ROSTAND Jean, François (dit Lieutenant BERTHAUD, BERTHAUD, Jean VIDAL)

Par Chevalier Pierre

Né le 7 octobre 1923 à Perpignan (Pyrénées-Orientales), mort le 29 janvier 2016 à Perpignan ; militaire ; employé de la Sécurité sociale ; militant communiste ; résistant (FTPF)

Jean ROSTAND en 1940
Jean ROSTAND en 1940
Archives Jean Rostand

Jean Rostand est le fils de, François, dit Pierre, né en 1894, et de Joséphine Casado, née en 1896.

Son père, originaire de Baixas (Pyrénées-Orientales), était issu d’une famille de petits agriculteurs. Il était maçon de profession. Il avait d’ailleurs construit de ses propres mains la maison familiale. Il cultivait son jardin ouvrier pour les légumes.
Sa mère était d’origine espagnole, de Barbastro en Aragon, par son père qui émigra avec sa famille, vers 1880, dans le département de l’Aude. Mais, par son mariage avec une fille de la famille Longchamp de Barcelone, celui-ci accéda à un niveau social de petit propriétaire. Joséphine put ainsi suivre des études. Elle faisait des ménages pour compléter le salaire du père de Jean.

Bien que né dans une famille pauvre, Jean eut la chance de pouvoir poursuivre ses études, saisissant l’opportunité liée à l’obtention du certificat d’études primaires avec mention bien en 1935. Cependant, il dut travailler tous les étés pour payer ses livres de classe. Passionné de nature, il collectionnait minéraux et fossiles qui furent noyés dans l’Aïguat [inondation mémorable du Roussillon, crue pluriséculaire] d’octobre 1940. Grâce au Larousse, il connaissait les noms des plantes, oiseaux, poissons qu’il rencontrait. Il élevait aussi des lapins. Jean est passé directement de l’enfance à l’âge adulte, sans avoir pu avoir d’adolescence.

La famille de Jean était plutôt socialisante (son père participa à une campagne électorale de Jean Payra) et anticléricale. En 1931, un de ses oncles l’emmena, à Llançà, participer à une manifestation pour célébrer l’avènement de la République espagnole ; il fut impressionné par le grand nombre de drapeaux rouges, de drapeaux catalans ou aux couleurs républicaines.

En 1936, il rentra à l’École primaire supérieure de Perpignan. En 1939, il obtint le brevet élémentaire et prépara le brevet supérieur l’année suivante (tout en continuant de travailler, faisant en particulier les vendanges à Corneilla–de-la-Rivière). Il hésitait entre devenir instituteur ou travailler aux Contributions.

Tout cela fut interrompu par la guerre et son arrestation (9 février 1941) pour « propagande communiste, distribution de tracts d’inspiration étrangère et publication d’imprimés non visés par la censure ». En fait, de simple sympathisant communiste, dès 1936, il était devenu militant des Jeunesses communistes en octobre 1940, malgré l’opposition de son père. Sous couvert de conférences de géographie, il participait, en fait, à des réunions clandestines, rue de l’Anguille à Perpignan, et distribuait tracts et presse clandestine, en particulier Le Travailleur Catalan : Jean Rostand y aurait été vu distribuant des tracts par des professeurs et des élèves. À ces réunions se retrouvaient, en plus de Jean Rostand : Jean Bullic, Jean Gispert, Fernand Loubatière, Pierre Obrador et Hernandez Toribio. Cependant, l’ossature locale du PC était en partie liquidée et les militants livrés à eux-mêmes. Mis à part 4 ou 5 jeunes, il n’était en contact qu’avec André Tourné. De plus, à l’annonce de la venue, les 6 et 7 février 1941, du secrétaire général à la Jeunesse du régime de Vichy, Georges Lamirand, les élèves eurent l’obligation de lui écrire un courrier louangeur sur le régime du Maréchal Pétain. Au lieu de ce qui était ainsi demandé, Jean écrivit entre autre choses : « En ce qui concerne le ressaisissement de la jeunesse, je crois que des résultats ne pourront être obtenus que dans la mesure où, lui faisant confiance et exaltant les vertus républicaines de notre peuple, le gouvernement l’aidera à marcher dans une voie digne de la France, celle des soldats de l’An II » ; c’est pour cet ensemble de raisons qu’il fut poursuivi par la justice. Mais, il fut acquitté, car « il avait agi sans discernement ». Cependant, cet aquittement fit l’objet d’un appel à minima, ce qui l’obligea à attendre la décion de la cour d’Appel trois mois en prison à Montpellier où il fut rapidement mis à l’isolement. Celle-ci confirma l’acquittement mais prononça sa mise sous contrôle judiciaire, en juin 1941, chez « les Petits Bergers des Cévennes » au Puy-en-Velay (Haute-Loire), puis à Saint-Flour (Cantal) où il dirigea une institution, sous le contrôle de Mme Pouderoux. Il y rencontre 2 résistants et revint vers Perpignan.

À l’automne 1943, il fut incorporé aux chantiers de jeunesse où il rencontra Francis Sentis*, camarade perpignanais des JC. Il travailla à Roanne (Loire) et Saint-Étienne (Loire), refusant de couper des arbres pour ne pas travailler pour les Allemands (il fut alors mis en prison), puis Saint-André-de-Sangonis (Hérault), où il participa aux vendanges, et enfin en Gironde. Début 1944, il fut « mis au trou » quinze jours pour avoir pris la tête d’un mouvement de contestation. De nouveau arrêté, en même temps qu’un séminariste, professeur d’allemand, il vit le camp investi par une division SS, qui les regroupa avec d’autres détenus du sud-ouest de la France. Il s’enfuit et rentra difficilement à Perpignan.

De retour à Perpignan en juin 1944, il reprit contact par le biais de son oncle avec le Parti communiste et l’État-major des FTPF des Pyrénées-Orientales. Monteil l’envoya commander, le 12 juillet 1944, l’État-major de la 413e compagnie de FTPF. Il fêta le 14 juillet à Prades où siégeait clandestinement cet état-major. Cette compagnie comprenait donc un état-major, des services annexes, dont une infirmerie animée par Brigitte Salètes, le maquis Henri-Barbusse et des détachements de FTPF légaux à Prades. Il eut à gérer les relations pas toujours bonnes entre légaux et maquisards ; il soutint les décisions de Rius quant au désarmement des légaux pradéens. Il participa au contrôle des maquis et organisa des réunions de propagande. Il était le lieutenant Berthaud mais possédait aussi de faux papiers au nom de Jean Vidal né le 1er juin 1924 à Toulouse (Haute-Garonne) et un certificat de travail comme "ouvrier mineur aux mines d’Escaro (Pyr-Or)" établi à ce nom par le maire de Vernet-les-Bains (Pyrénées-Orientales).

À la mi-août 1944, la compagnie descendit sur Prades. Dans la ville libérée, un comité local de Libération s’installa, composé, d’près ses souvenirs, d’Haulier de l’état-major FN de la 413e compagnie, Palau du PCF, Gipolo et des anciens prisonniers de guerre. Selon le comte-rendu du 20 août 1944, Palau et Gipolo absents ne sont pas désignés tandis que Font et Noell pour les MUR, Roca pour le PC et Monteil pour la CGT complétèrent le CLL de Prades. Le président etait alors Marcel Clos, absent. Palau fut désigné maire de Prades le 23 août 1944. Puis la compagnie fit mouvement sur Perpignan où elle arriva peu après la fin des combats. Le 15 janvier 1945, il fut cité à l’ordre de la division avec attribution de la Croix de guerre avec étoile d’argent. En tant que chef militaire de la région de Prades, il avait "organisé des sabotages et par son sang-frois et son courage, [il] avait pu réorganiser les forces FTP dispersées après les combats de Valmanya".

À l’automne 1944, J. Rostand représenta les FTPF à la cour martiale de Perpignan, puis à la demande du Parti s’engagea dans l’armée. Il reçut une formation militaire dans une école interarmes en Allemagne. Ses bons résultats le firent affecter à Montpellier en 1947.

Lieutenant au 81e bataillon d’infanterie, il fut appelé à briser la grève des mineurs à Sète avec son unité ; la fraternisation avec les travailleurs et certaines désertions de son unité, lui valurent d’être envoyé à Satory avant le départ pour l’Indochine. En 1948, il fut mis en demi-solde par le gouvernement Ramadier. Pour améliorer l’ordinaire, il travailla comme maçon et prépare des concours. En 1956, il entra à la Sécurité sociale puis, en 1958, rejoignit l’école de la Sécurité sociale. Il fut cadre, chef de section précisément, à la CPAM puis, en 1964, à l’URSAF. Il termina sa carrière comme chef de service dans cette administration. Il y géra la formation des personnels. En 1976, il fut mis en invalidité.

Depuis ses débuts à la Sécurité sociale, et par la suite à l’URSAF, il fut syndiqué à la CGT, y compris en tant que cadre. C’est ainsi que, durant la période de mai-juin 1968, il anima la grève des personnels. Plus tard, l’évolution du PCF qu’il considérait comme se social-démocratisant, l’affecta au point de de le quitter et de se rapprocher du Pôle de renaissance communiste en France (PRCF) dont il signa plusieurs pétitions et auquel il finit par adhérer. Par la suite, de nombreux problèmes de santé l’affaiblirent, dont un infarctus en février 2005. Jusqu’à aujourd’hui (septembre 2015), il n’a cessé d’adhérer à l’ANACR.
Philatéliste depuis longtemps, il ne cessa de collectionner des timbres.

Marié en 1944, divorcé, il épousa Marcelle Blanc, sœur de Rose Blanc, communiste décédée à Auschwitz. Il eut une fille de son premier mariage, Maryse, et un garçon du second, Jean-Marcel.

Ses obsèques civiles eurent lieu le 1er février 2016. Il fut incinéré au crématorium de Canet-en-Roussillon. Dans un article publié dans L’Indépendant du 3 février 2016, la section des Pyrénées-Orientales du Pôle de la renaissance communiste en France rendit hommage à son passé militant.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article175262, notice ROSTAND Jean, François (dit Lieutenant BERTHAUD, BERTHAUD, Jean VIDAL) par Chevalier Pierre, version mise en ligne le 8 septembre 2015, dernière modification le 16 janvier 2019.

Par Chevalier Pierre

Jean ROSTAND en 1940
Jean ROSTAND en 1940
Archives Jean Rostand
Jean ROSTAND en 1956
Jean ROSTAND en 1956
Archives privées Jean-Pierre Castillo

ŒUVRE : Lettre manuscrite à Monsieur Lamirant du 2 février 1941. — Les années 30-40, le fascisme en Europe, manuscrit inédit.

SOURCES : État civil de Perpignan. — Georges Sentis, Les jeunes communistes,1939-1945, tome1, Perpignan, Éditions M/R, 2010. — Nombreux interviews de Jean Rostand par Pierre Chevalier. — L’Indépendant, Perpignan, 31 janvier 2016, 1er février 2016, 3 février 2016.

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