STRIFFLING Bernard [STRIFFING Jean, Marie, Bernard]

Par Nathalie Viet-Depaule

Né le 10 janvier 1915 à Dijon (Côte-d’Or), mort le 14 février 2007 à Tiranges (Haute-Loire) ; prêtre-ouvrier, prêtre de la Mission de France, puis du diocèse de Paris, ouvrier monteur ; militant CGT.

Issu du milieu dijonnais bourgeois et catholique, petit-fils de Joseph, Émile Striffling, notaire, et de Gilbert, Dominique Nourissat, avocat, Bernard Striffling naquit alors que son père, Georges, Joseph, Marie, Louis Striffling, agrégé de Lettres, était soldat. Très vite orphelin – son père mourut au front le 22 janvier 1915 –, il fut élevé, comme ses deux frères aînés, par sa mère et deux oncles (notaire et avocat). Il fit ses études primaires et secondaires dans sa ville natale, à Saint-François de Sales. Après deux ans d’études de philosophie et une année de préparation à Saint-Cyr, il intégra le grand séminaire d’Issy-les-Moulineaux (Seine, Hauts-de-Seine) puis, en octobre 1937, partit à Saint-Maxent (Deux-Sèvres) accomplir son service militaire. Au moment où il aurait dû être libéré, la guerre éclata. Fait prisonnier le 12 juin 1940 dans la Somme, il fut détenu dans un camp d’officiers (Oflag Veinsberg) puis transféré à Nienburg (Allemagne). Ce fut pendant sa captivité, au contact notamment d’instituteurs laïcs militants, qu’il décida d’être prêtre dans une perspective missionnaire. La lecture du livre des abbés Daniel et Godin, La France pays de mission ?, le conforta dans son choix et l’incita à travailler à l’infirmerie du camp tout en poursuivant avec d’autres séminaristes de l’Oflag ses études ecclésiastiques sous l’autorité de Jean Loubère, lazariste.

Libéré en avril 1945, Bernard Striffling termina ses études au séminaire de la Mission de France, à Lisieux, où il fut ordonné prêtre le 22 avril 1946. Bien qu’il souhaitât entrer au travail immédiatement en tant que prêtre-ouvrier, il dut d’abord se soigner en sanatorium puis accepter d’être vicaire à Montchanin (Saône-et-Loire) dans une équipe de la Mission de France. Réitérant sa demande de passer au travail – il écrivit à l’évêque d’Autun en juin 1952 qu’il ne pouvait plus « sans jouer la comédie grave, se présenter en prêtre tel que les gens l’attendaient en paroisse » – il put rejoindre Jean de Miribel, Joseph de Lorgeril et Jean Lefeuvre, prêtres-ouvriers à Paris dans le XIIIe arrondissement. Il fut embauché un mois chez Gondolo à Maisons-Alfort (Seine, Val-de-Marne) pour obtenir un certificat de travail, chez Jovignot à Montrouge (Seine, Hauts-de-Seine), puis trois mois à Radio Mécanique à Paris (XIIIe arr.) avant d’entrer, en 1953, comme ouvrier monteur chez Panhard et Levassor, porte d’Ivry, où il se syndiqua à la CGT. Il côtoya alors, dans le même atelier René Rognon, pasteur-ouvrier.

Lorsque l’Église interdit le ministère des prêtres-ouvriers en 1954, Bernard Striffling obtempéra. Il quitta l’usine le 1er mars, déchiré par le choix qu’il avait fait, et se retira pour réfléchir chez des trappistes. Lorsque l’archevêque de Paris, Mgr Feltin permit à ses prêtres-ouvriers de reprendre une activité salariée à condition qu’elle fût dans une petite entreprise et sans engagement syndical, il trouva une place de chauffeur-livreur chez Huni à Vanves (Seine, Hauts-de-Seine). Il allait ainsi, jusqu’à un nouveau séjour en sanatorium et jusqu’au décret Pizzardo de 1959 interdisant à tout prêtre de travailler, être salarié dans de multiples petites entreprises industrielles de la métallurgie. Ayant repris le travail en 1960 – notamment chez Alsthom pendant huit ans –, il ne cessa jusqu’à la date de la retraite (1974) d’assumer sa condition de travailleur et de prêtre. Il vivait depuis 1956 avec deux autres prêtres-ouvriers, Gabriel Genthial et Jacques Vivez*, à Courbevoie (Seine, Hauts-de-Seine). Tous les trois membres de la Mission de Paris, dont André Depierre fut le directeur à partir de 1960, formaient une équipe qui aspirait à ce que la hiérarchie catholique reconnût le bien-fondé de leur apostolat.

À partir de 1965, Bernard Striffling rallia à nouveau les rangs de la CGT. Il fut secrétaire de la section syndicale d’Alsthom à Saint-Ouen (Seine, Seine-Saint-Denis) de 1965 à 1973. Une fois retraité, il milita au syndicat CGT de la construction des Hauts-de-Seine jusqu’en 1979, devint ensuite secrétaire départemental, puis régional de l’Association nationale de défense des malades invalides et handicapés (AMI). Avec Élisabeth Duparc, il fonda également, à partir de 1992, les « Petites lumières », qui fut un centre d’accueil et de loisirs d’enfants très handicapés à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) et dont il assura la vice-présidence.

Membre du mouvement « Nous sommes aussi l’Église » (NSAE) regroupant des chrétiens militant pour une réforme radicale de l’Église catholique dans ses formes institutionnelles et hiérarchiques, Bernard Striffling avait choisi, dans les dernières années de sa vie, de se retirer chez Élisabeth Duparc et, à sa mort, de donner son corps à la médecine.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article174840, notice STRIFFLING Bernard [STRIFFING Jean, Marie, Bernard] par Nathalie Viet-Depaule, version mise en ligne le 30 juillet 2015, dernière modification le 30 juillet 2015.

Par Nathalie Viet-Depaule

SOURCES : Arch. nationales du CAMT à Roubaix, dossier 1993002/0002. — Arch. de la Mission de France, Le Perreux. — Arch. historiques du diocèse de Paris, fonds Feltin. — Charles Suaud, Nathalie Viet-Depaule, Prêtres et ouvriers. Une double fidélité mise à l’épreuve (1944-1969), Karthala, 2004. — Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule, Une histoire de la Mission de France. La riposte missionnaire 1941-2002, Karthala, 2007. — Entretiens avec Bernard Striffling, 1998-1999.

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