ; F/1a/3214 et 3228 ; F/1cII/111/B, 270, 275, 284, 305, 308, 703 ; F/1cIV/152 ; 19770359/18 ; 19780654/75. — Renseignements de son neveu, Alex Degrez. — Francis de Tarr, Henri Queuille en son temps, Paris, La Table Ronde, 1995, 822 p. — État civil.

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