VERGNE Jean

Par André Balent

Né le 24 novembre 1912 à Abantos y Ciérvana en espagnol ; Abanto-Zierbena en basque, noms officiels (Biscaye, Pays Basque, Espagne) ; abattu par la Douane allemande le 16 juin 1944 à Saint-Girons (Ariège) : garçon de café : résistant de l’Ariège.

Jean Vergne (1912-1944)
Jean Vergne (1912-1944)
AD Ariège, 64 J 23, fonds Claude Delpla.

Sa famille, d’origine française (peut-être d’Ariège), avait émigré en Espagne. Ses grands-parents s’étaient établis dans la région de Bilbao, dans la province de Biscaye. Lui-même naquit à Abantos y Ciérvana, une commune dans les environs de Bilbao. Il était le fils de Némesio Vergne et de Sophie Teran âgée de trente-trois ans. Il avait cinq frères et sœurs. Il se maria à Bilbao le 21 janvier 1936 avec Clotilde Vergne (née le 26 juin 1911 à Solares, Cantabrie, Espagne) de nationalité espagnole alors qu’il venait de terminer son service militaire dans le pays dont il était demeuré citoyen.

Sa femme lui survécut. Elle mourut à la maison de retraite de Verniolle (Ariège) le 9 décembre 2008, à l’âge de quatre-vingt-dix-sept ans. Elle avait adhéré dès 1948 à l’Association des familles de fusillés et massacrés de la Résistance française.

Ses parents étaient venus s’installer à Foix (Ariège) dès la fin des années 1920 ou le début des années 1930. De nationalité espagnole, il était retourné dans son pays d’origine pour faire le service militaire. Une fois ces formalités accomplies, il était revenu à Foix. Sportif, il était devenu localement célèbre pour faire de l’équilibre sur les crénelages du château comtal qui domine la ville depuis un piton rocheux escarpé, en compagnie de son ami fuxéen Germain Rouzaud.

Jean Vergne était, pendant la Seconde Guerre mondiale, garçon de café au café Claustres, un grand établissement du centre de Saint-Girons, sous-préfecture de l’Ariège et « capitale » du Couserans. Il habitait avec sa famille au 46 de l’avenue Henri-Bernère. En 1940, il a sauvé une femme qui était tombée dans les eaux froides du Salat, la rivière qui traverse Saint-Girons. Il n’hésita pas à plonger dans la rivière et put ramener sur une des berges le corps de la malheureuse qui put être ranimée. Jean Vergne eut un fils, né en 1941 et bientôt atteint par la poliomyélite et une fille, Anne-Marie, née en 1943.

Lorsque les Allemands occupèrent l’Ariège, après l’invasion de la zone sud, ils s’installèrent en force à Saint-Girons afin de contrôler tout le secteur couseranais de la frontière franco-espagnole. La Douane allemande (Zollgrenzschutz et le Verstärker Grenzaufsichtdienst, gardes-frontière militarisés dépendant de la Douane), renforcée par la Sipo-SD eut, dans le Couserans, un effectif d’environ trois cents hommes dont le chef était le commandant Piersig. Leur quartier général était établi au château de Beauregard, grande demeure bourgeoise du XIXe siècle située à proximité du centre-ville.

La maladie de son fils l’amena à se rendre fréquemment à Toulouse afin de suivre le traitement contre la poliomyélite dont il fut précocement victime. C’est ainsi qu’il entra en contact avec les frères Lion, imprimeurs dans la « cité des violettes ».

Il y entra en contact avec les frères Henri et Raoul Lion, imprimeurs à Toulouse. Libertaires, ils « travaillaient » pour un grand nombre d’organisations clandestines (Combat, Libérer et fédérer, les MUR (Mouvements unis de la résistance), le Parti communiste, la UNE (Unión nacional española). Ils étaient en contact avec Francisco Ponzán, organisateur de filières de passage vers l’Espagne liées simultanément à plusieurs réseaux. Henri Lion, franc-maçon affilié à la loge toulousaine « L’encyclopédique » du Grand Orient de France était très proche du mouvement Libérer et fédérer et se réclamait d’un « socialisme coloré d’anarchisme ». Les frères Lion étaient aussi à l’origine d’une filière de passages dont un des maillons se trouvait à Saint-Girons. Jean Vergne qui dépendait directement d’Henri Lion en était le responsable. Il hébergea à plusieurs reprises des fugitifs. Sa fille a expliqué que ce fut le cas de Juifs qu’il fallait faire passer vers l’Espagne. L’arrestation, le 5 février 1944, des frères Lion et du personnel de leurs imprimeries — dont l’apprenti Georges Séguy — permit le démantèlement d’une partie de la résistance toulousaine proche de Libérer et fédérer, des MUR et du CAS (Comité d’action socialiste). Un agent de la Sipo-SD, venant de Marseille, domicilié à Saint-Girons et camouflé en résistant, Georges Carton, fut à l’origine de ces arrestations avec la complicité de sa maîtresse. Carton qui avait aussi provoqué l’arrestation des amis libertaires des frères Lion à Marseille (Bouches-du-Rhône) et la chute de la filière de passages clandestins d’Alos, dans le Couserans (Ariège) (Voir Pujol Louis) rendit visite à l’épouse de Jean Vergne à Saint-Girons.

Aussi, se sentant menacé, Jean Vergne décida, de concert avec son camarade et ami de réseau Pierre Billiart, de gagner un des maquis proches de Saint-Girons. Le 16 juin 1944, ils partirent de Saint-Girons à vélo munis de leur équipement de pêche afin de faire croire qu’ils prenaient une journée de repos au grand air. Ils furent interpellés devant la gare de Saint-Girons par le capitaine Dreyer de la Douane allemande qui les interrogea. Ainsi que des témoins qui assistaient à la scène ont pu le raconter, Vergne fut abattu à six heures trente par une rafale de mitraillette tirée par l’un des hommes qui accompagnaient Dreyer. Mortellement touché, il succomba aussitôt. Billiart, blessé par le même tir, put s’enfuir et se réfugier dans une maison amie. Trahi par les traces de sang qu’il laissa sur son parcours, il fut rejoint par Dreyer. Il fut assassiné à son tour.

Dreyer fut abattu par François Madrigina, des FTPF, le 20 août 1944, à la veille de la Libération, avenue Aristide-Bergès, près du café de la Poste de Saint-Girons. L’historien ariégeois Claude Delpla a affirmé que Dreyer avait eu l’intention de détruire Saint-Girons avant le départ des forces allemandes de la ville. Georges Carton, dénonciateur de Vergne, fut condamné à mort le 2 avril 1946 par la cour de Justice de Toulouse (Haute-Garonne) et fut fusillé le 28 mai 1946.

Reconnu « Mort pour la France », il fut homologué adjudant des FFI. Son nom figure sur le monument aux morts de Saint-Girons.

Voir Saint-Girons (Ariège), victimes de la répression allemande et collaborationniste (fin mai-début juillet 1944) et des combats de la Libération, 20-21 août 1944

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article174665, notice VERGNE Jean par André Balent, version mise en ligne le 27 juillet 2015, dernière modification le 20 mai 2022.

Par André Balent

Jean Vergne (1912-1944)
Jean Vergne (1912-1944)
AD Ariège, 64 J 23, fonds Claude Delpla.

SOURCES : Arch. Mun. Saint-Girons, état civil, acte de décès de Jean Vergne. — Michel Goubet, divers articles in La Résistance dans la Haute-Garonne, Paris, AERI, CDROM. — Olivier Nadouce, Les heures sombres de l’occupation (1940-1945) à Varilhes et son canton, Varilhes, Mémoire Résistance Ariège Solidarité internationale, 2012, 281 p. [pp. 186-189, en particulier, pp. 186-188, témoignage de sa fille Anne-Marie Vergne, épouse Fauré]. — Notes de Jean-Pierre Besse et de David Aguilar. — État civil. — Site MemorialGenWeb, consulté le 21 février 2018.

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