SAINT-VENANT Léon, Nestor, Joseph

Par Madeleine Singer

Né le 26 septembre 1913 à Halluin (Nord), mort le 6 janvier 2009 à Menin (Belgique) ; employé ; responsable d’une coopérative ouvrière ainsi que de multiples organismes syndicaux et sociaux.

Léon Saint-Venant était le second des cinq enfants de Nestor Saint-Venant qui avait épousé Alexandrine Vandepitte, d’origine flamande qui était frangeuse, c’est-à-dire faisait à domicile des nœuds aux franges des nappes pour l’usine Defretin d’Halluin et qui avait cessé ce travail quelques semaines après son mariage. Ses parents étaient tous deux catholiques et pratiquaient régulièrement leur religion. Son père, Nestor Saint-Venant, tisserand, avait fait partie du Sillon, fondé par Marc Sangnier. En 1910, il avait participé à la fondation d’une coopérative de boulangerie L’Épi et avait été embauché l’année suivante par la mairie d’Halluin au service des retraités. Ayant obtenu en 1919 le poste de receveur central d’octroi, il le quitta en 1923 car il devait se consacrer à plein-temps au développement de la boulangerie ainsi qu’à la création d’une coopérative de chaises La Sève. Lors de sa mort prématurée en 1932, il était président du cercle d’études Léon XIII, fondé en 1902 par les militants du Sillon ; ce cercle tint d’abord ses réunions dans un local paroissial puis, après la condamnation du Sillon le 29 août 1910, émigra dans un estaminet « À Saint-Sébastien ». Il était aussi vice-président de l’Union locale des syndicats libres d’Halluin et environs, président de l’Union syndicale des employés.

Léon Saint-Venant fréquenta à Halluin une école primaire privée et obtint le certificat d’études primaires en 1926. Il étudia alors, pendant un an et demi, la comptabilité à l’École industrielle et commerciale de Tourcoing dont il obtint le diplôme de sortie. Puis il travailla pendant un an à la banque Scalbert et, à Pâques 1928, entra en qualité de comptable à l’Épi. À la mort de son père, il devint responsable de l’entreprise.

Quand Léon Saint-Venant avait eu quinze ans, son père l’avait emmené au cercle d’études Léon XIII dont les réunions se tenaient depuis 1926 dans la Maison des syndicats libres. Les seules lectures qu’il eut pendant sa jeunesse furent La Démocratie, revue mensuelle (1921-1931) et La jeune République, l’hebdomadaire de Marc Sangnier, fondé en 1912. C’est ce journal que Léon Saint-Venant vendait le dimanche sur les marchés de Roubaix (Nord). En 1929, comme il était membres des « Volontaires de la paix », il obtint de son père un congé pour participer à la Croisade pour la paix qui se tint à Bierville, près d’Étampes (Seine-et-Oise, Essonne), le domaine de Marc Sangnier. Comme cette croisade était itinérante, ce dernier les rejoignit à Arras (Pas-de-Calais) et intronisa alors Léon Saint-Venant chef de groupe aux « Volontaires de la paix » ; cet entretien le marqua pour la vie. En 1932, il participa à la fondation à Halluin de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), mouvement qui avait pour devise : « Un jeune travailleur vaut plus que tout l’or du monde ». Il en fut le président.

Il épousa en 1938 Denise Marie Montagne qui était présidente de la JOC féminine à Halluin. Repasseuse, elle quitta son métier après son mariage car le couple eut six enfants : deux dessinateurs, un éducateur, une institutrice, une auxiliaire de puériculture, un professeur de couture. Tous deux firent partie de la Ligue ouvrière chrétienne (LOC) qui regroupait des adultes issus de la JOC. Celle-ci prit en 1941 le nom de Mouvement populaire des familles (MPF) qui devint en 1950 le Mouvement de libération du peuple (MLP). En 1951, le MLP se scinda en MLP et Mouvement de libération ouvrière (MLO) ; c’est le MLO qui s’imposa dans le Nord, puis disparut en 1969. Or il avait une branche familiale, les APF (Associations populaires familiales), dans laquelle le couple demeura. Léon Saint-Venant en fut permanent de 1947 à 1949. Quand en 1976 les APF devinrent la CSCV (Confédération syndicale du cadre de vie) qui, dans les quartiers, organisait les usagers et pas seulement les familles, tous deux continuèrent à y adhérer. Par ailleurs quand en 1950, Jeanne Saint-Venant, sœur de Léon, fonda dans leur secteur l’Action catholique ouvrière (ACO), le couple en fit partie et y demeura sa vie durant. Ils habitèrent à Halluin la maison dont ils étaient locataires et dans laquelle Léon, devenu veuf, demeura seul. Mais en 2002 son état de santé l’amena à s’installer dans une maison de retraite pour personnes âgées, Le Manoir fleuri, sis à Reckem (Belgique).

Entré à l’Épi comme comptable, Léon Saint-Venant en fut, responsable pendant cinquante ans, c’est-à-dire jusqu’à sa retraite en 1979. Cette coopérative ouvrière avait été créée parce qu’à cette époque, le pain était l’aliment principal des ouvriers. On voulait donc leur fournir un pain de qualité, moins cher que dans les autres boulangeries ; le poids de chaque pain était légèrement supérieur à la norme. On devenait adhérent en versant 2fr 75 et l’on avait alors droit à des ristournes si les résultats financiers de l’entreprise étaient satisfaisants. En outre l’Épi avait une caisse de secours en cas de grève ou de maladie. Le portage du pain à domicile, interrompu pendant la guerre, reprit en 1919, au moment où la boulangerie s’adjoignit un début d’épicerie qui amena l’année suivante l’achat de deux maisons attenantes pour permettre son expansion. Pendant cette période, l’Épi se dota de succursales dont le nombre était de sept en 1927.

Après l’arrivée de Léon Saint-Venant, celles-ci fusionnèrent en 1931 ; elles prirent le nom de La famille coopérative dont le siège social fut transféré d’Halluin à Loos-les-Lille (Nord). Le nouvel organisme qui avait 2 536 adhérents, en eut 16 000 à la fin de 1939 et compta alors 117 succursales. Il dut affronter les difficultés de la guerre 1939-1945, puis celles de l’après-guerre, notamment des problèmes de trésorerie. Il fallut fermer des succursales peu rentables. On envisagea en 1969 la suppression progressive de l’épicerie. C’est le même CA qui décida la fusion de La famille coopérative avec la SEDOP (Société de diffusion des œuvres populaires) dont Léon Saint-Venant était président. Cette société avait été créée pour exploiter commercialement les œuvres sociales des syndicats CFTC de la Vallée de la Lys : café, cinémas d’Halluin et de Wervicq (Nord). L’ensemble étant devenu déficitaire, les immeubles furent vendus et la plus-value versée à La famille coopérative dont le capital fut augmenté. Dix ans plus tard, Léon Saint-Venant, ayant atteint l’âge de la retraite, devint en 1979 le président-directeur général de La famille coopérative et le resta jusqu’à la liquidation de la société en 1990 car les établissements de la société avaient dû fermer les uns après les autres. Les raisons en étaient multiples : diminution de la consommation du pain en général, concurrence des grandes surfaces et des boulangeries industrielles, vente par livraison à domicile trop onéreuse.

Le travail de Léon Saint-Venant au sein du mouvement coopératif ne l’empêchait pas d’assumer d’autres responsabilités. Il y avait de longue date à Halluin un syndicat indépendant qui fut représenté au congrès constitutif de la CFTC le 1er novembre 1919 ; il avait alors 1 100 membres et adhéra à la CFTC. Il eut alors son siège au Foyer démocratique jusqu’à ce qu’il ait acquis le 15 septembre 1926 un immeuble qui devint la Maison des syndicats libres, nom pris dans le Nord par les syndicats CFTC. Léon Saint-Venant fut secrétaire du syndicat des employés d’Halluin et à ce titre membre de l’UL d’Halluin Vallée de la Lys.

Par ailleurs comme il avait été permanent pour les APF, il fut amené à présenter sa candidature lors des élections de 1947 au CA de la Caisse d’allocations familiales de Roubaix-Tourcoing. Il y siégea au titre de représentant des Associations familiales à compter du 2 juin 1947, devint le 13 juin 1947 l’un des trois ou quatre vice-présidents, puis le 25 juin 1947 membre de la commission d’aide sociale. Il garda ces fonctions jusqu’aux élections du 8 juin 1950. Il ne fit alors plus partie du conseil jusqu’aux élections du 17 novembre 1955 où il fut élu dans le collège des salariés sur la liste CFTC bien que les procès-verbaux des séances ne précisent pas l’appartenance syndicale des salariés. Il fut à nouveau membre de la commission d’action sanitaire et sociale où il demeura les années suivantes. Il dut être réélu lors des élections du 19 décembre 1962 car il figura au CA du 4 janvier 1963. Puis il disparut des listes des présents pendant les années 1963 et 1964, la CFTC étant alors devenue CFDT en novembre 1964. Présent en décembre 1964 et en janvier 1965, excusé en mars 1965, puis siégea à nouveau jusqu’au 6 octobre 1967, bien que les ordonnances du 6 août 1967 eussent remplacé les administrateurs élus par des administrateurs désignés par les confédérations.

Dès qu’il prit sa retraite, Léon Saint-Venant fit partie de l’Association des retraités CFDT de Roubaix-Tourcoing qui s’adjoignit ensuite ceux de la Vallée de la Lys ; il en fut aussitôt le secrétaire. Quand Françoise Delsalle rejoignit le groupe en 1992, il en était depuis longtemps le président et le demeura jusqu’en 2002. Avec cette association qui fut aidée par une dizaine d’autres, il fonda et, présida pendant deux ans le comité de gérontologie qui en 2004 se transforma en Association des seniors halluinois.

Léon Saint-Venant se préoccupa aussi de la vie politique. Par fidélité à l’inspiration du Sillon, il patronna aux élections cantonnales partielles d’Halluin en 1987 le candidat socialiste Jean-Pierre Balduyck. Aux municipales d’Halluin en 1989, il soutint également la liste socialiste, « Les intérêts halluinois ».

En 2004, Léon Saint-Venant fut l’une des trois personnalités auxquelles la ville d’Halluin décerna le trophée du mérite associatif. Celui-ci lui fut remis au Manoir fleuri. Il avait été pendant des années l’un des militants CFTC-CFDT les plus notables de son secteur, sans que cela entamât sa modestie. Il disait en novembre 1986 : « Si nous avons été placés au bon endroit, à une certaine époque, pour être témoins des luttes ouvrières surtout syndicales à Halluin, notre participation a été plus que modeste. Combien de camarades de la base, maintenant disparus et dont on ne parlera jamais, ont payé de leur personne et de leur santé leur générosité de militants. »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article174719, notice SAINT-VENANT Léon, Nestor, Joseph par Madeleine Singer, version mise en ligne le 22 juillet 2015, dernière modification le 22 juillet 2015.

Par Madeleine Singer

ŒUVRE : Avec Pierre Glorieux, François Debien, Madeleine Singer et Gilbert Ryon, Une aventure coopérative d’esprit chrétien dans le Nord de la France, L’Épi, 2004.

SOURCES : Léon Saint-Venant, Madeleine Singer, « Aux origines de la CFTC à Halluin : le Sillon et la Jeune République », Revue du Nord, juillet-septembre 1993, Université Charles de Gaulle, Villeneuve d’Ascq (Nord). — Michel Launay, La CFTC origines et développement 1919-1940, Publications de la Sorbonne, 1986. — Note de Pierre Glorieux, juin 2004. — « La vie chez nous », Bulletin de Notre-Dame de la Lys, Halluin, avril 2004. — Lettre de Léon Saint-Venant à Madeleine Singer, 20 août 2004. — Lettre de la CAF de Roubaix-Tourcoing (accompagnée des photocopies des procès-verbaux des CA concernant Léon Saint-Venant) à Madeleine Singer, 13 septembre 2004. — Entretien de Madeleine Singer avec Pierre Glorieux, 19 octobre 2004. — État civil d’Halluin.

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