YAÏ Joseph Olabiyi

Par Françoise Blum

Né le 12 mars 1939 à Savé (Dahomey) ; Enseignant ; Ambassadeur ; Union générale des étudiants d’Afrique de l’Ouest (UGEAO) ; Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (FEANF) ; Association des étudiants dahoméens (AED) ; Parti africain de l’indépendance (PAI) ; Président du conseil exécutif de l’UNESCO.

Joseph Olabiyi Yaï est né le 12 mars 1939 à Savé (Dahomey) mais lorsqu’il s’inscrit à l’école, un jugement supplétif d’acte de naissance émis par le commandant de cercle va lui assigner une autre date de naissance : le 12 mars 1942. Ses parents sont des paysans, dont il est, chose rare à l’époque, enfant unique, et la famille est monogame. Son père a suivi des cours pour adultes et sait donc lire, écrire et compter. Il s’est converti au protestantisme et Olabiyi Yaï sera baptisé sous le prénom de Joseph. Il fait l’école primaire à Savé puis est inscrit au collège Victor Ballot de Porto Novo, en 1953, c’est-à-dire deux ans avant que Victor Ballot, aujourd’hui Behanzin, ne devienne le quatrième lycée de l’Afrique Occidentale Française (AOF), après Faidherbe (Saint-Louis du Sénégal), Van Vollenhoven (Dakar) et Terrasson de Fougères (Soudan-français). Il est d’ailleurs membre de l’association des anciens élèves. Dès le lycée, il est membre du marxiste Parti Africain de l’Indépendance (PAI), après la création de celui-ci en 1957, à Thiès. Il finit le lycée en juin 1960, ayant obtenu son baccalauréat et fête au village l’indépendance, déclarée le 1er aout 1960.

A la rentrée, il part pour Dakar où il est inscrit en lettres à l’université, alors la seule de toute l’ancienne AOF. Il milite à l’UGEAO (Union générale des Etudiants d’Afrique de l’Ouest). A l’occasion de la venue à Dakar d’Hubert Maga, président du Dahomey, il diffuse avec quelques camarades un tract hostile au régime de parti unique, et à la politique d’absorption en son sein du mouvement étudiant. Le tract parvient à Hubert Maga qui exige alors de Senghor l’arrestation des coupables. Joseph Olabiyi Yaï est arrêté ainsi que ses camarades, emprisonné –il fera trois mois de prison- jugé et condamné à trois mois avec sursis. Leur avocat est Maitre Abdoulaye Wade, le futur président de la République du Sénégal. Mais Maga demande leur extradition. Les jeunes gens s’enfuient alors jusqu’au Mali de Modibo Keita, où se retrouvent nombre de réfugiés politiques, comme le fondateur du PAI, Majhemout Diop ou Tidiane Baïdy Ly. Ils pensent un moment gagner l’Algérie mais la frontière en est alors –provisoirement - fermée. Ils partent donc pour la France, à l’été 63. Olabiyi Yaï vit d’abord de petits boulots. Mais un évènement va bientôt changer la donne : le renversement à l’automne 1963 d’Hubert Maga. Il peut désormais obtenir une bourse et a le choix entre la bourse française du Fonds d’aide à la coopération (FAC) et une bourse de Dahomey. Il préfère la bourse FAC, méfiant devant l’instabilité politique dahoméenne. Il peut ainsi poursuivre plus confortablement le cursus qui le mène à l’obtention d’une licence de lettres à la Sorbonne, en 1964 et à un certificat de linguistique, en 1965. Depuis son arrivée, il milite à l’Association des étudiants dahoméens (AED) et à la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France (FEANF) dont il devient vice-président aux Affaires culturelles en 1966. Ses intérêts militants et universitaires sont alors étroitement mêlés. Il est hispanisant et suit des cours à l’Institut des hautes études d’Amérique latine, où il a entendu Nicolas Guillen ou Carlos Fuentes. Mais il s’intéresse aux langues africaines, en particulier au Yoruba, sa langue maternelle, à sa promotion et à son devenir. Il part à Cuba en 1965 avec une délégation de la FEANF. Ce qui l’intéresse particulièrement dans ce voyage, ce sont les racines africaines de Cuba. Mais le discours dominant dans l’ile est celui de la « cubanité » et, même s’il peut discuter avec quelques afro-cubains, il lui est difficile de mener cette recherche. Il espère obtenir une bourse de Cuba mais ses projets sont contrecarrés par la méfiance des Cubains à l’égard d’une FEANF de plus en plus distante de Moscou et admirative du modèle chinois. Les bourses pour Cuba, accordées en un premier temps à quelques militants, sont finalement annulées. C’est aussi au vu de cet ensemble de circonstances qu’il ne finira pas un doctorat dont le thème portait sur les influences réciproques de l’espagnol cubain et du Yoruba. Il publiera néanmoins, en 1976, un article intitulé : "Influence Yoruba dans la poésie cubaine : Nicolas Guillen et la tradition poétique Yoruba".

Il revient en 1966 au Dahomey et y enseigne au lycée Victor Ballot devenu lycée Behanzin. Il obtient une bourse de la société ouest-africaine de linguistique qui lui permet de repartir, cette fois à Ibadan, au Nigéria qui est alors une référence mondiale en matière de linguistique. Il y soutient l’équivalent d’un Diplôme d’Etudes Approfondies (DEA). A partir de 1970, il enseigne aussi à l’université du Bénin qui vient d’être créée. Il vit entre les deux pays. Parallèlement, il participe aux travaux de l’UNESCO et aux diverses commissions de travail sur les langues africaines, à Yaoundé, à Bamako, à Dar-Es-Salaam, à Conakry. Il s’agit de standardiser les alphabets, l’orthographe. Lui-même réalise un syllabaire pour le Fon. Il milite en faveur de l’alphabétisation des enfants en langues africaines, et pour que l’on écrive dans ces langues.

En 1972, il est recruté par l’université d’Ibadan comme assistant. Il continue à vivre entre le Nigéria et le Bénin où, profitant des intentions proclamées du régime marxiste-léniniste de Mathieu Kérékou en matière de promotion des langues africaines, il dirige en 1976-77 la première maîtrise de langue africaine. Il voyage aussi sur invitation des universités, à Tokyo, à Birmingham, jusqu’à ce qu’il soit recruté par l’université de Floride où il reste de 1987 à 1998. Il en dirige le département de langues africaines et asiatiques. Il est alors très distant d’une révolution béninoise dont il n’estime guère les promoteurs qui n’auraient lu « que quelques plaquettes de Mao ».

Il envisage par ailleurs une carrière de fonctionnaire international et écrit à Mathieu Kérékou pour lui faire part de sa disponibilité en cas de poste vacant. Quand se libère le poste d’ambassadeur auprès de l’UNESCO, ce sont ses anciens étudiants, devenus Ministres, qui proposent son nom. A l’UNESCO, en tant qu’ambassadeur, il est membre du Comité du patrimoine mondial, du Comité du Fonds international pour la promotion de la culture (FIPC), du Comité scientifique international du projet Route de l’esclave, du jury pour la désignation des chefs-d’œuvre de patrimoine oral et immatériel ainsi que pour le Melina Mercouri et Simon Bolivar prix, membre du conseil d’administration du Fonds africain du patrimoine mondial (AWHFD), président de la Commission Culture de l’UNESCO du G77, de la Commission IV (Culture) de la 32e session de la Conférence générale (2003) et vice-président du Conseil exécutif (2001-2003). Il y mène la « bataille du patrimoine immatériel », fidèle en cela à son engagement envers les langues africaines, qui trouve une issue avec la convention de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine immatériel. Il contribue aussi, avec Alpha Sow à la création d’une chaire de Yoruba aux langues O.

Joseph Olabiyi Yaï a 3 filles et un garçon qui vivent tous aux Etats-Unis. Il a été marié 3 fois.

Cette trajectoire témoigne d’une forte fidélité à un engagement. Et cet engagement est, non point politique mais culturel – mais le culturel n’est-il pas aussi politique ? - , en faveur des langues africaines. Il y a comme un fil rouge, de la FEANF qui avait à cœur la promotion du patrimoine culturel de l’Afrique et dont Joseph Olabiyi Yaï fut justement vice-président aux affaires culturelles, au conseil exécutif de l’UNESCO et à la convention sur le patrimoine immatériel de l’humanité. Un engagement qui, par bien des côtés, ressemble à celui du Sénégalais Cheikh Anta Diop, dans la génération précédente, ou à celui du guinéen Alpha Sow.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article174884, notice YAÏ Joseph Olabiyi par Françoise Blum, version mise en ligne le 5 août 2015, dernière modification le 20 août 2015.

Par Françoise Blum

Oeuvres : Influence Yoruba dans la poésie cubaine : Nicolas Guillen et la tradition poétique Yoruba [S. l. ?], [1976 ?] Extr. de : C. Am. XLII. 6. 1976. 641-658
Ethnonymie et toponymie africaine : réflexions pour une décolonisation, UNESCO, 1978, 56p.
Yoruba - English, English - Yoruba concise dictionary>/I>, New York, Hippocrene books, 1996, 257p.

Sources : Entretien avec Joseph Olabiyi Yaï , juillet 2015, Calavi (Bénin)

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