ROSEVÈGUE André, Jean. Pseudonymes : Sadose, Milos, Ribérac, Roger Devaneuse

Par Alain Dalançon, Jean-Paul Salles

Né le 16 octobre 1945 à Talence (Gironde) ; professeur de STE, SES puis de Documentation ; militant syndicaliste du SNES, membre de la CA nationale ; militant trotskyste du PCI, de la JCR, de la LCR, du NPA, d’Ensemble ; militant associatif.

André Rosevègue
André Rosevègue
photo Sud-Ouest

Ses parents étaient des immigrés juifs venus en France dans les années 1930 pour y faire leurs études de médecine. Son père, Michel Rozencweig (1907-1994), de nationalité polonaise, était né à Varsovie ; sa mère, Rosa Mitchnik (1909-1963), née à Odessa, était de nationalité roumaine ; athées et laïcs, ils appartinrent au Parti communiste avant-guerre.

Son père participa à la Résistance dans les Francs-tireurs et partisans et s’engagea dans l’armée au moment de « l’amalgame » de la fin de l’année 1944 comme médecin au 6e Bataillon de Chasseurs alpins jusqu’en 1948. La nationalité française qui lui avait été refusée en 1937, lui fut accordée en 1947. Il aurait voulu être naturalisé sous le nom de Delmotte, son pseudonyme de résistant, mais il fut conduit à choisir celui de Rosevègue donné ipso facto à ses trois fils : Georges Rosevègue né en 1941, futur directeur de la Maison de la Culture du Havre, André et Pierre (1949-1994). Après avoir repassé les examens lui permettant d’être médecin à titre français, il effectua une carrière de médecin inspecteur de la Santé ; sa mère était médecin scolaire. Après la guerre, ses parents ayant milité avec le Front national pendant l’Occupation, votèrent communiste mais sans adhérer au Parti communiste français. Ils étaient syndiqués, lui au syndicat CGC des inspecteurs de la Santé, elle au Syndicat national des médecins scolaires (FEN), mais sans responsabilités.

La famille s’étant installée au Havre (Seine-Maritime) en 1950, André Rosevègue effectua toutes ses études primaires et secondaires au lycée François Ier, entre 1950 et 1962. Il fut louveteau unioniste et éclaireur de France. Titulaire du baccalauréat (série Sciences expérimentales), il fit une année d’hypokhâgne au lycée Malherbe de Caen (Calvados) (1962-1963), puis s’inscrivit aux facultés des Lettres et de Droit-Sciences économiques de cette ville (1963-1967). Il obtint la licence de sociologie en 1967, après avoir été moniteur dans cette discipline à la faculté de Bordeaux (1966-1967). Chargé d’études sur l’emploi à la Direction régionale du travail de Caen puis de Paris (1968), il obtint le CAPET (certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement technique) spécial de STE (Sciences et techniques économiques) en 1968. Après six mois de stage au lycée de Massy-Palaiseau (Essonne) en 1969, il devint professeur certifié de STE, puis de SES (Sciences économiques et sociales) en 1972, successivement aux lycées Claude Monet du Havre (1969-1977), Laure Gatet de Périgueux (Dordogne) (1977-1982), Bertran de Born de Périgueux (1982-1993). Après une année de « congé mobilité », il réussit en 1994 le CAPES interne de professeur documentaliste et termina sa carrière comme documentaliste en Gironde aux collèges de Guitres (1994-1995), d’Hourtin 1995-1996) puis du Grand Parc à Bordeaux (1996-2005). Il participa en outre au groupe académique de formation de formateurs « Sexualité et prévention des MST » (1996-2002). Il fut animateur de club information ou de ciné-club en lycée, coordonnateur de « Collège au cinéma » dans les établissementss où il fut nommé en Gironde.

Militant à l’Union nationale des étudiants de France dès le début de ses études supérieures, André Rosevègue représenta son Association générale au colloque organisé à Caen par le Groupe français d’éducation nouvelle (GFEN) pour le 20e anniversaire du Plan Langevin-Wallon, en 1964. Son engagement politique débuta à la même époque à Caen dans les rangs de l’Union des étudiants communistes (1963-1966), dont il fut secrétaire de ville (1964-1966) et l’un des rédacteurs de son bulletin, L’Etincelle. Il fréquenta peu de temps la cellule du PCF Lucien Sampaix de Caen, dont il fut exclu en mai 1965. En effet, il était également membre du Parti communiste internationaliste (PCI, Secrétariat unifié de la IVe Internationale) depuis février 1965 (pseudo Sadose), et il participa avec Alain Krivine et Daniel Bensaïd à la création de la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR) en avril 1966, une organisation dans laquelle il milita jusqu’à sa dissolution, le 12 juin 1968, en collaborant à la rédaction de L’Étincelle devenu bulletin de la section JCR de Caen.

Il épousa le 6 avril 1966 Françoise Desjacques (décédée en 2006), professeure de STE, militante syndicale, féministe (engagée au MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception) et au Mouvement pour le Planning familial) et politique (JCR puis LC/LCR, candidate suppléante aux législatives de mars 1973 au Havre) ; ils eurent trois fils : Frédéric, né en 1966 et décédé en 1983, Alain né en 1971, agent commercial, et Sébastien né en 1984, professeur en lycée professionnel. Divorcé en 1993, il se remaria en 1996 avec Françoise Bonnet, professeure agrégée d’Anglais, militante syndicale.

Après ses études, André Rosevègue poursuivit son militantisme syndical, à la CGT du ministère des Affaires sociales en 1968, puis, à partir de janvier 1969, au Syndicat national des enseignements de second degré (FEN). Au gré de ses affectations professionnelles, il fut élu au titre de la tendance « École émancipée » au sein des diverses sections d’établissement (S1), bureaux des sections départementales (S2), commissions administratives départementales de la FEN et CA académiques, notamment des S3 de Rouen puis de Bordeaux. De 1970 à 1972, il participa à l’équipe responsable (ER) de l’ÉÉ, dirigée au cours de ces années par le Groupe départemental (GD) de Seine-Maritime, dont la personnalité emblématique était Michel Chauvet. En 1971, il fut élu membre de la CA nationale du SNES sur la première liste commune ÉÉ-Rénovation syndicale et le demeura jusqu’en 1975. Ses thèmes d’intervention de prédilection furent « Droits et Libertés », « Éducation sexuelle », « Environnement » et soutien aux Comités de soldats après son service militaire effectue du 1er octobre 1972 au 12 septembre 1973 au 51e Régiment d’infanterie à Amiens.

Le 1er mai 1973, avec une vingtaine de camarades, il participa en uniforme au défilé parisien, dans le cortège du Front des soldats, marins et aviateurs révolutionnaires (FSMAR), sous la banderole « Soldat, sous l’uniforme tu restes un travailleur ! » Dans les années suivantes, ces militants créèrent les Comités de soldats. Un très grave accident étant intervenu dans son régiment au cours d’un exercice durant la nuit du 23 au 24 janvier 1974 – 8 morts et un blessé grave, fauchés sous un tunnel ferroviaire –, André Rosevègue milita au Comité de défense des appelés, dénonçant les stages commandos qui, sous prétexte d’aguerrir les recrues, les mettaient en danger.

Parallèlement, membre de la Ligue communiste (LC) à sa fondation en 1969 (pseudo Milos), il participa à sa Commission nationale enseignante, fut membre d’octobre 1968 à juin 1969 du Comité de rédaction de Rouge et du Comité central (1969-1971). Mais c’est surtout au Havre, jusqu’en 1977, qu’il déploya son activité pour construire la LC/LCR dans une ville ouvrière où l’influence du PCF était très forte. Avec les militants du groupe anarchiste Jules Durand et ses camarades de la LC, en 1971 – centenaire de la Commune de Paris – au cours d’une manifestation, ils débaptisèrent la Place Thiers au profit d’Eugène Pottier, l’auteur des paroles de l’Internationale. Membre du Front Solidarité Indochine – après avoir été militant du Comité Vietnam National avant 1968 –, fortement impliqué dans les luttes anti-impérialistes, il fut à l’origine au Havre d’un « Comité de soutien aux exilés des départements d’outre-mer », sept fonctionnaires réunionnais, antillais, guyanais en grève de la faim contre leur affectation autoritaire en métropole au motif que leur comportement troublait l’ordre public. Le Comité était soutenu par la LC, le PSU, le CIC (Comité d’initiative communiste) et la Ligue des droits de l’Homme. Il fit partie des cinq personnes qui s’enchaînèrent aux grilles de la sous-préfecture après la manifestation du 22 janvier 1970. Il participa à la création du Comité de solidarité avec la lutte révolutionnaire du peuple chilien.

L’activité d’André Rosevègue ne se limita pas aux questions internationales. Étant le militant le plus aguerri de l’organisation havraise, il s’impliqua dans la fabrication de La Lutte continue, bulletin local de la LCR, et sa diffusion sur l’usine Renault-Sandouville. Après quelques années d’efforts tenaces, la LCR réussit à recruter quelques ouvriers. La section du Havre resta longtemps une des sections les plus ouvrières de la LCR, comptant dans ses rangs des ouvriers de l’automobile, de la chimie, des coursiers du port, et même un docker.

Sa mutation à Périgueux le plongea dans une réalité sociale et militante très différente. Il s’y adapta, contribuant à la création du mensuel local de la LCR, Le Petit Rouge du Périgord, un journal ouvert aux revendications occitanistes, signant ses articles : Roger Devaneuse. Dans le n°4 (avril 1979), par exemple, était interviewé Éric Fave, professeur d’occitan au lycée de Nontron et responsable national de Volem Viure al Païs. Cas rare dans la tradition trotskyste française, ce mensuel tentait par ailleurs de traiter en profondeur les problèmes de l’agriculture, consacrant par exemple une étude en quatre épisodes au problème de la fraise, culture emblématique du Périgord (du n°5 au n°9, mai à octobre 1979). Il fit partie de divers collectifs et associations, et notamment à Solidarité Internationale Dordogne, qui participa à la campagne pour la libération de Jean-Philippe Casabonne (1988-1993). La section du Syndicat national des instituteurs-PEGC était dirigée par la tendance « Syndicalisme-vivant expérience Dordogne », courant original particulier à ce département, refusant au départ le jeu des tendances, animé par des membres ou des proches du PSU, à la création duquel des militants de l’Ecole émancipée avaient participé au lendemain de 1968 ; il se trouva ainsi, en tant que représentant de l’ÉÉ dans la délégation du SNES à la CA départementale de la FEN, dans des situations d’alliance conflictuelle complexes, aucune tendance n’ayant la majorité absolue.

Après 1981, André Rosevègue siégea à nouveau à la CA nationale du SNES de 1983 à 1989 et au conseil fédéral national de la FEN de 1985 à 1989, toujours au titre de sa tendance « École émancipée ». Il combattit les projets de la majorité « Unité, Indépendance et Démocratie » définis au congrès de la Rochelle, l’exclusion de son syndicat et du Syndicat national des professeurs d’éducation physique et sportive de la fédération et s’impliqua dans la création de la Fédération syndicale unitaire, tout en militant à ATTAC (Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne). Après le départ de « l’École Emancipée » des militants qui constituèrent la tendance « Émancipation », il participa dans le SNES et la FSU à des secrétariats « hétérogènes » (à direction « Unité et Action ») au plan départemental et académique. Il fut ainsi commissaire paritaire académique, représentant du SNES et de la FSU au Comité Hygiène et Sécurité de Gironde et au CHS de l’académie de Bordeaux. Par ailleurs, il entra au CA de l’IRHSES dont il était toujours membre en 2015.

Son arrivée à Bordeaux, à partir de 1994, permit à André Rosevègue d’amplifier son engagement culturel. Participant à la création d’Espaces Marx Aquitaine Bordeaux Gironde, il y anima un atelier « langues et cultures régionales ». Il fut l’initiateur en 2004 de la création des rencontres cinématographiques « La classe ouvrière, c’est pas du cinéma » par Espaces Marx et les Cinémas Utopia, et leur coordonnateur jusqu’à 2011. Il fut l’artisan de la mise en place d’un stage syndical FSU puis intersyndical FSU-CGT Educ’action-Solidaires 33 « cinéma et syndicalisme » en parallèle de ces Rencontres, en février de chaque année. En 2009, il favorisa dans ce cadre l’édition et la diffusion du livre de Jacques Girault, Bordeaux et la Commune (éditions Fanlac), réécriture du livre que ce dernier avait publié aux Éditions sociales en 1971, La Commune et Bordeaux.

C’est à partir de 2000 – et de sa signature de l’appel « En tant que Juifs », au côté de D. Bensaïd, M. Löwy, C. Samary, M.-F. Kahn … paru dans Le Monde, le 18 octobre 2000 – que son activité militante essentielle se manifesta dans le soutien à la résistance du peuple palestinien, au travers de son engagement à Palestine 33, qui devint groupe girondin de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS), et à l’Union juive française pour la Paix. Il participa ainsi à une mission de solidarité en Palestine en 2002, à une mission judéo-arabe en 2010 à l’occasion du Forum social mondial sur l’Éducation en 2010.

À l’AFPS, il fut membre du conseil national de 2007 à 2011, et participa à la création du groupe de travail sur les manuels scolaires, qui provoqua la tenue d’un colloque avec l’Institut de recherches de la FSU en 2013 et la publication de ses actes en 2014. A l’UJFP, où il était le plus souvent membre du bureau national à partir de 2006, co-président parfois, il contribua à l’édition des chroniques de son ami Michel Warschawski dans Siné Hebdo, à l’édition du numéro spécial de la revue de l’UJFP, De l’autre côté, sur les Bédouins du Neguev. Après 2014 le groupe de travail devint inter-associations AFPS-CICUP-UJFP et a poursuivi son activité dans ce domaine : réunions locales et brochures (voir Œuvre). Il a coordonné avec Dominique Natanson les deux éditions d’Une parole juive contre le racisme.

Privilégiant ses engagements syndicaux et associatifs, sa participation aux élections politiques fut intermittente : candidature aux législatives pour la LCR à Bergerac (1980), à Nontron (2007), pour le NPA à Périgueux (2012), tête de liste « A gauche vraiment » aux municipales à Talence en 2008.

Personnage chaleureux, plein d’humour et d’auto-dérision, André Rosevègue milita toujours avec le souci d’unir et non pas de « cliver ». Aussi, bien que l’ayant approuvée, vécut-il parfois difficilement l’arrivée en 2000 à la LCR de militants – nombreux à Bordeaux – originaires de Lutte Ouvrière (LO), ceux de la fraction Voix des Travailleurs (VDT), porteurs d’une autre tradition militante, moins « rieuse ». Ayant participé à la transformation de la LCR en NPA (Nouveau parti anticapitaliste) en 2009, après l’élection présidentielle de 2012, la campagne de Poutou, et la minorisation de son parti qui en résulta, il décida avec ses camarades de la tendance Gauche anticapitaliste (GA) de quitter le NPA pour le Front de gauche, le 8 juillet 2012.

En 2015, André Rosevègue militait à Ensemble ! (Front de gauche), participait à l’organisation de sa deuxième Université d’été (août 2015) et restait membre « individuel » de la IVe Internationale, une organisation à laquelle il était fidèle depuis 50 ans. A la suite de la parution du Guide du Paris colonial et des banlieues chez l’éditeur Syllepse en 2018, il participa à la constitution de l’équipe de rédaction du Guide du Bordeaux colonial. Il était partie prenante, sur la radio associative bordelaise La Clé des Ondes, des émissions « Le Guide du Bordeaux colonial », « Histoire(s) de Palestine », « Des gens qui cherchent » (entretiens avec des enseignants-chercheurs bordelais).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article174795, notice ROSEVÈGUE André, Jean. Pseudonymes : Sadose, Milos, Ribérac, Roger Devaneuse par Alain Dalançon, Jean-Paul Salles, version mise en ligne le 24 juillet 2015, dernière modification le 30 janvier 2022.

Par Alain Dalançon, Jean-Paul Salles

André Rosevègue
André Rosevègue
photo Sud-Ouest

ŒUVRE : Nombreux articles dans L’Étincelle (UEC puis JCR Caen), Rouge, La Lutte continue (LCR Le Havre), Le Petit Rouge du Périgord (LCR Dordogne), La Lettre Rouge (LCR Bordeaux), articles dans la revue L’École émancipée.
Contributions aux ouvrages suivants : Michel Warschawski, De notre correspondant à Jérusalem, chroniques de Siné Hebdo, Syllepse, 2010, 160 p. — André Rosevègue et alii, coord., La classe ouvrière, c’est pas du cinéma, Syllepse, 2013, 124 p. — Marilyn Pacouret et Roland Lombard (dir.), Israël Palestine, le conflit dans les manuels scolaires, Syllepse, 2014, 92 p. — -UJFP, Une parole juive contre le racisme, Syllepse, 2016. — Sortir du colonialisme Gironde, Guide du Bordeaux colonial et de la métropole bordelaise, Syllepse, 2020.

SOURCES : Arch. IRHSES.— Nécrologie de Françoise Rosevègue in Rouge n°2169, 27 juillet 2006. — Cyrille Rougier, « La confrontation des habitus militants au sein de la LCR Gironde », in Dissidences n°6, avril 2009, « Trotskysmes en France », p.120-133. — Jean-Paul Salles, La LCR (1968-81). Instrument du Grand Soir ou lieu d’apprentissage ?, Rennes, PUR, 2005. — Jean-Paul Salles, « De la LCR au NPA : l’impossible mutation ? », in Pascal Delwit, dir., Les Partis politiques en France, Bruxelles, Editions de l’Université Libre de Bruxelles, 2014, p.109-126. — Nombreuses entrevues, discussions, correspondances avec André Rosevègue.

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