SAVOUILLAN Charles

Par Michel Gorand, Frank Georgi

Né le 20 août 1920 à Lyon (Rhône), mort le 13 janvier 2005 à Chambéry (Savoie) ; ajusteur ; secrétaire du syndicat chrétien de la métallurgie (CFTC) de Chambéry (1942-1943) ; résistant ; secrétaire général du CDL de la Savoie ; secrétaire général de la Fédération CFTC de la métallurgie (1944-1951) ; membre du bureau confédéral de la CFTC (1948-1951) ; cofondateur du groupe « Reconstruction ».

Charles Savouillan
Charles Savouillan

Charles Savouillan, fils de Xavier Clovis Savouillan, cheminot au PLM, et de Marie Louise Domenget, passé par le scoutisme, aurait adhéré à la CFTC dès 1936. Titulaire d’un CAP de serrurerie, puis de dessinateur industriel, il fut embauché comme ajusteur dans une usine d’aluminium de Chambéry en 1939 et intégra alors le syndicat chrétien de la métallurgie de Chambéry (CFTC), où il fut collecteur, puis secrétaire de la section de son entreprise. À son retour des Chantiers de la jeunesse, il retrouva son emploi à Chambéry et rencontra Lucien Rose*, secrétaire de l’Union départementale, qui, séduit par son dynamisme, l’encouragea à devenir délégué du personnel, puis secrétaire du syndicat de la métallurgie en 1942. En avril 1943, il était trésorier de l’union locale des syndicats chrétiens de Chambéry. Il anima dans son usine de la métallurgie à Chambéry, la grève de 1943 contre le STO, puis, en octobre il fut chargé par Lucien Rose, devenu l’un des dirigeants régionaux de la Résistance, d’organiser l’action ouvrière clandestine en Savoie. Le 19 octobre 1943, les UD ex-CFTC et ex-CGT de Savoie signèrent un accord pour la création d’un « comité d’unité d’action » chargé de la défense et de la formation des travailleurs dans le cadre départemental : Charles Savouillan, Lucien Rose et Albert Fontaine en furent les signataires pour la CFTC. Le jeune Savouillan (qui prit pour pseudonyme « Guerrier ») sillonnait le département à bicyclette, tissant patiemment ses réseaux, nouant des relations avec des militants syndicalistes, chrétiens, socialistes, communistes. Repéré, il passa en 1944 en Haute-Savoie, où il poursuivit son travail d’organisation.

Il fut l’un des représentants de la CFTC au Comité départemental de libération (CDL) de la Savoie. Dans ce département, les milices patriotiques furent créées sous la responsabilité du CDL en juin 1944 avec un noyau permanent chargé de l’organisation de ces milices composé de « Horace » (Ferdinand Granet pour la CGT) et de « Guerrier » (Charles Savouillan pour la CFTC) et ce sont les syndicats dans les entreprises qui en ont fourni la base. Elles furent un élément actif dans le déclenchement de la grève générale à la Libération. Charles Savouillan et Lucien Rose prirent possession de la préfecture le 23 août 1944, où ils réunirent dans la journée le Comité départemental de libération de la Savoie. Le premier en prit la présidence, le second assumant auprès de lui les fonctions de secrétaire général.

Présent à Paris début décembre 1944 à l’occasion du premier comité national de la CFTC reconstituée, il se retrouva, un peu par hasard, parmi les militants métallurgistes réunis en bureau fédéral pour relancer l’activité de la fédération. Le président Charlemagne Broutin donna lecture de la lettre de démission du responsable historique des syndicats ouvriers chrétiens, Jean Pérès, secrétaire délégué de la Métallurgie, pour cause de proximité avec Vichy, et constata l’absence de Joseph Botton, secrétaire fédéral permanent, demeuré aux Etats-Unis où il avait rejoint Paul Vignaux pour y représenter la résistance syndicale française. En l’absence de postulant parisien pour assurer la fonction de secrétaire général, il se tourna vers les provinciaux et le nom de Charles Savouillan, qui avait « fait ses preuves » en Savoie, fut mis en avant. Celui-ci, réticent au départ, finit par se laisser convaincre par Lucien Rose de déménager à Paris avec son épouse, alors sur le point d’accoucher. Aux yeux de ses camarades, son absence totale d’expérience au plan national serait compensée par les qualités d’organisateur, le sens syndical et l’esprit d’initiative dont il avait fait preuve sous l’Occupation. Par ailleurs, l’image du résistant courageux qu’il fut ne pouvait que rejaillir positivement sur celle de la fédération qu’il incarnerait désormais.

Installé dans ses locaux étroits de la rue Roquépine dans le VIIIe arrondissement, à la veille de la Noël 1944, le jeune permanent s’appliqua à faire redémarrer la petite fédération (autour de 8 000 adhérents), privée de ses responsables d’avant-guerre et sans moyens matériels. Pour cela, il appliqua, selon son propre témoignage, les leçons de la Résistance : la priorité doit être donnée à la création de « liaisons », en premier lieu par la rédaction et la diffusion de circulaires, puis d’un Bulletin du militant et d’un journal fédéral, La Voix des métaux, moins coûteux que des déplacements en train. Le bureau fédéral comprenant bon nombre de provinciaux, il fut plus d’une fois obligé d’héberger son domicile, dormant à même le sol, une demi-douzaine de camarades. Pour redresser une situation financière catastrophique, il exigea et obtint un relèvement sensible des cotisations. Combinée à une aide matérielle des syndicats américains et à un triplement des effectifs en trois ans, cette décision rendit possible l’embauche d’un second permanent, Louis Bobin, venu des usines Renault, ainsi que le déménagement du secrétariat pour des bureaux un peu plus spacieux, rue de Montholon. Charles Savouillan s’attaqua également à la structuration de la Fédération par branches et par régions. Ce travail de réorganisation et d’équipement se voulait au service d’une politique fédérale dynamique. Le secrétaire général en dégagea assez tôt des lignes de force : unité d’action avec la CGT (il avait même été séduit un temps, comme d’autres militants savoyards, par la proposition cégétiste d’unité organique, avant d’y renoncer, en particulier sous l’influence de Paul Vignaux, au nom du nécessaire combat contre le « totalitarisme » communiste) ; création de fédérations d’industries, regroupant ouvriers et employés ; interdiction du cumul des mandats politiques et syndicaux ; autonomie du syndicat par rapport à l’Eglise et aux références confessionnelles ; affirmation d’un syndicalisme plus combatif, partie prenante du mouvement ouvrier, et bientôt, porteur d’un projet de socialisme démocratique. Ces thèmes, partagés par d’autres jeunes responsables de fédérations ouvrières, comme Fernand Hennebicq des gaziers-électriciens, constituèrent le socle stratégique d’une « minorité » CFTC qui s’affirma progressivement au lendemain de la Libération. Cette minorité se dota, dès la fin de l’année 1945, d’un véritable laboratoire d’idées, le groupe d’études « Reconstruction ». Aux côtés de Paul Vignaux, revenu des Etats-Unis, et de Fernand Hennebicq, Charles Savouillan en fut l’un des fondateurs. Il fut également, jusqu’au début de la décennie suivante, responsable de la publication du bulletin Reconstruction, dont les premiers exemplaires furent imprimés sur les presses de la Fédération. En plus de ses diverses activités proprement syndicales (il siégea également au bureau confédéral de 1948 à 1951), il représenta la CFTC en 1949 au premier conseil d’administration de l’ANIFRMO (Association nationale interprofessionnelle pour la formation rationnelle de la main d’œuvre), qui devint l’AFPA (Association de formation professionnelle pour adultes) en 1966.

Une telle surcharge de travail, dans des conditions toujours difficiles, n’alla pas sans conséquences sur sa santé. Son médecin lui conseilla de cesser de mener la vie qu’il menait, sans quoi il ne répondrait plus de rien. Au début de l’année 1951, Charles Savouillan, physiquement épuisé, fut contraint d’abandonner ses fonctions de secrétaire général et retourna à l’usine, tout en continuant à siéger au bureau fédéral. Sa succession, qu’il s’était pourtant efforcé de préparer, fut difficile et la Fédération connut des problèmes de personnes jusqu’à l’arrivée d’Eugène Descamps en 1954.

En 1953, à la demande de la Fédération, Charles Savouillan présenta sa candidature à la Division des problèmes du travail auprès de la Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l’acier, dont son organisation avait soutenu l’idée dès 1950, malgré des réserves face aux risques de glissement vers une « petite Europe », démocrate-chrétienne, capitaliste et conservatrice. Recruté, il partit pour Luxembourg, où il maintint des relations suivies avec sa fédération. Il démissionna de ses fonctions en 1968, puis fut embauché à la direction de l’AFPA en 1969. Chargé d’une mission de réflexion qui débouchera sur la création de sept circonscriptions, il fut nommé délégué régional de la région centre-est (Rhône-Alpes, Auvergne et Bourgogne) de 1970 à 1980, date de sa retraite qu’il prit à l’âge de 60 ans.

La « carrière » proprement syndicale de Charles Savouillan fut brève, mais particulièrement intense. Principal artisan de la renaissance de la fédération de la Métallurgie CFTC à la Libération, pionnier de la minorité et de Reconstruction, il peut être considéré, même s’il ne jouait plus depuis longtemps de rôle actif au sein la centrale au moment de la déconfessionnalisation de 1964, comme l’un des pères fondateurs de la CFDT.

Marié le 18 octobre 1941 à Sainte-Hélène-du-Lac (Savoie) avec Marie Louise Berthet, il était père de deux filles et un fils.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article174872, notice SAVOUILLAN Charles par Michel Gorand, Frank Georgi, version mise en ligne le 14 septembre 2015, dernière modification le 29 avril 2019.

Par Michel Gorand, Frank Georgi

Charles Savouillan
Charles Savouillan

SOURCES : Arch. Dép. Savoie, 33 M IV-16, dossier 370. — Frank Georgi, Soufflons nous-mêmes notre forge. Une histoire de la Fédération de la métallurgie CFTC-CFDT 1920-1974, Paris, Les Editions ouvrières, 1991. — Gérard Adam, La CFTC. Histoire politique et idéologique, Paris, A . Colin, 1964. – Hervé Hamon et Patrick Rotman, La Deuxième gauche. Histoire politique intellectuelle et politique de la CFDT, Paris, Ramsay, 1982. – Michel Garicoix. De la CFTC à la CFDT : Reconstruction, les groupes et les publications, mémoire de maîtrise, Paris 10, 1972. — Coll., Paul Vignaux, un intellectuel syndicaliste, Paris, Syros, 1988. - Frank Georgi, « Charles Savouillan. Figure du syndicalisme CFTC », Le Monde, 27 janvier 2005, p. 26. — Pierre Confavreux, « Décès de Charles Savouillan », Flash CFDT FPA, 200, 20 janvier 2005, p. 5-6. — Notes de Louis Botella (« Éléments d’histoire de la CFDT en Savoie de 1930 à 1980 », 333 pages). — Entretien avec Frank Georgi, 1990. — État civil. — Note de Wladimir Quénu.

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