SALANNE René, Jean

Par Claude Roccati

Né le 31 janvier 1927 à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), mort le 16 avril 2021 à Paris (XIVe arr.) ; modeleur sur bois ; permanent JOC pour la région Sud-Ouest, secrétaire général adjoint (1951-1953) puis vice-président (1953-1955) et enfin président de la JOC (1955-1956), secrétaire général de la JOC internationale (1956-1961) ; secrétaire confédéral CFTC-CFDT (1962-1970), membre de la commission exécutive de la CFDT en charge du secteur international (1970-1979).

René Salanne (deuxième en partant de la droite), en compagnie de Laurent Berger, Yvan Ricordeau et Jean-Pierre Bobichon, au siège de la CFDT en 2020.

Si René Salanne était toujours très attaché à la terre basque qui l’a vu naître, il fut, par ses responsabilités syndicales, un grand « arpenteur » du monde. Ses origines étaient modestes. Sa mère était employée de maison dès l’âge de onze ans. Son père, apprenti en ébénisterie d’art, issu d’une famille de métayers, appartenait à la première génération venue en ville. Il était parvenu à avoir un petit commerce qu’il dut céder au cours de la Deuxième Guerre mondiale alors que, réquisitionné, il devait travailler en tant que modeleur sur bois de fonderie. Ses parents eurent deux enfants. René, le cadet, suivit les traces de son père, choisissant d’entamer une carrière de modeleur sur bois, une fois son certificat d’aptitude professionnel et son brevet industriel obtenus au collège technique de Bayonne.

Après la guerre et pendant huit ans, le jeune René Salanne exerça ce métier à la Fonderie de Mousserole au sein de laquelle la famille était déjà enracinée, son père et trois tantes y travaillant déjà. Imprégné de valeurs de gauche, il adhéra à la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC). Il y prit rapidement des responsabilités régionales, devenant secrétaire de la fédération du Pays Basque, en 1943, à seize ans seulement. Sollicité alors que ses camarades, plus âgés, étaient absents, prisonniers ou réquisitionnés, René Salanne a toujours estimé que ce ne fut pas tant son mérite mais bien les circonstances de la guerre qui lui permirent cette implication précoce au sein de l’organisation de jeunesse.

À la Libération, avec ses camarades ouvriers jocistes de la Fonderie, ils adhérèrent en groupe à la CGT pour défendre un syndicalisme authentiquement ouvrier. Ils n’y demeurèrent cependant que quelques mois, exaspérés par les méthodes de ses dirigeants locaux, dictant les mots d’ordre aux salariés, en particulier pour le déclenchement des grèves. Ce groupe de jocistes choisit alors de rejoindre collectivement la CFTC, aimantés par Jean Lannes et décidés à le suivre dans son opération de transformation de l’Union des syndicats du Pays Basque. René Salanne découvrit ainsi, à la base, les combats de la minorité, prenant une part active aux grèves de 1947 dans son usine et dans la région, contribuant à accroître l’audience de la CFTC, jusque-là très minoritaire, dans la métallurgie de la région.

Il était alors membre de l’Union des métaux de Bayonne, mais il n’y prit aucune responsabilité, étant occupé par ailleurs par son militantisme à la JOC qu’il poursuivit et même qu’il amplifia puisqu’il en devint un responsable, d’abord à l’échelle régionale. Désigné permanent pour la région Sud-Ouest, il quitta Bayonne pour Bordeaux avant de rejoindre Paris, en 1951, pour devenir secrétaire général adjoint, puis vice-président de l’organisation de jeunesse. Son expérience professionnelle et syndicale fut donc de courte durée.

Ses premières années parisiennes ne furent pas de tout repos puisqu’en tant que représentant de la JOC, il participa activement à la crise interne qui secoua de 1954 à 1956 l’Association catholique de la jeunesse française (ACJF) et qui aboutit à la disparition de cette dernière. Il prit la direction de Bruxelles, comme dirigeant de la JOC Internationale. En 1957 fut organisé le premier Conseil international de la JOC à Rome, lors duquel fut élaboré un manifeste exaltant la fraternité « dans le respect des races et des civilisations ». C’est alors que furent reconnus les statuts de la JOC internationale (JOCI). Dans ce cadre René Salanne effectua ses premiers voyages à l’étranger, se rendant dans tous les continents, du Vietnam jusqu’au Brésil en passant par l’Afrique.

À l’issue de son mandat, après déjà près de dix ans de responsabilités au sein de la JOC, René Salanne était à la recherche d’un point de chute. Il avait gardé des contacts au sein de la CFTC, en particulier à la Fédération de la Métallurgie, avec Jean Lannes et aussi Eugène Descamps qu’il avait connu du temps de la JOC, mais également avec les membres de Reconstruction dont il fréquentait, lorsqu’il était à Paris, les réunions chez Paul Vignaux. Ce fut d’ailleurs par son entreprise que Vignaux anima plusieurs sessions de permanents jocistes. Apprenant sa disponibilité, Eugène Descamps, qui avait besoin de militants au sein de l’appareil syndical et désireux de mettre à profit son expérience internationale pour développer l’activité de la CFTC-CFDT à l’échelle mondiale, le recruta immédiatement.

Au début de l’année 1962, René Salanne débuta à la confédération en tant qu’assistant du secrétaire général. Il s’occupa essentiellement des revues de presse mais très rapidement son temps fut dévolu aux questions internationales au point d’être spécifiquement désigné secrétaire confédéral en charge des relations internationales. Salanne était alors celui qui recevait ceux qui désiraient s’entretenir avec le secrétaire général de la CFTC. Il accompagna également plusieurs délégations à l’étranger, aux États-Unis en 1962, en Yougoslavie deux ans plus tard, en Pologne aussi dès 1965. Durant ces années, il ne participa pas à l’évolution de la confédération, si ce n’est en tant que responsable du service d’ordre lors du congrès extraordinaire de novembre 1964 qui vit la transformation de la CFTC en CFDT.

Au départ de Gérard Espéret de la confédération, René Salanne devait prendre en charge le secteur international, mais son statut posait problème. En effet, il n’était pas membre d’une organisation confédérée (union locale ou fédération) et à ce titre il ne pouvait être élu au sein du bureau confédéral qui désignait parmi ses membres les responsables des secteurs. Ainsi pendant trois ans, c’est René Decaillon qui officiellement dirigea le département international, même si ce travail s’effectua en étroite collaboration avec René Salanne. La réforme des statuts votée au XXXVe congrès confédéral, en 1970, lui permit de devenir secrétaire national, en autorisant le bureau national sortant à élire dix membres de la nouvelle instance au sein de laquelle sont désignés les membres de la commission exécutive. À compter de cette date, Salanne devint donc le responsable de l’international à la confédération : il eut alors avec lui trois permanents Yves Arcadias, Jean Bourhis et Pierre Evain, auxquels vint bientôt s’ajouter André Soulat.

Parmi ses activités essentielles, il était chargé de représenter la CFDT aux réunions de la Confédération mondiale du travail (ex-Confédération internationale des syndicats chrétiens) à laquelle la confédération était affiliée. Il dirigea plusieurs délégations à l’étranger, accompagnant parfois le secrétaire général. Parmi les initiatives menées à l’époque, il contribua notamment à dessiner les formes de la confédération européenne des syndicats, en participant aux réunions du « Perraudin », du nom du restaurant où plusieurs syndicalistes et fonctionnaires européens se rencontraient en leur nom afin de discuter de la nécessaire mise en place d’une organisation syndicale européenne, œuvrant ensuite pour faire de la CFDT une organisation fondatrice de cette nouvelle confédération continentale – finalement la CFDT intégra la CES un an après sa création en 1974. René Salanne s’était particulièrement liée également à des syndicalistes yougoslaves, notamment Raif Dizdarević, avec lesquels il contribua à l’organisation d’une conférence syndicale mondiale sur le développement à Belgrade en avril 1980. C’est également sous son mandat que la CFDT se désaffilia de la CMT en 1979.

En 1979, estimant avoir fait son temps, René Salanne quitta ses fonctions au sein de la commission exécutive mais trop jeune pour prendre sa retraite et dans l’impossibilité de retourner à son travail d’origine, abandonné près de trente ans auparavant, il demeura à la confédération, membre du secteur organisation en charge des finances. Ce fut dans ce cadre qu’il présida le comité de contrôle des fonds de soutien à Solidarnosc », conjointement à Michel Foucault, chargé d’administrer les sommes collectées au profit du mouvement polonais en lutte, prolongeant encore son action en aide à des syndicalistes étrangers. D’ailleurs, René Salanne fit le voyage jusqu’en Pologne afin de préparer la venue de Lech Walesa à la conférence internationale de l’OIT en 1981, travaillant à cette occasion avec Bronisław Geremek. En effet, même après son départ de la confédération, René Salanne continua pendant près de huit ans à représenter la confédération lors de ses conférences, en parfait connaisseur des arcanes d’une institution qu’il fréquenta tous les ans pendant près de vingt ans.

À la retraite, il fut encore le président bénévole de l’Association pour le logement de jeunes travailleurs, relevant de la Caisse des dépôts. Celle-ci, en partie issue de la JOC, gérait plusieurs foyers dans la région parisienne. René Salanne renoua ainsi avec son premier engagement, au service des jeunes pour aider à leur insertion dans la société.

René Salanne s’était marié le 4 août 1956 à Chalette-sur-Loing (Loiret) avec Maria, Edwige Castiglioni, elle-même permanente JOCF, et fut père de quatre enfants.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article174841, notice SALANNE René, Jean par Claude Roccati, version mise en ligne le 30 juillet 2015, dernière modification le 16 août 2021.

Par Claude Roccati

René Salanne (deuxième en partant de la droite), en compagnie de Laurent Berger, Yvan Ricordeau et Jean-Pierre Bobichon, au siège de la CFDT en 2020.

SOURCES : Arch. confédérales CFDT : entretien avec Louisette Battais, 25 mai 1989. — Frank Georgi, L’invention de la CFDT 1957-1970. Syndicalisme, catholicisme et politique dans la France de l’expansion, Les Éditions de l’Atelier, 1995. — Alain-René Michel, Catholiques en démocratie, Les Éditions du Cerf, 2006. — Pierre Pierrard, Michel Launay et Rolande Trempé, La JOC. Regards d’historiens, Les Éditions ouvrières, 1984. — Claude Roccati, Un internationalisme entre discours et pratiques. La politique internationale de la CFDT (1964-1988), thèse, Université du Havre, 2014. — Entretiens avec René Salanne, février 2012 et avril 2013. — Notes de Bruno Duriez.

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