THOMAS Maurice

Par Laurent Gonon

Né en 1776 à Lyon (Rhône) ; typographe ; mutuelliste.

Maurice Thomas fut l’un des fondateurs de la 31e société de secours mutuels (SSM), dite des ouvriers typographes de Lyon, ou société de bienfaisance des ouvriers imprimeurs de caractères, le 29 septembre 1822, contrôlée sur ordonnance municipale du 6 novembre. Il figura parmi les dirigeants de la mutuelle de 1822 à 1828. Domicilié 64 rue Mercière à Lyon en décembre 1822, puis 1 rue longue à Lyon de 1823 à 1828, puis en 1842 au 1 de la rue Saint-Côme et 8 rue Confort en 1845, toujours à la 31e SSM qu’il ne cessa de présider. Il fut prote (contremaître) à l’imprimerie Périsse Antoine, Grande rue Mercière à Lyon en 1824.
Dans un courrier, daté du 11 décembre 1823, les fondateurs de la 31e société retraçaient l’antériorité des sociétés de bienfaisance des ouvriers imprimeurs de leur ville « Depuis longtemps il existe à Lyon des sociétés typographiques de bienfaisance : toutes ont eu pour but le bien public ». Ils exprimaient alors un désaccord avec les dirigeants de la précédente SSM, la 39e, qui manifestait sa volonté de se rapprocher de la nouvelle du fait de charges sociales qu’elle ne ne parvenait plus à couvrir, eu égard à son faible nombre d’adhérents et du nombre de ses infirmes. La nouvelle SSM, la 31e, compte « une trentaine d’imprimeurs presque tous jeunes ouvriers »... « leurs noms figurent sur les tableaux de plusieurs sociétés précédentes »... « En moins de deux mois le nombre de ces membres s’est élevé à soixante... » « A l’époque de la formation de notre société, il en existait une autre gouvernée par les anciens principes... les membres de l’autre nous proposèrent une réunion. Leur caisse comptait 1.300 francs pour vint-trois membres, dont quelques vieillards et valétudinaires ; ils nous firent l’offre de 350 francs ; elle fut rejetée et nous leur objectâmes que s’ils croyaient devoir partager entre eux des fonds dont ils n’étaient que dépositaires notre société les recevraient individuellement, mais qu’elle n’entendait pas se charger de leurs vieillards et valétudinaires, qui devaient rester à leur charge jusqu’à extinction de leur somme de 1 300 francs. En leur offrant de se réunir à nous, notre but a été d’arracher la typographie à un système de dilapidation et d’épargner, et de ne faire qu’une seule et même famille ; ils s’y refusèrent ». Dans ce courrier, les dirigeants de la 31e société demandaient au maire de ne pas autoriser l’existence de l’autre société, et se recommandaient du soutien de quatre grosses imprimeries lyonnaises : Rusand, Périsse, Lambert et Pelzin. Ils rappelaient que la profession ne comptait qu’environ cent-vingts ouvriers, l’autorisation d’une seconde société les mettant toutes deux en difficulté. Le chiffre était manifestement sous-estimé – ou limité strictement aux typographes – car un recensement de 1824 des personnels de l’imprimerie typographique à Lyon révélait un nombre de 330 salariés. Dans un nouveau courrier au maire, en date du 16 juillet 1834, lui demandant de prendre en charge « un homme nommé Bompart, âgé de 36 ans environ, à Lyon depuis fort longtemps, est entré [à la 39e SSM] et s’est trouvé perclus des deux jambes... » que la société ne pouvait plus prendre en charge. Lequel Bompart (Félix) « incurable à l’Hospice de la Charité » figura encore dans le tableau de la 31e SSM en 1846. Le courrier indiqua que la prise en charge par la ville de cet incurable ne dispenserait pas la société de remplir ses obligations à son égard : « la société, d’après ses statuts, serait toujours obligée de lui donner 6 francs au lieu de 15 par mois ». Le Maire, par sa réponse du 23 juillet 1834, demanda au commissaire chargé de suivre l’assemblée générale d’expliquer à ses membres « qu’aucune allocation n’est accordée à la ville pour pouvoir suppléer au déficit des caisses de bienfaisance de chaque corps de métier et qu’ainsi c’est aux sociétaires, en cas de déficit d’y pourvoir ».
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Le courrier de 1823, montrait qu’il existait alors des adhérents incurables pesant sur le budget de l’ancienne société ; celui de 1834 apporta des éléments chiffrés (en regard de l’article 32 des statuts de la nouvelle société) montrant qu’il s’agissait d’anciens adhérents de plus de vingt années. Cela situait l’existence de la société depuis 1800, voire antérieurement. Ces éléments confirmant les observations de Paul Chauvet : « En 1813, un lyonnais nommé Mignon vint s’embaucher à Strasbourg, il présente à la Société Typographique strasbourgeoise un livret typographique en règle. Il y avait donc une organisation ouvrière à Lyon à cette époque ».
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La création en 1822 de la 31e SSM des ouvriers typographes jeta les bases d’un syndicalisme moderne dans le Livre à Lyon. De ses rangs sortirent les militants qui négocièrent le « Tarif » en 1848 – et deux députés républicains en 1848 et 1849 : Esprit Doutre qui fut président de la société en 1846 et Claude Pelletier – mais aussi cette longue pratique associative, ayant pour « but le bien public », conduisit à la création de « l’Annexe » en 1862, dont les statuts et la date de naissance furent la base de référence de déclaration de la Chambre syndicale typographique de Lyon en 1884.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article175583, notice THOMAS Maurice par Laurent Gonon, version mise en ligne le 23 septembre 2015, dernière modification le 18 juillet 2020.

Par Laurent Gonon

Sources : 747WP005.5 et 1217WP45, Arch. mun. Lyon ; 2T27, Arch. dép. Rhône ; Paul Chauvet, Les ouvriers du Livre en France, M. Rivière, 1956 (Ruhfel – historique de la société typographique de Strasbourg).

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