Par Paul Boulland
Né le 21 juin 1944 à Poilley (Manche) ; électro-thermicien EDF ; syndicaliste CGT de région parisienne, secrétaire de la Fédération CGT de l’Énergie (1979-1989), membre de la commission exécutive confédérale (1982-2003), membre du bureau confédéral de la CGT (1985-1999), directeur de la Vie ouvrière (1992-1999), président de l’UISTE (1985-1994), co-président de l’OIEM ; administrateur d’EDF (1979-1984) ; militant communiste, membre du comité central (1985-2000) et du bureau politique (1987-1996) du PCF.
Issu d’un milieu modeste, François Duteil était l’aîné d’une famille de neuf enfants. Ses parents exploitaient une petite ferme à Poilley, au sud de la Manche, et son père effectuait des travaux de charronnerie. Au milieu des années 1950, la famille quitta la ferme pour s’établir dans le centre du village. Son père continua dès lors à travailler comme charron puis devint ouvrier du bâtiment. François Duteil grandit dans un milieu catholique mais non pratiquant et étranger à toute pratique syndicale ou politique. Après sa scolarité primaire, il entra au cours complémentaire, comme boursier. Il obtint le BEPC puis effectua une année au lycée d’Avranches (Manche), avant d’intégrer l’école nationale des métiers EDF de Gurcy-le-Châtel (Seine-et-Marne), en avril 1961 (41e promotion). À l’issue du cursus de dix-huit mois à Gurcy, il effectua une année de perfectionnement dans sa spécialité de thermicien. En novembre 1963, il fut appelé au service militaire dans l’armée de l’Air. Après ses classes à Auxerre (Yonne), il fut affecté à Avord (Cher), où il travailla à la centrale électrique de la base aérienne.
François Duteil intégra EDF le 10 mars 1965, à la centrale thermique de Saint-Ouen (Seine, Seine-Saint-Denis). Il adhéra aussitôt à la CGT et prit part aux activités de la commission des jeunes syndiqués. Lors du XXIIIe congrès de la Fédération CGT (Le Havre, avril 1966), il fit partie de la délégation des jeunes adhérents du Groupement régional de la production thermique (GRPT) de région parisienne. Dès cette époque, il intégra le sous-comité mixte à la production, à l’initiative de Pierre Védrine, et il effectua un premier stage de formation syndicale. Parallèlement, il s’investit également sur le terrain interprofessionnel, comme membre de la commission exécutive de l’Union locale de Saint-Ouen. Au cours de ses premières années de travail, il suivit des cours du soir au Conservatoire national des Arts et métiers (CNAM).
À partir de 1967, François Duteil cumula rapidement les responsabilités syndicales. À la centrale de Saint-Ouen il fut secrétaire de la section syndicale, de la commission secondaire et du comité mixte à la production. Parallèlement, il intégra le bureau du syndicat EDF de la région parisienne. Au niveau local, il fut élu au secrétariat de l’UL-CGT de Saint-Ouen et membre de la commission exécutive de l’Union départementale CGT de Seine-Saint-Denis, fondée suite à la création des départements de banlieue parisienne et dirigée alors par Christian Foucher, également agent EDF. François Duteil participa aux mobilisations de mai-juin 1968 dans ces diverses responsabilités, et notamment à l’occupation de la centrale de Saint-Ouen par ses agents. Dans le prolongement du mouvement, à la demande de Pierre Delplanque, il fut détaché auprès du syndicat de la région parisienne, d’abord à mi-temps pour quelques mois puis à temps plein à partir du 1er janvier 1969.
En tant que secrétaire du syndicat de la région parisienne, François Duteil participa aux activités du Centre fédéral de la jeunesse (CFJ), alors sous la responsabilité de Pierre Campagnac. En 1971, à nouveau sur proposition de Pierre Delplanque, il quitta le syndicat pour accéder à des responsabilités fédérales, en tant que dirigeant du Centre fédéral de la jeunesse, également chargé de la formation syndicale et de la Commission nationale supérieure du personnel (CNSP) d’EDF-GDF. Lors du XXVe congrès de la Fédération de l’Énergie (Antibes, mars 1972), François Duteil fut élu à la commission exécutive et au bureau fédéral. Au congrès suivant (Vichy, novembre 1975), il intégra le secrétariat fédéral. Toujours chargé du CFJ et de la CNSP, il fut d’abord responsable de l’action parmi diverses catégories d’agents (femmes, jeunes, inactifs), puis, au départ de Claude Duret pour le secteur organisation de la confédération CGT, il remplaça celui-ci comme secrétaire à l’organisation. Au gré de ces visites auprès des syndicats de l’ensemble du territoire, cette responsabilité lui permit de nouer de nombreux liens avec les militants de la fédération.
Le XXVIe congrès de la Fédération marquait la fin du mandat de secrétaire général de Roger Pauwels. Pour sa succession, ce dernier soutenait la candidature d’Henri Maupoil, membre du secrétariat fédéral. Toutefois, cette proposition rencontra les réticences de Pierre Delplanque puis de Jean Thomas, qui soutinrent pour leur part la candidature de François Duteil. Soumise au vote du bureau fédéral puis de la commission exécutive, cette seconde proposition fut soutenue par la majorité de la fédération. François Duteil fut ainsi élu secrétaire général de la Fédération CGT de l’Énergie au congrès du Touquet, en juin 1979. Il conserva ce mandat durant dix ans, jusqu’à son remplacement par Denis Cohen à l’issue du XXXe congrès (Caen, juin 1989). À partir de 1979, François Duteil représenta sa fédération au conseil d’administration d’EDF, responsabilité qu’il dut quitter en 1984 lorsque ce mandat fut dissocié des fonctions revendicatives par la nouvelle législation.
Sur le plan international, François Duteil succéda en 1981 à Pierre Delplanque comme responsable du Comité de coordination consultatif des syndicats européens de l’Énergie dont l’un des objectifs était d’organiser tous les deux ans une conférence internationale. En 1985, lors de la création de l’Union internationale des syndicats des travailleurs de l’Énergie (UISTE), à Prague, François Duteil en fut élu président. En 1994, les énergéticiens rejoignirent l’Organisation internationale des mineurs (OIM), pour fonder l’Organisation internationale de l’énergie et des mines (OIEM) dont François Duteil devint le co-président avec Arthur Scargill, leader syndical des mineurs britanniques.
François Duteil accéda également à des responsabilités au niveau confédéral. En tant que responsable du CFJ, il avait déjà pris part aux activités du Centre confédéral de la jeunesse (CCJ), dont il fut secrétaire durant cinq ans. Dans cette activité, il avait eu l’occasion de côtoyer Georges Séguy. Ce dernier avait souhaité l’élection de François Duteil à la commission exécutive confédérale dès le XLe congrès de la CGT (Grenoble, décembre 1978), dans la perspective de son arrivée à la tête de la fédération. François Duteil fut finalement élu à la commission exécutive confédérale à l’occasion du XLIe congrès de la CGT (Lille, juin 1982). Il intégra le bureau confédéral au congrès suivant (Montreuil, novembre 1985). Souhaitant prendre le temps de préparer sa succession à la tête de la fédération, il mena de front ses responsabilités de secrétaire général et de secrétaire confédéral, jusqu’en 1989, Claude Bonnet, secrétaire général adjoint, assurant l’intérim lorsque cela était nécessaire. Jusqu’en 1992, il fut chargé du secteur politique et action revendicative de la confédération.
Membre du Parti communiste depuis 1966, François Duteil avait participé aux activités de la cellule de la centrale de Saint-Ouen à la fin des années 1960 et fut membre du comité de la section PCF de Saint-Ouen jusqu’en 1972. Par la suite, il n’occupa plus de responsabilités dans l’organisation du PCF durant une longue période mais prit part aux activités de la commission de l’énergie, autour de René Le Guen. À ce titre, il publia plusieurs articles dans la revue Économie et politique, sous le pseudonyme de « François Leduit ». Il fut dès lors surpris d’apprendre qu’il était proposé au Comité central du Parti communiste, à l’occasion de son XXVe congrès (Saint-Ouen, février 1985). Selon le témoignage de François Duteil, cette proposition émanait de Georges Séguy. À l’issue du congrès suivant (Saint-Ouen, décembre 1987), il fut élu au bureau politique du PCF, où siégeaient également deux autres membres du bureau confédéral de la CGT, Henri Krasucki et Louis Viannet. Au sein du bureau politique, il fut entre autres chargé de suivre l’activité de la fédération de la Drôme et des régions Lorraine et Normandie.
Selon François Duteil, si sa double position de secrétaire confédéral et de membre du bureau politique du PCF lui valut, à la fin des années 1980, d’être présenté dans la presse comme un possible successeur d’Henri Krasucki, il n’envisagea pas lui-même cette perspective et soutint l’élection de Louis Viannet en 1992, puis celle de Bernard Thibault en 1999. À l’issue du XLIVe congrès de la CGT (Montreuil, janvier 1992), qui vit l’élection de Louis Viannet au poste de secrétaire général, François Duteil devint directeur de la Vie ouvrière. Il accompagna les transformations du journal, devenu l’hebdo de l’actualité sociale, la Vie Ouvrière-CGT, mais dut aussi affronter ses difficultés croissantes, symbolisées par la vente des locaux de la rue Bouret (XIXe arr.) et la suppression de plusieurs emplois. Au cours de cette période, il fut également vice-président de l’Agence centrale de publicité, présidée par Roland Leroy.
Souhaitant signifier l’autonomie croissante de la CGT, Louis Viannet quitta le bureau national du PCF à l’occasion de son XXIXe congrès (La Défense, décembre 1996). François Duteil fit de même mais continua de siéger au comité national. Peu à l’aise dans les débats internes qui se développaient alors au sein de la direction du parti, il quitta cette responsabilité en 2000. Dans le même temps, François Duteil quitta le bureau confédéral de la CGT à l’issue du XLVIe Congrès (Strasbourg, février 1999) mais continua d’appartenir à la commission exécutive confédérale jusqu’en 2003. Il fut notamment chargé de la coordination des secrétaires régionaux et de participer à l’évolution du siège de la confédération à Montreuil.
Depuis sa création en 2002, François Duteil est président de l’Institut d’histoire sociale CGT Mines-Énergie.
Marié depuis décembre 1967, François Duteil est père d’une fille.
Par Paul Boulland
SOURCES : Force information n°242, mars 1976. Force militant, n° 326 (février 1983), 359 (juin 1986), 397 (novembre 1989). — Force spécial congrès n°1-4 (1986). — Cahiers de l’IHSME . — Presse nationale. —D. Labbé, La CGT : organisation et audience, 1945-1995. Documents, IEP de Grenoble, 1995. — R. Gaudy, Les porteurs d’énergie, tomes 1 et 2, Paris, Le Temps de cerises, 2009. — Entretien avec François Duteil, mars 2012.