BOULAY Arsène

Par Pierre Mazataud

Né le 5 septembre 1910 au Crest (Puy-de-Dôme), mort le 12 août 2001 ; fonctionnaire des Ponts et chaussées ; fondateur des Jeunesses socialistes du Puy-de-Dôme, maire de Romagnat (Puy-de-Dôme) ; conseiller général, puis président du conseil général du Puy-de-Dôme, député (1963-1978), vice-président de l’Assemblée nationale.

Arsène Boulay naquit au Crest, village perché sur une butte de la Limagne, où habitaient ses grands-parents maternels, les Verdier-Girard. Ces paysans-vignerons veillèrent sur ses premières années ; ils furent relayés par les grands-parents paternels, petits entrepreneurs maçons, originaires des Combrailles, qui s’étaient fixés à Chanonat, une commune voisine. Les parents d’Arsène, émigrés à Paris, ne purent jouer le même rôle : sa mère, Marie, s’épuisait dans une usine de filaments de lampes électriques ; son père, Jean Baptiste, artisan maçon, gravement mutilé pendant la Grande guerre mourut à quarante-et-un ans, peu après l’Armistice.

À l’école primaire de Chanonat, Arsène Boulay rencontra un maître exceptionnel, Léon Malfreyt*, grande référence morale de ce jeune pupille de la Nation. Arsène Boulay fut admis à l’école primaire supérieure de Clermont où il prépara le concours d’agent voyer. Son rang ne lui permit pas d’être immédiatement admis dans l’administration des Ponts et chaussées, mais il y parvint quelques années plus tard grâce à des cours par correspondance de l’École spéciale des travaux publics de Paris (Eyrolles). Entre-temps, ses qualités de dessinateur lui valurent une place à la société Hydroélectrique d’Auvergne. Simultanément le géologue Glangeaud lui confia la mise au net de ses coupes et croquis. Il participa également à l’illustration d’un petit périodique humoristique Clermont Gai.

En 1928, Arsène Boulay entra enfin dans le service vicinal à Riom comme adjoint technique. Il retrouva dans cette ville des cousins et cousines issus de la famille large de la grand-mère maternelle. Dans ce cadre plutôt réceptif aux idées conservatrices, Arsène Boulay se singularisait en se plaçant dans le sillage de René Bouscayrol, un historien qu’il considérait comme « son père dans le socialisme ». Le 1er juin 1929, Arsène Boulay adhéra à la SFIO et fit immédiatement reconnaître la fédération les Jeunesses socialistes du Puy-de-Dôme dont il avait préparé la naissance depuis plus d’un an. Fort de la participation des Étudiants socialistes comme Aimé Coulaudon* ou des Jeunesses syndicalistes, la fédération du Puy-de-Dôme, devint une des plus importantes de France derrière celle du Nord et avant celle de la Seine. Dès 1930, Arsène Boulay lança le Drapeau rouge, un mensuel, où certains de ses articles, comme celui sur la religion, suscitaient la polémique ; Arsène Boulay, qui fut initié dans une loge du Grand Orient, s’affichait volontiers anticlérical et les jocistes furent une des cibles favorites du mensuel. Il devint secrétaire fédéral adjoint des Jeunesses socialistes en 1931 et diffusa sa foi socialiste dans les campagnes de la région de Riom.

En 1932, Arsène Boulay revint à Clermont où il bénéficia d’une promotion dans son administration. Il épousa Suzanne Villedieu, fille du député socialiste Antoine Villedieu*, correcteur du journal La Montagne. Les contacts avec Alexandre Varenne*, le fondateur de ce quotidien régional, en furent renforcés et le siège des Jeunesses socialistes trouva même une place pendant un temps dans les locaux du journal.

À partir de 1935, Arsène Boulay participa intensément aux campagnes électorales de son beau-père ; il en devint le secrétaire politique et apporta sa touche d’humour aux tracts qu’il rédigeait. Ainsi, lors d’une législative partielle en 1935 qui opposait Villedieu au confiseur Pochet-Lagaye, apparaissent des nuées de papillons sur lesquels on peut lire : « Les connaisseurs achètent leur confiture à M. Pochet-Lagaye et envoient Antoine Villedieu au Parlement.  »
C’est dans les années 1930 que s’amorça l’implantation d’Arsène Boulay à Romagnat, à mi-chemin entre Clermont et Le Crest ; il passa d’abord des vacances dans une vieille maison qui appartenait aux Villedieu ; puis il fit construire une petite maison pour abriter une famille qui s’élargissait. Lorsque arrivèrent les réfugiés de la guerre d’Espagne, Arsène Boulay recueillit un jeune orphelin que le couple, jusqu’alors sans descendance, considéra comme son enfant. Neuf mois après cette adoption de fait, le couple donna naissance à une fille, qui épousa le petits-fils de Léon Malfreyt.

En 1939, Arsène Boulay, qui avait été exempté du service militaire en raison d’un voile au poumon, ne fut pas mobilisé. Il fut nommé subdivisionnaire à Thiers en 1940 où il eut des contacts avec les maquis de Sainte-Agathe. En 1944, il fit partie de la « Résistance Ville » de Clermont et il devint l’adjoint de René Favier (commandant Montpensier) ; il participa à des expéditions pour saisir les stocks de tabac de la Manufacture de Riom et accélérer les battages de céréales.

Fin août 1944, sur la proposition des responsables de la Résistance, Arsène Boulay devint président de la délégation spéciale de Romagnat où il avait conservé son domicile officiel. Il utilisa au mieux le peu de moyens dont il disposait. Lors des élections municipales de mai 1945, ses concitoyens lui accordèrent le plus grand nombre de suffrages. Il se révéla un maire entreprenant et pragmatique, allant jusqu’à associer dans son équipe municipale des hommes fort éloignés de ses convictions comme le baron de Tocqueville, lointain parent de l’auteur de La Démocratie en Amérique, naguère membre des Jeunesses royalistes ; Arsène Boulay sut trouver dans ce grand propriétaire un partenaire généreux dont les biens assurèrent à la commune une bonne maîtrise de son assise foncière. Il n’hésita pas à mobiliser tous les hommes valides de la commune, notables et curé compris, pour creuser à la pioche une longue tranchée où devait passer une conduite d’eau de source dont l’absence compromettait le développement local.
Ce maire apprécié sembla renoncer d’abord à tout autre mandat politique. De 1946 à 1951, ses fonctions d’agent-voyer subdivisionnaire dans le Livradois (à 70 km de Romagnat) l’accaparèrent beaucoup et il se sentit solidaire de son beau-père, Antoine Villedieu qui fut exclu de la SFIO pour avoir voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain en juillet 1940. Il était pourtant secrétaire fédéral administratif en août 1946 et en 1955, il faisait fonction de délégué cantonal et surtout de secrétaire général de l’Association des élus socialistes et républicains du Puy-de-Dôme.

Dans les années 1950, les conditions changèrent : Arsène Boulay travailla désormais à Clermont où il fut promu chef du bureau d’études des Ponts et chaussées : il affirma son soutien à la politique de Guy Mollet et accepta de figurer en position non éligible sur une liste pour des législatives de 1956. Il fut aussi candidat en 1958 dans le canton de Clermont-Sud. Il obtint 4307 suffrages et fut battu au 2e tour par le sortant Clermontel, républicain social (6638 suffrages), le communiste Besset s’étant maintenu (4306 suffrages). Lors de la législative du 30 novembre 1958, Il figurait comme remplaçant éventuel du docteur Ambroise Brugière*, candidat malheureux dans la première circonscription de Clermont. Les deux hommes furent à nouveau candidats aux élections législatives de novembre 1962. Élu, Ambroise Brugière mourut en février 1963 et Arsène Boulay lui succéda au Palais-Bourbon. À la même date, il fut élu conseiller général de l’ancien canton de Clermont-sud dont faisait partie Romagnat. Il réalisa ainsi l’un des souhaits de Gabriel Montpied, le maire de Clermont, qui cherchait à faciliter la gestion de sa ville en s’appuyant sur des conseillers généraux partageant ses vues et sa manière d’être dans les différents cantons clermontois d’alors.

Durant les années 1960, Arsène Boulay se consacra de plus en plus à la vie politique. Secrétaire de la FGDS départementale en 1966, il fut constamment réélu aux législatives des 12 mars 1967, 30 juin 1969 et 11 mars 1973. C’était un parlementaire consciencieux au sein d’une opposition qui ne se préparait pas encore vraiment à l’exercice du pouvoir. Avec deux autres élus du Puy-de-Dôme, Fernand Sauzzede et Joseph Planeix, ils formaient un trio célèbre - surnommé « les trois mousquetaires du Puy-de-Dôme » - que cimentaient les services d’un secrétaire commun, Michel Charasse. Celui-ci coordonnait un journal hebdomadaire, Le Montagnard où, toujours consciencieux, Arsène Boulay rédigeait lui-même les articles qu’il signait. Gaston Defferre, président du groupe socialiste, qu’ils fréquentaient beaucoup, leur permit de nouer des liens particuliers avec François Mitterrand.
Les mandats locaux mobilisèrent plus intensément Arsène Boulay durant les années 1960. Le vieux bourg de Romagnat qui avait déjà accueilli les Espagnols des années 1930, devint une plaque tournante de l’émigration portugaise. Arsène Boulay multiplia les contacts pour implanter un préventorium et une des premières cités Michelin de la banlieue clermontoise. La propriété du baron de Tocqueville fut partagée en plusieurs ensembles de statuts divers dont un lotissement municipal. Le château du baron fut acquis à un prix symbolique pour devenir « une des plus belles mairies du département ».

Au conseil général, les vœux d’Arsène Boulay sur la politique générale ne furent pas toujours amènes ; en 1966, il critiqua vivement le plan de stabilisation auquel le nom de Giscard d’Estaing est associé, obligeant le préfet à quitter la salle ; en 1967, il s’indigna de l’introduction de la publicité à la radio et à la télévision. Arsène Boulay se signalait plus concrètement par ses interventions dans son domaine de compétence professionnelle : il milita pour des voies plus rapides entre Clermont et la vallée du Rhône, mais aussi pour une grande voie européenne entre Hambourg et Gibraltar, via Clermont. Il se souciait également du développement de l’aérodrome. Par ailleurs, bien que fondamentalement départementaliste, il était tout acquis à la coordination des politiques départementales dans le cadre régional : premier vice-président de la commission de développement économique régional (CODER) de 1966 à 1973, il créa une structure de liaison et de concertation entre les quatre départements de la région : c’est l’Interdépartementale d’Auvergne. Aussi bien, lorsque Gabriel Montpied abandonna la présidence du conseil général en 1970, Arsène Boulay apparut le mieux placé pour lui succéder et fut élu président du conseil général du Puy-de-Dôme par trente-cinq voix sur cinquante, en bénéficiant du soutien de cinq conseillers généraux non socialistes dont certains pouvaient être classés au centre gauche. Cet appoint lui fit défaut après le renouvellement de 1973, moins favorable au parti socialiste et il lui manqua une voix pour conserver la présidence ; en revanche, après les élections de 1976, il retrouva sans problème le fauteuil présidentiel. Une des plus grandes tâches d’Arsène Boulay à la présidence fut la mise en place des lois de décentralisation dans un département où s’opéra un redécoupage cantonal à l’issue duquel quinze nouveaux cantons remplacent les cinq cantons de la grande agglomération de Clermont. Ce nouveau maillage qui atténuait de graves déséquilibres démographiques entre les cantons, consolida aussi la représentation socialiste au sein du conseil général. Lorsque se concrétisa cette nouvelle organisation territoriale, Arsène Boulay devint conseiller général d’Aubière. Facilement réélu en 1985, il ne sollicita pas son renouvellement en 1988.

Entre ses deux passages à la présidence du conseil général du Puy-de-Dôme, Arsène Boulay fut élu vice-président de l’Assemblée nationale de 1975 à 1976. Cette dignité ne fut pas étrangère à l’intérêt accru qu’il porta désormais à l’activité parlementaire au moment où les chances de la gauche dans la prochaine législature semblaient assurées. C’est ainsi que, rapporteur de son groupe, il s’opposa vigoureusement au projet de décentralisation qu’élaborait la droite. Ce ne fut pas sans regret qu’il ne se représenta pas en 1978 ; cependant il se sentait tenu par la promesse faite à ses amis députés socialistes du Puy-de-Dôme de mettre fin ensemble à leur activité parlementaire. Il laissa donc entrer en lice son jeune suppléant, Maurice Pourchon*. Il cessa aussi à cette date ses responsabilités de journalistes : il avait régulièrement dans la presse fédérale, Le Réveil puis Le Montagnard (dont il fut le directeur politique de 1966 à 1978) Il se consacra pleinement à ses fonctions locales ; les nouveaux rapports qui s’établissaient alors entre l’administration départementale et les services de l’État portaient sa marque personnelle. Il quitta le conseil général avec le titre de Président honoraire en 1988 et ne sollicita pas son renouvellement de conseiller municipal en 1989.

Arsène Boulay, bonhomme, avenant, chaleureux, se signalait par son sérieux, son application, son intelligence pratique. Il discourait avec facilité, maniait l’humour, trouvait les bons mots : il sut résumer son ascension au conseil général en disant qu’il n’avait cessé de « dégringoler » depuis les combles de la préfecture où se trouvait son premier service d’agent voyer jusqu’au premier étage, où s’ouvrait le bureau du président du conseil général ; quelques colères soudaines, quelques traits mordants venaient rappeler son caractère passionné, mais il finit souvent par attirer la sympathie et l’estime de ses adversaires.

Il a été également secrétaire ou secrétaire adjoint de son syndicat d’une façon presque permanente à partir de 1933 (il suivit Force ouvrière en 1948), et s’intéressa à la vie associative, animant le théâtre humanitaire (Sedillot) en 1935-1936. Il appartenait à la fédération des œuvres laïques.

Il n’était pas insensible aux décorations qui consacrèrent son ascension sociale : officier des Palmes académiques, commandeur de l’Ordre du mérite, officier dans celui de la Légion d’honneur, il fut également titulaire de la médaille d’or régionale départementale et communale.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article17482, notice BOULAY Arsène par Pierre Mazataud, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 4 janvier 2019.

Par Pierre Mazataud

ŒUVRE : Nombreux éditoriaux et articles d’Arsène Boulay dans les journaux qu’il a lancés et notamment Le Drapeau rouge (1930-1935), Le Montagnard (1964-1978).

SOURCES : Arch. Dép. Puy-de-Dôme.

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