ROUDAYRE Émile [ROUDAYRE Ernest, Philippe, Émile]

Par André Balent

Né le 5 janvier 1902 à Limoges (Haute-Vienne), mort le 10 janvier 1979 à Perpignan (Pyrénées-Orientales) ; artisan cordonnier à Perpignan ; militant du Parti socialiste SFIO, de la CIR (FGDS) puis du PS (jusqu’en 1976) ; premier secrétaire fédéral (Pyrénées-Orientales) du PS (1971-1976) ; adjoint au maire de Perpignan (1945-1947 ; 1953-1979), conseiller général du canton de Perpignan I (1973-1979) ; résistant (Combat), membre du CLL de Perpignan.

Émile Roudayre, 1973
Émile Roudayre, 1973
Photo pour l’élection cantonale. Archives communales Perpignan.

Le père d’Émile Roudayre, Firmin, exerçait le métier de charron à Limoges. Il était âgé de vingt-huit ans en janvier 1902 et avait épousé le 9 juin 1900 Marie-Anne Carrayrou, à Saint-Céré (Lot). Celle-ci avait vingt-cinq ans en 1902 et n’exerçait alors aucune profession. Émile Roudayre se maria le 6 octobre 1921 à Limoges avec Léonie Rouquet. À son décès, le faire-part publié dans L’Indépendant indiquait que Roudayre avait un fils prénommé Claude. Dans les documents publics Roudayre sembla hésiter dans un premier temps entre deux de ses prénoms, « Ernest » et « Émile ». Finalement ce fut ce dernier qui s’imposa au fil du temps.
Émile Roudayre s‘établit à Perpignan avant la Seconde Guerre mondiale. Artisan cordonnier, son atelier et sa boutique le Ressemelage parisien étaient situés rue Foch à proximité du quartier populaire Saint-Mathieu. Il tint son échoppe jusqu’en 1970. Avant 1939, Roudayre adhérait au Parti socialiste SFIO dont il était un militant de base. Mobilisé entre le 1er avril 1940 et le 18 juillet 1940, il était de retour à son domicile après la mise en place du régime de Vichy. Dans un article publié dans L’Indépendant du 12 janvier 1979, Joseph Rous [de Puyvalador], le présenta comma ayant été le « chef » du mouvement Combat, responsabilité qu’il n’eut jamais. D’autres sources le présentent comme ayant adhéré à Combat, ce qui est tout à fait plausible car sa qualité de résistant lui fut reconnue dès le lendemain de la Libération de Perpignan. Si Le Travailleur catalan du 21 avril 1945, indique qu’il fut « chef de ville Combat (sic) depuis 1942 », Roudayre ne se fit jamais remarquer pour son activité clandestine qui demeura discrète et le mit à l’abri des vagues de la répression allemande qui frappèrent au moins à deux reprises les cadres locaux et départementaux des MUR ou les contraignirent à quitter la ville, voire le département. Le même hebdomadaire communiste signale qu’il était aussi vice-président (départemental ?) du MLN. Le même Joseph Rous a écrit aussi dans l’article cité ci-dessus que Roudayre fut « à la direction » du PS clandestin (c’est à dire des CAS) de Perpignan avec Fernand Berta (qui fut un résistant actif, de Libération-sud et des CAS). On ne peut non plus donner crédit à cette affirmation, pas plus à celle dans laquelle Rous d’ailleurs aux contacts qu’il aurait eus à ce titre avec Eugène Thomas, Daniel Mayer dans les bureaux de Joseph Rous à la rue Zamenhoff. En effet, on connait par ailleurs le manque de fiabilité des témoignages produits par Joseph Rous souvent mis en défaut lors de leur confrontation avec d’autres sources qui se révèlent en général fiables (Fourquet Camille, Mayneris Marcel).
À la Libération, Émile Roudayre, membre du comité local de Libération de Perpignan qui se réunit pour la première fois le 4 septembre 1944 sous la présidence de Félix Mercader, intégra le conseil municipal provisoire qui se constitua le lendemain à partir de cet organisme élargi. Par contre, il n’a jamais siégé au CDL contrairement à ce qu’ont pu écrire certains auteurs (Monich, op. cit. dans les Sources) à la suite d’informations erronées publiées dans d’autres articles de L’Indépendant juste après son décès et différents de celui de Joseph Rous (de Puyvalador). Lors des élections municipales d’avril 1945, Émile Roudayre fut candidat à Perpignan sur la « liste commune d’union patriotique et républicaine » soutenue par le CDL, — et plus particulièrement par son président Camille Fourquet — et le PCF avec l’appui de militants d’autres organisations ou partis. À cette occasion, la SFIO perpignanaise se divisa, certains de ses membres suivant le point de vue de Louis Noguères et de ses amis préférant se présenter en dehors de ce qu’ils considéraient comme une « candidature unique » sous hégémonie du communiste. Ce scrutin fut à l’origine d’une profonde crise du CDL des Pyrénées-Orientales dont l’enjeu était en premier lieu le contrôle du quotidien perpignanais Le Républicain. Reconduit dans ses fonctions de conseiller municipal — la liste de Félix Mercader fut élue en entier —, Roudayre devint le cinquième adjoint délégué aux places et marchés, chargé des régies municipales de la municipalité présidée par Félix Mercader. Le 19 octobre 1947, Roudayre, candidat sur la « liste socialiste et républicaine » (SFIO) conduite par Félix Mercader ne figura pas parmi les élus. Il se représenta à Perpignan lors des élections municipales du 26 avril 1953. Il fut, avec 6301 voix, le troisième des élus de la liste SFIO, après Félix Depardon maire sortant et le docteur Jean Torreilles. À la suite de ce scrutin, il fut élu troisième adjoint au maire chargé de l’Éducation nationale des sports et des fêtes publiques. Il siégea à la commission des HLM. Ces délégations lui furent retirées le 22 janvier 1958, mais en octobre 1958, il devint le président du syndicat intercommunal scolaire de Perpignan. Aux élections municipales des 8 et 15 mars 1959, Roudayre ayant eu des différents avec Félix Depardon, fit le choix d’être candidat sur la liste d’Union démocratique de rénovation municipale (SFIO dissidente) conduite par Paul Alduy — par ailleurs candidat à Amélie-les-Bains Palalda dont il était le premier magistrat — et opposée au maire sortant. Il était en deuxième position juste après celui qui allait devenir son mentor. Au premier tour, il obtint 9077 voix et au deuxième, 14833 (moyenne de la liste 14500). À l’issue de ce scrutin, il fut reconduit dans ses fonctions d’adjoint. Reconduit dans ses fonctions d’adjoint après le scrutin du 19 mars 1965 (liste conduite par Alduy avec participation de l’UNR et du MRP) qui l’emporta sur la liste d’union de la gauche dont la tête de liste était Cyprien Lloansi), il ne fut alors chargé que l’Éducation nationale. Le 14 mars 1971, la liste de Paul Alduy (9 socialistes, 6 radicaux, 13 divers gauche, 9 modérés) s’imposa de nouveau dès le premier tour. Émile Roudayre retrouva son écharpe de second adjoint avec des délégations plus étoffées (Éducation nationale, sapeurs-pompiers, Compagnie des transports perpignanais, relations avec la chambre des métiers). En juillet 1973, le décès de Jean Torreilles fit de lui le premier adjoint de Paul Alduy. En mars 1977, enfin, il reçut une nouvelle délégation, celle de représentant de la municipalité de Perpignan à l’office public de HLM des Pyrénées-Orientales. À ce scrutin, la liste conduite par Alduy (Horizon 85) fut mise en ballotage et l’emporta au second tour (55 % des suffrages exprimés) contre la liste de l’Union de la gauche menée par le radical de gauche René Argelliès (45 %).
Émile Roudayre fut élu en 1973 conseiller général du nouveau canton de Perpignan I regroupant alors l’ensemble du quartier du Vernet au nord de la Têt. Il conforta ainsi la position de Paul Alduy dans l’assemblée départementale, obligé malgré tout d’apporter son appui à Léon-Jean Grégory pour éviter de soutenir les partisans affirmés de l’union de la gauche (une partie du PS et le PCF).
Émile Roudayre occupa des fonctions dirigeantes dans la SFIO puis dans la FGDS, le PS au niveau local (Perpignan) et fédéral (Pyrénées-Orientales). En mars 1950 il accéda au bureau fédéral de la SFIO et fut secrétaire de la section de Perpignan de ce parti de mars 1950 à 1956. Il fut exclu de la SFIO par la commission fédérale des conflits avec le docteur Jean Torreilles, conseiller municipal, le 14 octobre 1956. Cette sanction cassée le par la commission nationale des conflits (CNC) le 11 novembre 1957. Il se détacha de la SFIO lors de la mise en place de la Ve République. Il suivit désormais la trajectoire de son nouveau mentor, Paul Alduy. Candidat aux élections municipales de mars 1959 sur la liste dissidente conduite par Paul Alduy, il fut exclu de la SFIO par la CNC le 6 novembre 1959. Toujours dans le sillage d’Alduy, Roudayre adhéra au micro parti fondé par ce dernier, l’ADS (Association des démocrates et des socialistes). Lorsque Alduy décida de s’associer à François Mitterrand en soutenant sa candidature à la présidence de la République en 1965, il fit adhérer l’ADS à la CIR, au grand dam des conventionnels locaux (Voir Lloansi Cyprien, un adversaire déterminé de Paul Alduy). Ce fut Émile Roudayre qui représenta l’ADS et les « alduystes » dans les instances départementales de la FGDS. En effet, il accéda en 1966 au conseil exécutif départemental de la FGDS au titre de la CIR. Adhérent de l’ADS et de la CIR, Roudayre intégra le PS avec les alduystes lors du congrès d’Épinay. Consacrant l’hégémonie alduyste sur la fédération départementale du nouveau PS, Émile Roudayre devint premier secrétaire fédéral de ce parti.
Il le demeura jusqu’en 1976, où à l’issue d’élections cantonales (7 et 14 mars) mouvementées dans les Pyrénées-Orientales, il se solidarisa avec son mentor et démissionna du PS. En effet, avant ce scrutin, l’hégémonie alduyste sur le PS départemental était contesté par les partisans d’une alliance sans concessions avec le PCF. Ces derniers reprochaient au premier secrétaire, « créature » du maire de Perpignan, de manquer de clarté en ne manifestant pas d’enthousiasme pour le programme commun de la gauche. Celle-ci l’ayant emporté à l’issue du deuxième tour (14 mars), et le PCF disposant de davantage de sièges que le PS, la présidence de l’assemblée départementale aurait dû revenir à André Tourné. À la différence de socialistes comme Guy Malé ou Michel Sageloli réélus respectivement dans les cantons de Mont-Louis et de Céret, Roudayre vota — à contre-coeur, certes — pour le candidat communiste à la présidence. Mais le président sortant Léon-Jean Grégory ayant battu André Tourné au seul bénéfice de l’âge, Émile Roudayre afin de se solidariser avec Paul Alduy démissionna du PS. À la veille de son décès, Émile Roudayre exerçait en outre d’autres responsabiltés parmi lesquelles celles de vice-président de l’UDSIS (Union départementale des syndicats intercommunaux scolaires), de président du syndicat intercommunal scolaire de Perpignan, de premier vice-président de l’Office public de HLM des Pyrénées-Orientales. Il reçut plusieurs décorations : chevalier des palmes académiques (20 janvier 1967), chevalier de l’ordre national du mérite (16 janvier 1975), médaille d’argent départementale et communale.
Émile Roudayre mourut quelques mois après le décès de son épouse, en septembre 1978. Ses obsèques civiles eurent lieu au cimetière de l’ouest de Perpignan où il fut inhumé en présence d’une nombreuse assistance. Bien qu’étant d’origine limousine, Roudayre était tellement enraciné dans sa ville d’adoption où il passa l’essentiel de sa vie d’adulte que la plupart de ses concitoyens estimaient qu’il était un « vieux Perpignanais de toujours ». Une grande avenue du quartier du Vernet porte le nom d’Émile Roudayre. Sur cette avenue, il existe une école primaire et une école maternelle toutes deux nommées Émile-Roudayre.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article174796, notice ROUDAYRE Émile [ROUDAYRE Ernest, Philippe, Émile] par André Balent, version mise en ligne le 24 juillet 2015, dernière modification le 30 avril 2018.

Par André Balent

Émile Roudayre, 1973
Émile Roudayre, 1973
Photo pour l’élection cantonale. Archives communales Perpignan.

SOURCES : Arch. com. Limoges, état civil, acte de naissance d’Émile Roudayre et mentions marginales. — Arch. com. Perpignan, 1 D 1/44, délibérations du CLL et conseil municipal (1944) ; 1 K 6, élections municipales du 29 avril 1945. — Arch. OURS, dossiers Pyrénées-Orientales. — Le Travailleur catalan, 21 avril 1945. — L’Indépendant, 28 avril 1953, 30 avril 1953, 8 mai 1953, 3, 6, 9, 12, 16 mars 1959, 11 et 12 janvier 1979. — Louis Monich, Histoires rocambolesques de l’élection cantonale 1976 en Roussillon, Perpignan, Trabucaire, 1996, 191 p. [pp. 29-30, pp. 105-129, p. 186].

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