VIGNON Marceau, Gustave, Gaston

Par BIGORGNE Didier

Né le 18 août 1909 à Béthune (Pas-de-Calais), mort le 22 mai 2005 à Charleville-Mézières (Ardennes) ; avocat ; résistant, membre du Comité départemental de Libération des Ardennes en 1945 ; militant socialiste, délégué à la fédération et à la rédaction du Socialiste Ardennais (1934-1937) ; maire adjoint de Charleville (1935-1940, puis 1944-1945).

Marceau Vignon était le fils d’Edmond Louis Vignon, un batelier qui devint comptable, et de Léa Martiaux, couturière. A l’âge de quatorze ans, il sauta dans le canal de Béthune pour sauver des eaux les passagers d’une voiture à cheval. Il arriva en 1928 dans les Ardennes en qualité de maître d’internat au collège Turenne de Sedan, emploi qui se transforma rapidement en celui de professeur adjoint de philosophie dans le même établissement. Pendant ces années, il poursuivit des études de droit à la Faculté de Paris où il obtint sa licence en 1932. Après son service militaire qu’il effectua à Sedan et à Verdun, il prêta serment devant la cour d’appel de Nancy en 1934 et s’inscrivit comme avocat stagiaire au barreau de Charleville.

Marceau Vignon naquit dans une famille ouvrière de vieille tradition syndicale et socialiste. Dans l’entre deux-guerres, son père fut secrétaire du syndicat de la batellerie pour la région de Béthune et siégea à la commission administrative de l’UD-CGT du Pas-de-Calais jusqu’en 1935. Dans le même temps, il fut secrétaire fédéral adjoint du Parti socialiste SFIO du Pas-de-Calais (1921-1924), puis trésorier fédéral (1924-1929).

Ce fut tout naturellement que Marceau Vignon adhéra au Parti socialiste SFIO. Il accéda rapidement à des responsabilités importantes au sein de la fédération des Ardennes. Membre de la commission de propagande depuis le 29 janvier 1933, il entra à la commission exécutive le 8 février 1934 et devint délégué à la rédaction du Socialiste Ardennais, à la fédération et au Conseil national en remplacement de Jacques Bozzi *. Il siégea à la commission exécutive jusqu’au 26 mai 1938, mais il abandonna ses autres fonctions en 1937 au profit de Charles Boutet * qui avait perdu son siège de député l’année précédente.

Par ses articles et ses actions, Marceau Vignon exprima une nouvelle tendance au sein de la fédération SFIO des Ardennes à partir de 1934. Il fut l’un des principaux artisans du rapprochement entre socialistes et communistes. Il participa à maintes manifestations antifascistes et dirigea, avec le communiste Pierre Lareppe *, des meetings communs en 1935. Il assista notamment le 11 novembre 1935 à Nouzonville, dont le maire était Lareppe*, à l’inauguration de la place Henri Barbusse* pourtant interdite par le préfet des Ardennes.

Marceau Vignon représenta son parti à l’élection législative partielle des 28 octobre- 4 novembre 1934 dans la circonscription de Sedan. Il obtint 2563 voix sur 15947 inscrits et 13087 votants au premier tour. Malgré les soutiens de Léon Blum* et de Paul Faure* qui se déplacèrent dans les Ardennes, il échoua au second tour en recueillant 6218 suffrages sur 13213 votants. Le Parti socialiste SFIO renouvela sa confiance à Marceau Vignon lors des élections législatives d’avril-mai 1936. Bien que largement favori, il fut éliminé au premier tour avec 2721 voix sur 16370 inscrits et 13972 votants ; il se désista en faveur du radical-socialiste Gabriel Delattre qui fut élu au scrutin de ballottage. Entre temps, Marceau Vignon avait été élu conseiller municipal de Charleville sur la liste socialiste SFIO qui remporta une victoire totale le 12 mai 1935. Il devint alors quatrième adjoint au maire Charles Boutet*.

Le 27 septembre 1938, Marceau Vignon épousa la fille d’un agent d’assurances, Ema Petitqueux, sans profession, à Charleville. Mobilisé en 1939, il fut affecté à la 52ème division d’infanterie, puis réformé suite à une grave opération consécutive à un ulcère à l’estomac. En 1940, il aida à l’évacuation de la population ardennaise et assura son accueil et sa défense sur place, en Vendée et dans les Deux-Sèvres.

Pendant l’Occupation, Marceau Vignon fut l’avocat des instituteurs révoqués par le gouvernement de Vichy. Parlant couramment la langue allemande, il défendit les résistants devant les conseils de guerre nazis, à Charleville et à Nancy. Toujours à l’écoute des agissements allemands, il entra en contact avec le mouvement de résistance Libération-Nord pour apporter son soutien aux Juifs belges originaires d’Anvers parqués aux Mazures (Ardennes) et employés comme bûcherons dans les bois, puis il contribua à l’organisation d’une filière d’évasion. Son engagement dans la lutte clandestine contre l’occupant allemand valut à Marceau Vignon de nombreuses distinctions : la croix de guerre 1939-1945, la médaille de la Résistance et la croix du combattant volontaire de la Résistance.

En septembre 1944, Marceau Vignon retrouva son poste de maire adjoint à Charleville. Par contre, il ne figura pas sur la liste républicaine d’Union démocratique composé en majorité de socialistes et de communistes et conduite par le maire sortant Jacques Bozzi * qui remporta la victoire aux élections municipales du 29 avril 1945. Entre temps, Marceau Vignon avait participé à la reconstitution de la fédération socialiste SFIO des Ardennes. Le 4 octobre 1944, il fut nommé membre de la commission administrative provisoire. Lors du congrès fédéral du 5 novembre suivant, il fut élu à la commission exécutive. Après l’exclusion de Pierre Sorton * du Parti socialiste SFIO le 5 août 1945, Marceau Vignon le remplaça au Comité départemental de Libération des Ardennes jusqu’à sa dissolution en octobre 1945. Au congrès départemental de la fédération socialiste SFIO du 14 janvier 1946, il fut désigné membre de la commission des conflits. Il cessa de militer en 1947 et se classa parmi les socialistes spiritualistes.

Marceau Vignon se consacra à d’autres tâches. Le 7 avril 1945, il participa à la constitution de l’Association nationale des victimes du nazisme dans les Ardennes et fut désigné membre du comité d’honneur. Le 20 septembre suivant, il assista au premier congrès départemental des internés et déportés politiques des Ardennes et entra au comité directeur de la section ardennaise. Plus tard, il devint président de la commission régionale des crimes de guerre. Marceau Vignon milita aussi pour une nouvelle cause, celle des sinistrés de guerre ; son activité le porta rapidement à la présidence de la Fédération ardennaise des sinistrés. Enfin, il continua son métier d’avocat pour devenir un ténor du barreau en spécialiste des affaires pénales et criminelles ; il exerça jusqu’à l’âge de soixante-quinze ans.

Divorcé depuis le 15 octobre 1942, Marceau Vignon épousa en secondes noces, Solange Coquériaux, sans profession, le 23 avril 1943 à Charleville ; de cette union naquirent trois enfants (une fille et deux garçons). A la retraite, Marceau Vignon garda la passion de son métier d’avocat. Il parcourut le pays pour donner des conférences sur les grands procès. Il continua aussi de pratiquer son sport favori, la voile. Vainqueur dans sa jeunesse de la course en mer à la nage, Dunkerque-Grand Fort Philippe, il était titulaire de la médaille de sauvetage pour avoir assuré quatre secours en mer et en rivière. Il fut promu officier de la Légion d’honneur en 1985.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article174900, notice VIGNON Marceau, Gustave, Gaston par BIGORGNE Didier, version mise en ligne le 3 septembre 2015, dernière modification le 4 septembre 2020.

Par BIGORGNE Didier

SOURCES : Arch. Dép. Ardennes 3M5, 8 et 9 — Le Socialiste Ardennais, 1934 à 1938 — Le Réveil Ardennais, 1944 à 1947 — L’Ardennais, 1er octobre 1985, 29 mars 1990 et 11 février 2001 — Notice DBMOF — Renseignements communiqués par l’intéressé — Etat civil de Béthune et de Charleville-Mézières.

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