ROUCAUTE Josette [née BOUSQUET Josette, Juliette, Marie, devenue LAURENSON par adoption]

Par Marc Giovaninetti

Née le 1er août 1923 à Nîmes (Gard), morte le 17 juillet 2022 à Nimes (Gard) ; employée ; militante de l’UJFF, de l’UFF et du PCF dans le Gard, la Seine et la Seine-Saint-Denis ; résistante, déportée ; gérante de la Maison des Métallurgistes à Paris (1954-1974) ; adjointe au maire du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis).

La mère de Josette Bousquet eut trois enfants hors mariage. Habitant Paris, elle ne les abandonna pas mais ne les éleva pas non plus, les confiant aux soins de sa mère, Marie Bousquet, veuve, qui habitait Alès. Quand elle se maria avec un dénommé Laurenson, celui-ci adopta les enfants de son épouse et leur donna son nom. Josette était alors élève à l’école primaire. Son père adoptif prodigua à ses enfants davantage d’affection que leur mère, Josette considérant celle-ci comme « peu maternelle ». Aucun des deux parents n’était engagé politiquement. La grand-mère, en revanche, une ancienne trieuse de charbon sur les carreaux de mine – le grand-père avait été mineur de fond –, avait un tempérament révolutionnaire : « Ne te laisse jamais faire » apprenait-elle à sa petite-fille.

En 1936 la grand-mère discuta dans la rue avec une militante, Antoinette Testu – future épouse Tribes –, qui distribuait des tracts en faveur de grévistes vendeuses de chaussures. Convaincue du bien-fondé de leur lutte et de la sincérité de leur engagement, elle confia à ces premières militantes des Jeunes filles de France sa petite-fille, dont elle avait déjà apprécié le tempérament rebelle et combattif. Josette Laurenson participa dès lors très activement aux campagnes en faveur de l’Espagne républicaine, en collectant du lait notamment. Louis Molinier était alors secrétaire de la fédération du Gard. Josette Laurenson entra dans le même temps en apprentissage comme culottière giletière. En 1939, elle assista à son premier congrès des JFF et y rencontra Danièle Casanova, Marie-Claude Vaillant-Couturier, Henriette Schmidt, Jeannette Vermeersch. Elle se lia avec René Roucaute, le benjamin d’une importante famille communiste bien implantée dans la région, secrétaire régional des Jeunesses communistes. Quand la guerre éclata, les jeunes gens se considéraient comme fiancés.

Prisonnier de guerre en Allemagne, René Roucaute fut rapatrié sanitaire après un grave accident de travail. Il rentra à Alès le jour même où sa fiancée était arrêtée, le 2 mai 1942. Celle-ci, en effet, contactée en 1941 par le cheminot communiste Hippolyte Dalverny, militait très activement dans la clandestinité, en cherchant des planques pour les fugitifs et en menant campagne contre le gouvernement de Vichy et l’occupation allemande de la zone Nord. Quand un certain nombre de leurs camarades jeunes communistes furent condamnés à la peine de mort et exécutés pour des attentats armés, elle tira avec son camarade Paul Courtieu en novembre 1941 un tract titré « Pétain la guillotine » à l’imprimerie du Gard cachée dans un appartement d’Alès. Leur camarade Henri Julien, de Nîmes, lui déconseilla de venir les livrer en vélo comme elle le faisait habituellement. Il lui indiqua un chauffeur de car de confiance à qui elle pouvait confier le paquet. Celui-ci, cependant, au lieu de mettre le paquet en soute le garda à l’intérieur du car, où il fut découvert par un contrôle policier. Arrêté, il finit par parler ; on vint cueillir Josette Laurenson chez sa grand-mère. On la questionna pendant trois jours, à genoux sur une règle de chantier. Elle ne varia pas de sa version, disant qu’elle ignorait tout des tracts, qu’elle vivait seule avec sa grand-mère, qu’un inconnu était venu la voir au café pour lui demander si elle pouvait laisser ce paquet le lendemain dans le car en échange d’une petite rémunération. Un policer, pour la faire parler, commençait à faire mine de vouloir la violer, mais il en fut empêché par le commissaire – qui serait plus tard rentré dans la Résistance. On renonça aux interrogatoires. Elle fut jugée, libérée faute de preuves, mais placée en résidence surveillée fin janvier 1942, pour être arrêtée à nouveau sur dénonciation début mai. D’abord enfermée avec les droits communs à Alès, elle fut transférée à Nîmes, puis à Marseille dans l’ex couvent des Présentines. Condamnée à dix ans de travaux forcés en juillet 1942, elle inaugura l’année suivante la nouvelle prison des Baumettes. De là, elle fut transférée à Rennes en février 1944 pour y être regroupée avec 800 résistantes, communistes pour la plupart, en vue de leur prochaine déportation en Allemagne via le fort de Romainville en banlieue parisienne.

Josette Laurenson survécut un an à Ravensbrück. Là elle connut, entre autres, Juliette Dubois, Lise London, Jacqueline Rigault, déportée avec sa mère, et retrouva Marie-Claude Vaillant-Couturier qui dirigeait la résistance communiste à l’intérieur du camp. Toutes portaient un triangle rouge marqué d’un F. Au cours de la terrible « marche de la mort », quand les SS vidèrent le camp, en avril 1945, à l’approche des armées alliées, elle parvint à s’enfuir, et fut finalement recueillie par les forces alliées.

À son retour de captivité, le 30 mai, Josette Laurenson retrouva à Paris René Roucaute, rescapé de la peine de mort à Lyon, qui quitta un meeting des JC pour aller la retrouver à l’hôtel Lutétia. Ils se marièrent en août 1945, et s’installèrent à Issy-les-Moulineaux (Seine, Hauts-de-Seine), dans le même immeuble qu’un autre couple de jeunes communistes rescapés, destinés à de hautes responsabilités, Madeleine Vincent et Guy Ducoloné. Leur fils Raoul naquit en 1946, puis Mireille en 1949.

Tandis que Josette Roucaute était employée aux revues l’Avant-Garde et Miroir-Sprint, René Roucaute avait été chargé de fonder le mouvement d’enfants des Vaillants, dont il fut pendant quatre ans le secrétaire général, jusqu’à ce qu’il fut démis en 1949 par André Marty, secrétaire du parti, qui reprenait la haute main sur les organisations de jeunesse. Il dut alors travailler un an en entreprise, à la SNECMA, jusqu’à ce que l’intervention de Fernande Guyot, l’épouse de l’ex-dirigeant des Jeunesses et trésorière du Mouvement de la paix, le sortit de son purgatoire en lui proposant de travailler à Prague. La famille partit en 1950 s’installer pour quatre ans dans la capitale tchécoslovaque, où siégeaient alors de nombreuses organisations de la mouvance communiste internationale. Josette y occupa aussi un emploi pour le Conseil mondial de la Paix. Au cours de leur séjour, ils eurent la douleur de perdre leur petite fille, âgée de quatre ans, décédée subitement à Alès chez les grands-parents Roucaute qui avaient accueilli leurs petits-enfants quand Raoul avait commencé sa scolarité.

Rentrés de Prague en 1954, René et Josette Roucaute retrouvèrent des emplois au service d’organismes proches du Parti communiste. Elle se vit proposer la responsabilité du personnel de la Maison des Métallurgistes, rue Jean-Pierre Timbaud dans le XIe arrondissement. Elle occupa cette fonction pendant une vingtaine d’années, gérant la maison avec autorité et efficacité, en nouant d’excellentes relations avec celui qui en fut longtemps le patron, André Lunet. Elle y travaillait aussi avec Malvina Vermeersch, la sœur de Jeannette Thorez-Vermeersch, avec qui les relations furent moins faciles. En effet, Josette Roucaute, militante de l’Union des femmes françaises, désapprouvait totalement l’orientation morale conservatrice qu’y imposait l’épouse du secrétaire général du PCF, notamment sur la question du contrôle des naissances, un souci prioritaire pour les femmes dans cette période de baby-boom.

Au début des années 1960, la famille Roucaute s’installa au Blanc-Mesnil, en banlieue est. Elle s’intégra sans difficulté dans cette municipalité communiste de longue date. Le dimanche, « Jo », élue conseillère municipale, avait plaisir à se mêler aux autres militants de la section pour crier l’Humanité sur le marché ; elle en vendait jusqu’à deux-cents exemplaires par semaine. Membre d’une cellule locale, elle ne prit jamais de responsabilité plus élevée dans l’appareil du parti malgré sa forte personnalité et son mari pas davantage. L’un et l’autre, sans jamais manifester d’opposition frontale, éprouvèrent quelques déceptions militantes : la mise à l’écart de Laurent Casanova et Marcel Servin, en particulier, qu’elle appréciait beaucoup l’un et l’autre ; le manque d’aménité qu’elle ressentait de la part de Georges Marchais à l’égard des militants, dont elle fit les frais une fois ou deux ; mais surtout le mensonge de celui-ci à propos de son travail en Allemagne pendant la guerre, dont elle pensait qu’il avait beaucoup nui à l’image du Parti communiste.

René Roucaute, déjà diminué, sans doute suite aux sévices subis pendant la guerre, décéda brusquement en janvier 1971. En 1977, on demanda à Josette Roucaute de se présenter sur la liste du maire communiste Robert Fregossy aux élections municipales, afin de remplacer Maria Valtat dans ses responsabilités de maire adjoint. Elle eut notamment à s’occuper de la gestion du personnel communal. Cependant, elle ne prolongea pas son mandat au-delà des élections de 1983. Mais son fils Raoul, quelques années plus tard, prit sa relève, devenant à son tour maire adjoint, et pour plusieurs mandats d’affilée, jusqu’aux années 2010.

Josette Roucaute travailla encore quelques temps à la SERP, l’entreprise d’expédition de la presse contrôlée par le PCF, avant de prendre sa retraite au début des années 1980. Elle décida alors de repartir s’installer sur ses terres d’origine, et se fit construire une maison dans un lotissement proche d’Alès, voisine de celle d’un de ses beaux-frères. Après dix années de veuvage, elle se remit en ménage avec un militant communiste de la section, Roger Faivet, décédé en 2014. Restée fidèle à son parti, évidemment affectée par l’effondrement de son influence, Josette Roucaute continuait en 2015 à intervenir très activement sur la Résistance et la déportation en milieu scolaire, à travers des organisations comme la FNDIRP ou le CADIR, seul témoin encore actif dans son département. Cette année-là, l’école de son village a été baptisée à son nom.

Josette Roucaute reçut la médaille militaire et la croix de guerre, puis en 1996 la distinction de chevalier de la Légion d’honneur ; elle fut élevée au grade d’officier en 2007.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article175260, notice ROUCAUTE Josette [née BOUSQUET Josette, Juliette, Marie, devenue LAURENSON par adoption] par Marc Giovaninetti, version mise en ligne le 1er septembre 2015, dernière modification le 25 juillet 2022.

Par Marc Giovaninetti

Josette Roucaute en avril 2015, lors de l’inauguration de l’école à son nom

SOURCES : Claude Emerique, « Roucaute Josette, “matricule 42191” », sites www.gillesr-educ.fr et memoire-resistance-gard.fr. ― Site officiel de la commune de Saint-Hilaire-de-Brethmas (Gard). ― Indications de Gilles Baix. – Entretien avec l’intéressée, août 2015.

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