SCHWARTZ Bertrand

Par Geneviève Auroi-Jaggi

Né le 26 février 1919 à Paris (XVIe arr.), mort le 30 juillet 2016 à Paris (XIVe arr.) ; ingénieur du corps des mines ; (1948), professeur, puis directeur de l’École des mines de Nancy (Meurthe-et-Moselle) (1957-1966), directeur du Centre universitaire de coopération économique et sociale CUCES de Nancy 1960-1972), fondateur de l’Institut national pour la formation des adultes INFA (1963-1968), professeur à l’Université Paris-Dauphine (1969-1973), rédacteur du rapport sur l’insertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté (à la demande du Premier ministre, 1981) puis délégué interministériel à l’Insertion professionnelle et sociale des jeunes en difficulté (1983-1985), chargé par le Conseil régional du Pas-de-Calais de lancer l’opération de « requalification d’OS dans les usines » (1986 – 1988), chargé de mission auprès du ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle (1988-1993) ; fondateur de l’association « Moderniser sans exclure » (1991) ; membre du Conseil économique et social (1985-1994).

Bertrand Schwartz
Bertrand Schwartz

Le père de Bertrand Schwartz, Anselme Schwartz, né à Balbronn près de Westhoffen en Alsace refusant de devenir Allemand avait émigré à Paris à l’âge de quatorze ans. Issu de milieu paysan, reconnu pour ses talents, son courage moral et une honnêteté hors du commun, il réussit une brillante carrière de chirurgien des hôpitaux de Paris, et fut membre de l’Académie de chirurgie. Élevé dans la religion juive mais devenu athée, il éleva ses enfants dans l’athéisme le plus total. Sa mère, Claire Debré, était la sœur du professeur Robert Debré pédiatre, père de Michel Debré (qui sera Premier ministre). Il eut deux frères aînés, Laurent Schwartz, mathématicien, et Daniel Schwartz, polytechnicien et statisticien médical.

Le 9 décembre 1950, Bertrand Schwartz épousa à Paris (XVIe arr.), Antoinette Madeleine Gutmann. Elle l’épaula généreusement durant toute sa vie intellectuelle, professionnelle, familiale, amoureuse et amicale. À partir de 1953, Antoinette et Bertrand eurent quatre enfants : Olivier, Alain, Isabelle, Jean-Luc. La famille Schwartz fut une famille unie. Les parents éduquèrent leurs enfants, comme la plupart des parents à cette époque, « selon une conception très étriquée des aspirations des jeunes ». Bertrand passa une jeunesse entourée par les siens dans un milieu nanti intellectuel et scientifique avec une éducation des plus traditionnelles. Il aima la musique et passa maître dans l’art du violoncelle. Les trois frères partagèrent la vie dans la propriété familiale d’Autouillet (Seine-et-Oise, Yvelines), un lieu d’ancrage où ils se retrouvèrent pendant les vacances avec leurs parents, leurs épouses, enfants et petits-enfants partageant la nature et des tablées joyeuses. L’œuvre de Bertrand Schwartz se nourrissait aussi du calme au cœur de cette nature où il se réfugia pour penser, écrire et jardiner, voire se transformer en ouvrier agricole pour bichonner ses plates-bandes. Bertrand Schwartz vécut à Paris puis s’installa avec sa famille pendant vingt-quatre ans à Nancy, avant de retourner à Paris tout en voyageant professionnellement en Europe, aux États-Unis, au Canada, au Mexique, en Uruguay.

Ancien élève de l’École polytechnique (1939), il poursuivit ses études à l’École des mines de Paris, et intégra le corps d’ingénieurs des mines (1948). À la question : qu’est-ce qui a motivé votre carrière ? Bertrand Schwartz répondit « Au début rien, je n’ai pas été un bon élève ». À vingt-et-un ans, il décida de « s’engager pour lutter, dit-il, contre les Allemands ». Il partit à la guerre et fut fait prisonnier pendant six mois en Espagne. « Je suis tout de suite parti en guerre et en guerre il fallait écouter la misère. Quand on est officier à cet âge, on ne sent pas tout, on ne voit pas tout. Là, j’ai compris une première chose, c’est qu’il fallait que moi, officier, j’écoute les gens qui étaient autour de moi ». Fort de cette expérience Bertrand Schwartz comprit que tout est dysfonctionnement. « Tout est imprévu dans la guerre. Tout ce qui planifié n’arrive pas et rien de ce qui a été prévu n’arrive. Ces deux choses, l’imprévu, l’aspect social et le fait d’avoir été en prison m’ont vraiment donné d’être d’une part enseignant et d’autre part de m’occuper des personnes ».

Avant de rejoindre l’École des mines de Nancy, avouant n’avoir jamais vu une mine de sa vie, il souhaita effectuer un stage de six mois dans une mine de charbon. Le jeune homme de bonne famille se retrouva avec son marteau piqueur devant des veines. Son outil entra plus souvent, comme il aima à le raconter, « dans mes godasses que dans le charbon ». L’expérience a été fondatrice. Elle lui permit de découvrir la solidarité extraordinaire des mineurs qui, payés au rendement collectif, l’aidèrent et l’appuyèrent. Découvrant les savoirs de ses compagnons de stages, Bertrand Schwartz enracina des certitudes. Aider les personnes ayant envie d’apprendre à partir de leur vécu lui parut essentiel. Il en fit son devoir à vie.

Dès 1948, nommé professeur puis directeur de l’École des mines de Nancy jusqu’en 1966, il constata que le métier d’ingénieur s’était considérablement modifié mais que l’enseignement ne suivait pas. Il lança une réforme des plus audacieuses. Elle posa les fondements de la réflexion d’une pédagogie nouvelle. Il dénonça la France créatrice « d’homme-robot-connaissances » et le manque de formation du caractère et de méthodologie. Avant de lancer sa réforme, il mena une vaste enquête auprès d’industriels pour savoir quelles seraient les disciplines en adéquation avec le métier d’ingénieur. Il intégra des enseignements nouveaux comme les statistiques, l’informatique et des cours de méthodologie et d’expression orale et écrite. Cette réforme lança les bases d’une pédagogie interactive introduisant la classe inversée, les travaux dirigés, l’apprentissage par projet et les travaux de groupes. Précurseur, Bertrand Schwartz posa les fondements de l’ingénierie pédagogique interactive et de l’acquisition efficace des savoirs.

En 1960, le recteur Mayer de l’Université de Nancy invita Bertrand Schwartz à diriger le CUCES, Centre universitaire de coopération économique et sociale de Nancy. Cet organisme avait été créé en 1959 pour rapprocher l’université et l’entreprise. Il fut le directeur jusqu’en 1972. Il travailla avec les acteurs économiques et sociaux locaux, syndicats de salariés et organisations d’employeurs. Sa réflexion permit d’améliorer le perfectionnement des ingénieurs et cadres par la PST (promotion supérieure du travail), d’introduire la formation générale, les unités capitalisables. Il développa aussi les interventions en entreprises. Il préconisa l’analyse des besoins de formation soit par une recherche-action soit par des enquêtes. Au CUCES, il rencontra des ouvriers persévérants motivés et capables d’apprendre. Il se rendit vite compte que « ce centre était trop universitaire pour des ouvriers qui venaient le soir et n’avaient jamais appris à prendre des notes ». Il transforma alors le cours en petits groupes de travail, une structure mettant les apprenants à l’aise pour poser des questions et se former dans le cadre d’une éducation mutuelle permettant l’apprentissage plus efficacement. Cette réforme des plus innovantes ne passa pas inaperçue.

Au milieu des années soixante, quand les sidérurgistes décidèrent de fermer les mines de fer de l’Est et que les mineurs se retrouvèrent sans travail, des syndicalistes lui demandèrent d’installer un Centre de formation au cœur du Bassin des mines de fer de Briey pour apporter une culture générale scientifique. Il y mena une vaste action mettant au point une formation pour la reconversion des mineurs par une innovation pédagogique basée sur une éducation globale et la prise en compte de l’expérience journalière, familiale, sociale et professionnelle. Cette nouvelle expérience confirma sa conviction « un adulte n’est prêt à se former que s’il trouve dans la formation une réponse à ses problèmes dans sa situation ». Bertrand Schwartz fut à l’écoute. Il qualifia sa recherche-action de recherche participante « Actuellement, je vais régulièrement dans le Nord, où se fait une action participante et il n’y a pas une semaine où je ne demande aux acteurs leurs hypothèses et leurs indicateurs. Ils me disent ce qu’ils trouvent. Ce n’est pas moi qui impose les hypothèses, c’est eux qui les formulent. Mais la condition que j’impose, c’est qu’ils parlent. »

À cette époque, la préoccupation de l’éducation des adultes émergea dans toute l’Europe. Le besoin de main-d’œuvre qualifiée préoccupa les gouvernements. L’éducation permanente était en train de naître. Bertrand Schwartz en fut un des moteurs. « Une éducation pour la vie à partir de la vie. C’est-à-dire une formation qui accompagne constamment ce que nous faisons dans la vie et pas seulement de temps en temps aller suivre un cours. »

À la demande du ministre de l’Éducation, Lucien Paye, il créa à Nancy en 1963, l’INFA, l’Institut national pour la formation des adultes, un établissement public rattaché à la direction de l’enseignement supérieur du ministère de l’Éducation nationale. Il en assura la direction jusqu’en 1968. Ses objectifs furent de former des formateurs, de mener des recherches de sociologie, de psychologie cognitive et de pédagogie sur la formation des adultes et d’être un lieu de rencontre. En 1969, il créa Éducation permanente, une revue de recherche dans le champ de la formation et du développement des adultes.

À cette même époque, instituée par la Loi Faure de 1968, l’Université de la Sorbonne était divisée en treize universités autonomes. Paris IX Dauphine et Paris VIII Vincennes étaient conçues comme des universités expérimentales devant mettre en vigueur les principes de la loi notamment la rénovation pédagogique et le caractère pluridisciplinaire. Dauphine eut pour mission d’imiter la Harvard Business School (Cambridge, Massachusetts, États-Unis). De 1969 à 1973 Bertrand Schwartz y fut engagé comme professeur et chercheur.

Il suivit avec attention les débats d’alors sur la formation permanente, qui menèrent aux négociations entre partenaires sociaux aboutissant à l’accord du 9 juillet 1970 sur la formation et le perfectionnement professionnel. Sous l’impulsion de Jacques Delors, conseiller social du Premier ministre, Jacques Chaban-Delmas, cet accord conduisit à la loi du 16 juillet 1971 portant organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de l’éducation permanente.

Alors que la dégradation de l’emploi et le chômage des jeunes augmentaient, des voix s’élevèrent contre un système scolaire ne répondant pas aux besoins des entreprises. Au printemps 1981, il fut consulté par l’Union confédérale des ingénieurs et cadres UCC-CFDT lors de la préparation de ses propositions de réforme de l’enseignement supérieur, conçue dans une perspective de formation permanente.

En mai 1981, la gauche était au pouvoir. Le Premier ministre Pierre Mauroy adressa une note à Bertrand Schwartz : « L’entrée des jeunes dans la vie active, après la fin de la scolarité, est devenue pour beaucoup d’entre eux une véritable course d’obstacles et une période d’incertitude et de déstabilisation. La crise économique et l’ampleur du chômage ne sont pas seules responsables de cette situation. L’organisation actuelle du système éducatif, de la formation professionnelle et des services d’information, d’orientation et de placement, les dispositifs d’insertion professionnelle mis en place au cours des dernières années, ainsi que les aides au premier emploi ne procèdent pas d’une conception d’ensemble, mais de la juxtaposition de dispositions parfois contradictoires et souvent conjoncturelles… » Il lui confia la rédaction d’un rapport. « J’ai, dit-il, eu trois mois pour le faire, accompagné d’une équipe d’une quinzaine de personnes que je connaissais à peine. Nous avons travaillé dix-huit heures par jour et avons interrogé toute la France. L’enquête porta sur la vie sociale, le logement, la santé, la vie culturelle le lien avec la vie quotidienne, avec les adultes, la formation et l’emploi, l’exclusion ». « Le rapport de 400 pages a été rédigé à partir des propositions reçues de la base. Nous avons étudié toutes les propositions, sérié et fait une synthèse. Ce rapport a eu un énorme succès parce qu’il venait des gens de terrain qui avaient vécu depuis des années avec des gens en difficultés ». Le rapport sur l’insertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté insista sur la nécessité de qualifier les jeunes en prenant en compte un mode d’intervention globale. Il mobilisa les entreprises comme partenaire de la formation. Il émit des critiques à l’encontre du système éducatif et mit en valeur la formation par alternance. Il prôna la validation des acquis et réclama la construction de processus de qualification par la définition claire de compétences utiles aux métiers. Il proposa de rechercher des solutions, à travers une vaste mobilisation institutionnelle et sociale, et une transformation des actions publiques.

En 1982, le rapport servit de tremplin pour la création des missions locales. Bertrand Schwartz en fut l’inspirateur. Ces missions correspondirent au souci de l’écoute qui lui était si cher. Il s’agit de concevoir une petite structure, avec du personnel pour accueillir les jeunes, prendre en compte leur demande, les pousser à réfléchir sur leur passé et leur envie de faire mais non pas les prendre en charge. Ainsi le rapport préfigura les permanences d’accueil, d’information et d’orientation (PAIEO) et les missions locales officialisées par une ordonnance du 26 mars 1982.

Constatant une certaine résistance de la part des institutions et des rivalités entre les ministères concernés, François Mitterrand créa en 1983 une délégation interministérielle à l’insertion professionnelle des jeunes en difficulté auprès du premier ministre. Bertrand Schwartz en fut le titulaire tout désigné jusqu’en 1985. Il eut pour mission de faciliter la coordination interministérielle en matière de vie sociale et professionnelle des jeunes. La délégation dut se rendre compte de la difficulté de fédérer les politiques nationales en la matière. Bertrand Schwartz reconnut que la mission locale avait ses détracteurs. Ceci parce qu’elle apparut au début du mouvement de la décentralisation, « c’était le maire qui était président de la mission locale et d’aucuns n’aimaient pas cette décentralisation. Certaines administrations publiques ont réagi parce qu’il fallait s’occuper des problèmes des jeunes et innover. Il y a eu d’énormes résistances. Notamment celle de maires n’ayant pas de compétences pour l’emploi qui brusquement avaient à s’en occuper. Résistance des associations devant travailler entre elles et avec les partenaires sociaux ». Le spécialiste de la formation reconnut que « faire travailler tout ce monde ensemble aura été terriblement difficile. »

Dès octobre 1984, Bertrand Schwartz et Anne de Blignières-Légeraud, professeur à Paris IX Dauphine, spécialiste des demandes de recherches participatives, élaborèrent un programme de recherche-action de grande envergure sur les nouvelles qualifications et l’insertion professionnelle des jeunes de très faibles niveaux. Ce sera l’opération Nouvelles qualifications-insertion. Elle toucha trois cent soixante entreprises différentes réparties sur trente-huit sites, cinq cents jeunes peu qualifiés et une cinquantaine d’organismes de formation.

Fin 1985, Bertrand Schwartz quitta cette fonction auprès du ministère et fut nommé membre du Conseil économique et social où il siégea jusqu’en 1994 à la section du travail.

De 1986 à 1988, il fut chargé par le Conseil régional Nord–Pas-de-Calais, en lien avec sa direction de la formation professionnelle et de l’apprentissage, de lancer l’opé́ration « Requalification d’ouvriers spécialisés dans les usines ». Au sein de l’entreprise de construction automobile MCA–Maubeuge, il conduisit des entretiens avec les membres du comité́ d’entreprise, les représentants syndicaux et avec les opérateurs. La mission consista à étudier ensemble les dysfonctionnements, à en trouver les causes et à proposer des solutions pour y remédier, notamment en matière de requalification et de développement des compétences.

En 1989, l’Université de Louisville (Kentucky, États-Unis) lui décerna le First Grawemeyer Award in Éducation. Ce prix international d’éducation, que les fondateurs souhaitent voir reconnaître à l’image d’un « Nobel » de l’éducation, lui fut décerné pour ses idées sur l’innovation sociale et professionnelle pour les jeunes défavorisés et ses recherches dans le domaine des nouvelles qualifications. Le jury reconnut à Bertrand Schwartz d’avoir « fortement influencé l’éducation des adultes dans un monde industrialisé où la formation tout au long de la vie était devenue une nécessité pour chaque individu et où l’éducation non-formelle tendait à devenir aussi importante que l’éducation scolaire formelle ».

Ce prix incita Bertrand Schwartz à fonder, en mars 1990, l’association « Moderniser sans exclure » (MSE), destinée à la lutte contre l’exclusion des personnes à faible niveau de qualification.

Cette même année Bertrand Schwartz devint responsable de la mission « Nouvelles qualifications », créée par le gouvernement avec comme finalité l’étude des conditions de transfert d’une démarche de formation en alternance innovante. Elle fonctionna jusqu’en 1993, mobilisant 300 entreprises et 70 organismes de formation. Elle connut ensuite des déclinaisons régionales, notamment dans le Nord-Pas-de-Calais.

À partir de 1997 et jusqu’en 2002, il participa à des actions de co-construction avec une douzaine de collectivités publiques du programme « nouveaux services-emplois jeunes en médiation sociale » et fut ainsi conseiller des présidents des conseils généraux de Belfort et de l’Essonne et des mairies de Grenoble (Isère) Niort (Deux-Sèvres), Châtellerault (Vienne) et appui des mairies de Paris et de Nancy.

En avril 1992 eut lieu le lancement de l’association « Moderniser sans exclure ». Les actions se déployèrent dans plusieurs régions françaises. Cette démarche de communication sociale visa à donner la parole à ceux qui ne l’avaient pas en réalisant des enregistrements vidéo pour s’exprimer et échanger et ensuite bâtir autour des réflexions. Après la dissolution de l’association en octobre 2003, un relais fut fait, dans le cadre d’associations régionales. Cette activité d’automédiation lancée par Bertrand Schwartz se développe encore aujourd’hui (2015).

En 2007, Bertrand Schwartz, infatigable, fut partie prenante d’une recherche-action collective lancée par le syndicat national des métiers de l’insertion Synami-CFDT pour donner un nouvel élan au réseau des missions locales.

Sans compter, jusqu’à ce que la vieillesse le surprit dans sa mobilité, il répondit présent à toutes les demandes de participation à des colloques, des conférences, des interviews. En 2011, il participa au lancement de l’Institut Bertrand Schwartz qui a « pour ambition de situer son action dans le présent et pour l’avenir. Sa démarche a vocation à construire une vision prospective, à s’inscrire dans la continuité de la recherche-action permanente qui ne cesse de faire ses preuves : celle de Bertrand Schwartz. »

En mars 2012, à plus de quatre-vingt-treize ans, il décida avec son collègue Gérard Sarazin de soutenir l’appel pour un « Big bang des politiques jeunes ». Il leur adressa ce message : « En 1981, mon rapport se terminait par cet appel que depuis je répète sans cesse : rien ne se fera sans les jeunes. Toute politique ne peut être entreprise et menée à bien qu’avec ceux à qui elle s’adresse. C’est à eux qu’il revient de donner à l’ensemble des forces sociales concernées des raisons de s’acharner à construire de nouvelles voies » […] « Les orientations du Big Bang sont au cœur de ces nouvelles voies à construire. Je les partage et je félicite ceux qui en ont pris l’initiative et l’ont diffusé. L’important maintenant c’est d’oser ! » […] « Alors je ne peux que vous inviter à oser, c’est-à-dire à innover et construire sur chaque territoire des actions qui soient les signes concrets du réalisme de ces orientations et de l’importance du travail avec et pour les jeunes. Bon courage et persévérance, car le combat sera long. »

Reconnu dans le monde entier, référence incontournable en matière de formation professionnelle continue, Bertrand Schwartz collabora à la construction de la formation continue non seulement en France mais essaima aussi à l’étranger. De 1972 à 1975, il fut professeur invité pendant trois ans, quatre jours par mois à l’Université de Lausanne (Suisse) ; de 1976 à 1982, à l’Université de Genève (Suisse). Entre 1976 et 1984, il travailla sept fois l’été pendant quatre à six semaines au MIT, Massachusetts Institute of Technology à Boston, (États-Unis). De 1985 à 1987, Il enseigna chaque été à l’Université de Montréal (Québec, Canada) et un mois à l’Université de Sherbrooke (Québec, Canada). Pendant de nombreuses années, il collabora au syndicat CGIL à Rome (Italie). En 1993, il se rendit deux jours par semaine à l’Université de Padoue (Italie). Entre 1995 et 1998, il collabora quatre semaines par an avec le gouvernement mexicain sur les problèmes de l’alternance. De 1998 à 2000, il fut conseiller du maire de Mexico pour la création de missions locales d’insertion des jeunes. Le gouvernement d’Uruguay l’invita à Montevideo en 1999.

Bertrand Schwartz, polytechnicien non conformiste et visionnaire, fut distingué de nombreuses fois. Après le Grawmeyer Award in Éducation en 1989, il reçut en 2008, le prix de l’éthique décerné par La lettre du cadre territorial. Grand officier de la Légion d’honneur, il fut élevé en 2013 à la dignité de Grand-croix de la Légion d’honneur. Il fut aussi docteur honoris causa des Universités de Genève, Montréal, Bologne (Italie) et Louvain-la-Neuve (Belgique). Sa lucidité, son intelligence généreuse, sa volonté permirent de développer des méthodes innovantes autant pour la formation universitaire que pour des ouvriers en transition d’emploi ou des jeunes en situation d’exclusion. Faute d’avoir été écouté hier, face aux dérives de la société ces propositions reviennent aujourd’hui (2015) sur le devant de la scène. Le temps donnera-t-il raison à Bertrand Schwartz à ses convictions, à sa révolte en faveur des exclus et des laissés pour compte ?

Bertrand Schwartz décéda à l’âge de 97 ans le 30 juillet 2016, chez lui,
96, rue de la Tombe Issoire à Paris (XIVe arr.)

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article174842, notice SCHWARTZ Bertrand par Geneviève Auroi-Jaggi, version mise en ligne le 7 septembre 2016, dernière modification le 14 décembre 2021.

Par Geneviève Auroi-Jaggi

Bertrand Schwartz
Bertrand Schwartz

ŒUVRE : Insertion sociale et professionnelle des jeunes, Rapport au Premier ministre, La documentation Française, 1983. — L’Éducation demain. Une étude de la Fondation européenne de la culture, Ed. Aubier-Montagne, 1973. — Moderniser sans exclure, Découverte/Poche, 1997. — Une autre école, Flammarion, 1977. — Avec Jean-Marie Labelle Université et éducation des adultes, Ed. d’organisation, 1977. — Avec Daniel Hemelin, Les objectifs pédagogiques en formation initiale et en formation continue, Esf, Entreprise moderne d’édition, 1979. — Avec Pierre Dominice, La formation enjeu de l’évaluation, Peter Lang, 1979. — L’informatique et l’éducation : rapport à la CEE, La documentation française, 1981. — Avec Daniel Bernard, Bernard Lévy, Michèle Rouge, Simon Wuhl, Michel Delebarren Nouvelles qualifications : les entreprises innovent avec les jeunes, tome 1 : Le bilan, DIIJ, Centre Inffo, 1988. — L’éducateur et l’action sensée, Esf, 1988.

SOURCES : Geneviève Auroi-Jaggi, Les Grands Entretiens : Bertrand Schwartz, Télévision suisse romande, RTS 2003. — L’œuvre de Bertrand Schwartz : ses archives, CD-rom, Université de Genève 2006. — Histoire du réseau des missions locales, Philippe Brégon, extrait de À quoi servent les professionnels de l’insertion ?, L’Harmattan, 2008. — Un mathématicien aux prises avec le siècle, Laurent Schwartz, Odile Jacob, 1997. — « Bertrand Schwartz », Wikipédia, (https://fr.wikipedia.org/wiki/Bertrand_Schwartz), juin 2015. — Entretiens avec Bertrand Schwartz Recherche et formation 1990, propos recueilli par Nelly Leselbaum. — Message de Bertrand Schwartz à l’occasion de la manifestation nationale des Missions locales 17-18 décembre 2012. — « Pourquoi une réforme de l’enseignement ? », Éducation permanente, Geneviève Auroi-Jaggi, Zurich, février 2011. — État civil.

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