ROSIER Armand, Émile

Par Gérard Boëldieu

Né le 22 janvier 1913 à Duneau (Sarthe), mort le 19 septembre 2005 au Mans (Sarthe) ; petit cultivateur, non-propriétaire devenu propriétaire, à Saint-Michel-de-Chavaignes (Sarthe) de 1935 à 1972 ; militant communiste dans la Sarthe ; syndicaliste ; conseiller municipal de Saint-Michel-de-Chavaignes de 1959 à 1989 (Adjoint au maire de 1977 à 1983) ; député-suppléant de 1962 à 1968.

Armand Rosier
Armand Rosier

Armand Émile Rosier était le fils aîné d’Armand Adolphe Rosier et d’Émilienne Papillon, petits cultivateurs non propriétaires à Saint-Michel-de-Chavaignes. À la tête de l’exploitation dite « Le Bois du Lucas », d’une superficie d’une dizaine d’hectares, Armand Adolphe, père de trois garçons, avait succédé au lendemain de la Grande guerre à son beau-père dont il avait été l’aide de culture. En 1935, à la veille de se lancer dans la le commerce de graines, il la confia à Armand Émile de retour du service militaire, époux, depuis le 12 novembre 1934, de Georgina Marcelle, Hamelin, fille de cultivateurs de Saint-Michel-de-Chavaignes. Le couple eut 7 enfants (2 garçons, l’aîné et le dernier, et 5 filles). En 1949, passant outre les réticences paternelles en matière d’endettement personnel, Armand Émile Rosier contracta un emprunt pour acquérir cette exploitation.

Politiquement radicalisant, son père recevait le journal La République dirigé par Émile Roche, radical anticommuniste, opposant notoire au Front populaire.

La période de trois ans, à partir de janvier 1937, au cours de laquelle Armand Émile Rosier soigna une tuberculose, constitua un tournant dans sa vie. Contraint au repos complet, pendant que son frère et un oncle maternel aidaient la famille sur l’exploitation, il en profita, soucieux de s’instruire, pour lire « tout ce qui (lui) tombait sous la main » (dont des écrits marxistes) ce qui contribua, confia-t-il, à lui ouvrir l’esprit sur le monde et l’amena « à réfléchir », en particulier sur « l’individualisme et l’égoïsme des gens ». Pendant l’Occupation, il se tint toutefois à l’écart : « Je n’ai pas été mêlé aux affaires de la Résistance ».

En janvier 1945, il adhéra au Parti communiste à l’issue d’une réunion de cellule à Saint-Michel-de-Chavaignes à laquelle il avait assisté « sans être sollicité », selon ses propres termes. En 1947 il participa à une école fédérale au Mans. Dès lors, il accéda à des responsabilités tant au plan local qu’au niveau départemental. Secrétaire de sa cellule et de sa section dès 1947, il rayonna dans le canton de Bouloire, celui de sa résidence, et au-delà, jusqu’aux environs de Saint-Calais. En 1949, lors de la restructuration de la fédération sarthoise du PCF, Robert Jarry devenant durablement secrétaire général, il entra au comité fédéral et au bureau fédéral. Dans cette dernière instance il avait en charge le secteur « paysan ». S’il siégea continûment au comité fédéral, il ne paraît pas en avoir été ainsi au bureau fédéral. Il fut délégué à plusieurs congrès nationaux du PCF. Dans le cadre du PCF, il eut l’occasion d’aller dans plusieurs pays de l’Est : Hongrie, Bulgarie, RDA, URSS.

Rosier participa aux grandes campagnes du PCF, entre autres contre la guerre d’Indochine (ce qui lui valut quelques démêlés, sans suites judiciaires, avec la gendarmerie de Bouloire dans la nuit des 23-24 avril 1951, à la veille d’une tournée préfectorale) puis contre la guerre d’Algérie. Robert Jarry tenait à l’avoir à ses côtés lors de manifestations contre les saisies-ventes touchant de petits paysans, comme à Requeil (Sarthe) en 1952. Au début de 1955, au « Bois du Lucas » fut enregistrée une émission de la série “ Ce soir en France “, diffusée par Radio-Prague, à laquelle sa famille participa (une de ses filles y chanta) ainsi que Lucien Barnier et Jean Le Lagadec, journalistes à l’Humanité. Militant très actif dans son secteur géographique, Armand Rosier s’y signala comme grand diffuseur de la presse communiste en général et plus particulièrement de La Terre. En 1965, il remporta le concours d’abonnements organisé par ce journal. Le premier lot était une automobile Fiat 500, qu’il vendit. En 1967-68 il gagna un des premiers lots de consolation, un téléviseur, qu’il garda.

Réputé grand propagandiste et reconnu dans sa fédération comme un des plus aptes à expliquer la politique agraire du PCF aux petits paysans et aux ouvriers agricoles sarthois de toutes nuances politiques avec lesquels il avait beaucoup de contacts, au point d’acquérir parmi certains de son arrondissement une réelle popularité, et ainsi de rallier des suffrages, Rosier fut porté candidat à pratiquement tous les scrutins, tant nationaux que locaux, des années 1950 aux années 1970. Sous la IVe République, aux élections législatives de 1951 puis de 1956, son nom figura sur la liste des cinq candidats communistes conduite par Robert Manceau*, député depuis 1946 : en deuxième position en 1951, à la troisième en 1956. Réélu en 1951, Manceau fut battu en 1956, victime du système des apparentements qui avantagea une fraction de la droite. Aux trois premiers scrutins législatifs de la Ve République, Robert Manceau étant présenté dans la deuxième circonscription, Le Mans-Saint-Calais, celle d’Armand Rosier précisément, ce dernier fut choisi pour devenir son suppléant éventuel. Battus en 1958, les deux hommes l’emportèrent aux renouvellements de 1962 et 1967. À tort ou à raison, aux deux renouvellements suivants, dans la même circonscription, en 1968 et en 1973 surtout car l’écart des voix n’était que de 104 voix, l’opinion publique mit la défaite de Manceau, devancé par Jacques Chaumont, gaulliste, au compte du fait que dans le rôle de suppléant, Rosier avait été remplacé par Robert Jarry, considéré comme un “homme d’appareil“, ce qui aurait déplu à nombre d’électeurs paysans. Dans le même temps, Rosier fut dans la Sarthe un des trois candidats communistes malheureux aux élections sénatoriales de 1952 (placé en deuxième position), juin 1958 (toujours en deuxième position), avril 1959 (en dernière position), septembre 1968 (tête de liste).

Candidat à Bouloire aux élections cantonales de 1951, 1958, 1964 et 1970 Rosier affronta Ferdinand Rondeau (SFIO), un maréchal-expert, maire de Saint-Mars-de-Locquenay, élu en 1945, au deuxième tour avec le soutien des communistes, réélu jusqu’à sa mort en 1964, ensuite Louis-Ladislas du Luart (modéré), un châtelain, maire de Coudrecieux, conseiller général de 1965 à 1977, décédé en 1980.

Aux élections municipales de 1953, Rosier mena à Saint-Michel-de-Chavaignes une liste qui n’eut aucun élu. En 1959, il entra au conseil municipal, candidat et élu au second tour à l’occasion d’un ballottage (imprévu) pour un siège. Selon la préfecture, la municipalité se composait alors d’1 communiste, de 4 SFIO, de 4 radicaux, d’1 MRP, de 6 modérés. Par la suite, à chaque scrutin jusqu’en 1989, Rosier fut réélu sur la liste de la mairie. De 1977 à 1983, il fut adjoint au maire.

Ce succès électoral local peut être mis en grande partie au compte d’initiatives prises par Rosier dans son domaine professionnel, avec le soutien et l’aide d’amis, certains éloignés de lui politiquement. À Saint-Michel-de-Chavaignes, il fut secrétaire d’un comité de lutte contre la tuberculose des bovins. En avril 1947, il impulsa la constitution d’une coopérative d’utilisation du matériel agricole (CUMA). Il en rédigea les statuts en partenariat avec son camarade Pierre Combe*, ingénieur des Services agricoles de la Sarthe. À son conseil d’administration, qu’il présida, il fut le seul communiste. Rosier adhéra à la Confédération générale agricole (CGA) dès sa fondation à la Libération. Président puis délégué cantonal, il accéda en 1967 au bureau de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA), élu deuxième vice-président. En conflit avec la FNSEA et la FDSEA, il contribua, à partir de 1969, à l’implantation du Mouvement de défense des exploitants familiaux (MODEF) dans la Sarthe. Il en devint le président départemental. Aux élections pour les chambres d’agriculture de mai 1970, le MODEF, surtout présent dans l’est de la Sarthe, obtint plus de 50 % des voix dans l’arrondissement de Saint-Calais. Une fois à la retraite, Rosier s’impliqua dans la gestion de la caisse locale de la Mutuelle sociale agricole (MSA).

À deux reprises, Armand Rosier fut publiquement honoré par la fédération sarthoise du PCF : le 28 avril 1963, aux côtés de Robert Manceau et de Germaine Guesnay* à l’occasion de leur 50e anniversaire ; le 20 juin 1987, lors du lancement de la campagne présidentielle en faveur d’André Lajoinie, responsable de la commission « agriculture » du PCF, ancien directeur de La Terre. Ce jour-là, en présence de Martine Bulard, membre du Comité central et journaliste à l’Humanité, hommage fut rendu à l’actif militant paysan, tout particulièrement au grand diffuseur de la presse communiste.

Aucun des enfants d’Armand Rosier ne reprit l’exploitation des parents. Lui-même ne les encouragea pas en ce sens. Estimant que “l’avenir“ était synonyme “d’instruction“, ce qui n’était pas si fréquent alors dans le monde paysan, il les incita à poursuivre des études au-delà du cycle primaire. Le fils aîné, après avoir suivi des cours de la chambre d’agriculture, devint gérant de coopérative. La plus âgée des filles suivit une formation professionnelle relative à la petite enfance ; une autre fréquenta une école de chimie à Bourges et devint laborantine ; les trois autres, après l’obtention du baccalauréat, préparé comme élèves-internes au lycée de jeunes filles du Mans, devinrent institutrices publiques, d’abord remplaçantes puis titulaires. Le second fils, dernier enfant, lycéen-interne, de la classe de sixième à la terminale, au lycée de garçons du Mans, reçu au baccalauréat au début des années 1970, entra au Centre communal d’action sociale (CCAS). Au titre de la FCPE, son père, à une époque où il était plutôt rare de voir un paysan délégué de parents dans un lycée urbain, siégea au conseil de certaines de ses classes.

Sur le faire-part de décès rédigé par la famille et paru dans la presse locale, on lit qu’Armand Rosier légua son corps à la science.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article174957, notice ROSIER Armand, Émile par Gérard Boëldieu, version mise en ligne le 10 août 2015, dernière modification le 10 avril 2016.

Par Gérard Boëldieu

Armand Rosier
Armand Rosier
Septembre 1965 au Bois du Lucas à Saint-Michel-de-Chavaigne (Sarthe).
Septembre 1965 au Bois du Lucas à Saint-Michel-de-Chavaigne (Sarthe).
Remise
des clés de la Fiat 500, premier lot du concours d’abonnements au journal La Terre
cette année-là.
De gauche à droite : Marcel Roucaute, directeur de La Terre ; Georgina Rosier née
Hamelin ; Armand Rosier, l’époux de la précédente ; Robert Jarry, secrétaire général
de la Fédération sarthoise du PCF. (La fillette n’est pas de la famille d’Armand Rosier)
Photo prise lors d’une fête de la Fédération sarthoise du PCF (dans les années 1960 certainement).
Au premier rang, de droite à gauche : X ; Armand Rosier (avec les sandalettes) ; Germaine Guesnay ;
X ; Waldeck Rochet ; Pierre Combe ; Robert Manceau (qui se gratte le cou) ; Claude Martel ; X.
Au second rang on reconnait Jeannine Rouxin.

SOURCES : Arch. de la mairie de Duneau. — Arch. dép. de la Sarthe : listes nominatives de Saint-Michel-de-Chavaignes de 1906, 1911, 1921, 1926, 1931, 1936 ; 660 W 97 Rapports mensuels du préfet de 1955 ; 11 W 50 Correspondance administrative, canton de Bouloire, 1959-1969. — L’Aurore sarthoise, Les Nouvelles de la Sarthe, Sarthe-Nouvelle, organes successifs de la fédération sarthoise du PCF. — Presse quotidienne locale (sur les élections ; sur le syndicalisme agricole). — Robert Jarry, Les communistes au cœur des luttes des travailleurs sarthois, 1920-1970, 2 tomes édités par la Fédération Sarthoise du Parti Communiste Français, 1970. — Jean Kervella, Robert Manceau, éditions Messidor, 1990. — Le Maine Libre du 22 juin 1987 (« Parti communiste. Réunion autour d’Armand Rosier). —Michel Rosier : « Entretien avec Armand Rosier », La Vie mancelle, n° 254, janvier-février 1987 (Les citations proviennent de cet article). — « Armand Rosier, militant agricole et communiste », Le Maine Libre du 24 septembre 2005 (Notice nécrologique). — Entretien avec Chantal, Rose et Bruno, les trois derniers enfants d’Armand Rosier, le samedi 8 août 2015. — Notes de Claude Pennetier.

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