SEYS Camille

Par Michel Pigenet

Docker à Calais (Pas-de-Calais), syndicaliste, membre du comité national (1952-1960), puis de la commission exécutive (1960-1966) de la Fédération CGT des Ports et Docks.

Camille Seys (dit Zinzin) commença à travailler sur le port de Calais (Pas-de-Calais) avant la guerre. Syndiqué, il ne franchit pas moins plusieurs échelons hiérarchiques et faisait office de « vice-contremaître » en 1939. Prisonnier en Allemagne, il accéda à la direction du syndicat des dockers à la Libération. Nommé, en 1952, au bureau central de la main-d’œuvre, organisme paritaire chargé de superviser l’attribution des cartes professionnelles et l’embauche, il y fut régulièrement reconduit jusqu’en 1965. Délégué au congrès fédéral de 1948, il relança la vieille revendication d’établissement d’un salaire unique national et prôna l’alignement du régime de Sécurité sociale des dockers intermittents sur celui des autres travailleurs. Attentif à surmonter toutes les sources de clivage et de concurrence entre ouvriers, Seys dont Brest assurait qu’il était un ancien international de football, cultivait l’esprit d’équipe. Il veilla ainsi à ce que les « forts à bras » travaillent avec les « vieux » et les convalescents dans le cadre du tour de rôle en vigueur à Calais. En 1950, il l’érigea en modèle à suivre et recommanda aux syndicats de lutter contre le travail au rendement qui triomphait à Dunkerque et auquel la Fédération des Ports et Docks s’était ralliée à la Libération, dans le cadre de la « bataille de la Reconstruction ». Méfiant envers les dérives « politiques » et la sur représentation des grands ports, il s’opposa à l’éventualité de l’élection de trois Marseillais à la direction fédérale, puis posa sa candidature à la commission exécutive. Battu, il entra néanmoins au comité national deux ans plus tard. Outre la présentation du rapport de la commission de contrôle financier en 1957, Camille Seys se fit une spécialité, congrès après congrès, de rappeler l’intérêt qu’il y avait à privilégier l’action sur le salaire de base plutôt que sur les primes, de tenter de convaincre ses camarades de la nécessité de cotiser au plafond de la Sécurité sociale et de déplorer le manque de coordination entre les ports. Lui-même n’hésitait pas à consulter ses homologues, plus spécialement Duffuler, Thomas et Hazard auxquels il rendit un hommage appuyé en 1960. Partisan de Désiré Brest dont il appréciait la mesure et le sens du compromis, il apostropha ses détracteurs marseillais. « Travaillez chez vous, leur lança-t-il, faites votre boulot avant de venir ici ». Elu à la commission exécutive en 1960, il réitéra son soutien à Brest au congrès suivant et souligna que son syndicat approuvait le rapport moral à l’unanimité. Direct, il précisa : « nous sommes tout à fait d’accord avec le Parti communiste, tous militants, mais tout le monde n’y est pas (...). Nous avons tous les moyens de donner du travail à l’ouvrier, sans s’occuper de politique... ». Fort de l’expérience calaisienne où le syndicat entretenait l’esprit et les pratiques de solidarité – collectes, entraide au sein des équipes… -, Seys s’indigna, en 1955, de la manière employée pour « renvoyer chez lui » Maurice Jeanne qui, à la demande de la Fédération, avait lâché son foyer et son travail. A plusieurs reprises, il se prononça contre « l’éviction des vieux » à l’origine du syndicat et de la CGT. Sans doute ces propos reflétaient-ils aussi l’agacement du militant quelque peu bousculé, dans son fief, par de jeunes syndiqués. L’un d’eux – Jean Blauwart – ne s’était-il pas inquiété, en 1964, de dépenses excessives du secrétaire à l’occasion du congrès fédéral ? Furieux, celui-ci avait demandé l’éviction de l’insolent du conseil syndical, mais s’était heurté à un refus de l’assemblée générale. La grève de 1965 marqua la fin de l’ère Seys. Au début de l’année, un conflit salarial engagé au moyen, empreint de prudence, d’une baisse des rendements, déboucha sur un lock-out de six semaines qui entraîna l’intervention de la Fédération. L’accord signé le 6 février enregistra un compromis douloureux au terme duquel le syndicat renonçait aux anciennes modalités du tour du rôle et acceptait de « restituer aux contremaîtres la fonction d’embauche tout en maintenant aux dockers la garantie d’égalité du travail pour tous ». Ce recul n’alla pas sans provoquer des tiraillements parmi les ouvriers. Au plus fort de la lutte, des dissensions étaient apparues entre Blauwart et le secrétaire dont l’autorité pâlissait. Dépité, Seys se déclara malade au plus fort de la lutte, puis s’abstint de participer à des manifestations au prétexte que l’on n’était pas venu le chercher. Ce comportement fut sanctionné lors de l’élection des délégués où, le 13 avril, Seys arriva en seconde position derrière Blauwart. Peu après, ce dernier emporta le poste de secrétaire du syndicat. Ecarté de la direction de son organisation, Camille Seys refusa de transmettre les archives, mais dut se résoudre au retrait. Il ne fut pas reconduit à la commission exécutive fédérale en 1966.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article174626, notice SEYS Camille par Michel Pigenet, version mise en ligne le 19 juillet 2015, dernière modification le 19 juillet 2015.

Par Michel Pigenet

SOURCES : Centre des archives contemporaines : 870150, art. 133. — L’Avenir des Ports, de décembre 1964, février, mars et juin 1965. — Congrès de la Fédération nationale des Ports et Docks, les 6-8 avril 1948 (Marseille) ; 22-24 juin 1950 (Paris) ; 8-9 octobre 1952 (Paris) ; 17-18 mai 1955 (Paris) ; 24-25 octobre 1957 (Paris) ; 18-19 mai 1960 (Paris) ; 13-14 juin 1962 (Paris) ; 17-18 juin 1964 (Paris) ; 22-23 juin 1966 (Paris). — D. Brest, Mémoires (inédits), 1972.

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