SANSAS Marcel, Victor, François

Par André Balent

Né le 15 novembre 1914 à Toulouse (Haute-Garonne), mort le 10 mars 2002 à Banyuls-sur-Mer (Pyrénées-Orientales) ; apprenti cuisiner, ouvrier dans l’industrie chimique, journaliste puis libraire ; militant de la JOC avant 1936 ; militant du PCF après 1945 ; membre du comité fédéral de la Haute-Garonne.

Marcel Sansas vers 1945
Marcel Sansas vers 1945
Archives d’Yvette Lucas

Marcel Sansas naquit au 21 de la rue Maury à Toulouse. Son père, Bernard Sansas, alias « Justin » était né en 1875 à Sajas (Haute-Garonne). Il était le fils d’un charpentier, Martin, né dans ce même village, qui avait fait la guerre franco-allemande de 1870-1871 et avait été prisonnier de guerre en Allemagne. Père de deux garçons, il quitta Sajas en 1879 et s’installa à Toulouse où il obtint un poste de d’employé de l’octroi. C’était un socialiste convaincu. Bernard Sansas travaillait chez Gautier fabrique de parapluies de la rue Caraman. Il se maria deux fois. Il eut deux enfants avec une danseuse du Capitole. La grand-mère paternelle de Marcel Sansas était concierge de l’immeuble où résidait la famille, 13, rue des Cloches.

La mère de Marcel Sansas était née en 1892 à la Crau d’Hyères (Var) et vécut longtemps à Aubagne (Bouches-du-Rhône). Le père de cette dernière avait travaillé dans une compagnie d’assurances. Directeur d’agence à Marseille (Bouches-du-Rhône), il fut muté à Pau (Basses-Pyrénées ; Pyrénées-Atlantiques). Alors qu’il gagnait depuis Marseille sa nouvelle résidence (1910), il fut malade lorsqu’il se trouvait à Toulouse où, hospitalisé, il ne tarda pas à mourir. D’après Marcel, il laissa à ses proches le souvenir d’un « sacré personnage ». Sa mère, sa fille et son oncle s’installèrent à Toulouse, rue de Thionville. La mère de Marcel Sansas trouva un emploi chez Gauthier, le même fabriquant de parapluies chez qui travaillait déjà son père. Ils se marièrent en 1912. Marcel Sansas avait un demi-frère — Armand, né aux environs de 1900 que Marcel ne connut que lorsqu’il était âgé de dix-huit ans. Évadé de France qui réussit à gagner Londres par l’Espagne et intégrer les FFL — et une demi-sœur, Victorine, tous deux issus du premier mariage de son père. Il avait également deux frères nés après lui : André né 1924 qui se trouvait dans un sanatorium d’Osséja (Pyrénées-Orientales) entre 1942 et 1944. D’abord employé chez un prêteur de livres, il travailla ensuite comme ouvrier chez Formica à Quillan (Aude) ; Robert, né en 1926 fut préposé des PTT et mourut en 1984.

Pendant la Première guerre mondiale, sa mère reprit le travail chez Gauthier et Marcel fut pris en charge par sa grand-mère et sa tante maternelles, deux femmes très pieuses. Il fréquenta d’abord l’école maternelle catholique de la place Saint-Aubin, puis l’école primaire des Frères des écoles chrétiennes de la rue Caraman dont les élèves étaient soumis à une discipline sévère. Bon élève, ses parents nourrissant pour lui des ambitions d’ascension sociale grâce aux études. Mais ayant ouvert à leur compte un boutique de parapluies qui périclita, ils durent se résoudre à le scolariser dans une école hôtelière afin qu’il apprît rapidement un métier.

Il trouva à s’employer dès l’âge de quinze ans dans de grands hôtels à La Baule (Loire-Inférieure) ; à Cauterets (Hautes-Pyrénées), à l’hôtel d’Angleterre ; à Toulouse, à l’hôtel du Soleil. Il quitta le dur travail de la restauration, à un niveau subalterne, tint un moment les livres d’une agence bancaire et, à dix-huit ans, en 1933, s’embaucha comme manœuvre à l’ONIA (Office national industriel de l’azote), une entreprise toulousaine de la chimie implantée en 1927.

Il devint bientôt conducteur d’appareils. Militant de la JOC, Marcel Sansas adhéra aussi à la CGTU avant l’unification de 1935. À vingt ans, il partit au service militaire dans un régiment de chasseurs pyrénéens. Après ses classes, il fut successivement cuisinier puis aide-infirmier. Affecté d’abord à Lunel (Hérault), il fut ensuite muté à l’hôpital militaire d’Amélie-les-Bains (Pyrénées-Orientales) où lui parvinrent les premiers échos du Front populaire. Ce fut à partir de 1935-1936 qu’il perdit sa foi catholique et devint anticlérical ne comprenant pas la politique communiste de la « main tendue » aux catholiques. Il resta donc, avant 1939, à l’écart du Parti communiste. Mobilisé en septembre 1939 dans un bataillon de Chasseurs pyrénéens, il gagna le front dans la région de Belfort et du sud de l’Alsace. pendant la « drôle de guerre », il s’occupait de transports par mulets. Pendant la bataille de France, il ne participa pas aux combats. Il fut démobilisé après l’armistice et regagna Toulouse.

Marcel Sansas retrouva son poste de travail à l’ONIA. D’u point de vie personnel, il fut absorbé par des problèmes familiaux. Son père était malade de même que son frère obligé à résider pour des raisons de santé dans un sanatorium à Osséja (Pyrénées-Orientales). D’un point de vue politique, désabusé et adoptant une attitude attentiste, il réfléchit sur la situation et la révolution nationale et consigna ses pensées dans des manuscrits inédits à ce jour (2015)

En février 1943, il fut requis pour se rendre en Allemagne dans le cadre du Service du travail obligatoire. Dans la présentation du récit qu’écrivit Marcel Sansas sur son expérience des années 1943-1945, Yvette Lucas qui l’a publié en 2011 explique que, lorsqu’on lui annonça qu’il devait partir en Allemagne Marcel Sansas envisagea de s’ « évader » en Espagne. Le peu de temps dont il disposait et les possibilités trop coûteuses proposées par les passeurs qu’il put contacter l’amenèrent à renoncer à ce projet. Il quitta donc Toulouse pour l’Allemagne en février 1943. Il travailla à la fabrique chimique Buna Werke de Schkopau près de Merseburg (Saxe-Anhalt). Sur place, il résista aux sollicitations des agents de Vichy de l’association Les Français en Allemagne. À l’été 1943, Sansas et d’autres Toulousains de Buna Werke créèrent l’Union des Toulousains (UT) afin de répartir les envois effectués depuis Toulouse par l’ONIA (vivres, vêtements, cigarettes, livres, ….). L’UT qui se dota de statuts et élut Sansas au poste de secrétaire groupa bientôt environ soixante-dix travailleurs de l’usine de Merseburg. Elle publia un « journal » à partir du 14 juillet 1943. Un pas de plus fut franchi lorsque fut créé, à partir d’un noyau de l’UT un groupe de résistance qui entra en contact avec des communistes allemands clandestins et qui diffusa, par leur intermédiaire, des nouvelles de Radio-Londres. Des sabotages furent envisagés et parfois réalisés. Une filière pour l’évasion de prisonniers de guerre français fut organisée avec succès. Cette organisation mise en place par des communistes allemands clandestins, était aussi liée, par leur intermédiaire, aux services secrets britanniques(IS, Intelligence service).

Quatre arrestations de Français du groupe de résistance de la Buna Werke indiquèrent que la police allemande était informée de son existence et menaçait dorénavant ses membres les plus en vue. Le 9 novembre 1944, Sansas fut convoqué par la Gestapo. Sansas et deux autres camarades menacés, Pietri et Escande, se cachèrent dans un « trou » aménagé pour se cacher et, éventuellement, s’échapper de l’usine en cas de situation délicate. Leur plan consista à se cacher en Allemagne et attendre la fin des hostilités. Ils décidèrent de prendre une direction opposée à la France (où on les attendait selon toute vraisemblance), celle de Vienne en l’occurrence et inventèrent une histoire d’habitants de Nancy pris dans l’étau des combats qui opposaient Américains et Allemands et qui, évacués à Strasbourg décidèrent de gagner Vienne où ils savaient que se trouvaient des habitants de leur prétendue ville d’origine. Leurs camarades de la Buna Werke leur avaient procuré des tickets d’alimentation et de l’argent.

Leur évasion rocambolesque réussit. Ils eurent beaucoup de chance et purent dans leur périple compter sur la solidarité de Français requis du STO. Ayant quitté Schkopau, ils gagnèrent par train Leipzig puis Gera et Plauen en Thuringe. Après un crochet par Eger, dans les Sudètes, (aujourd’hui Cheb, Tchéquie), ils atteignirent bientôt la Bavière, Schwandorf, d’abord, puis Regensburg (Ratisbonne) qu’ils quittèrent pour Linz (Autriche. Mais contrôlés dans le train, et n’ayant pas de papiers, ils furent débarqués à Passau, en Bavière, à proximité immédiate de l’Autriche. Interrogés par un commissaire de la Kripo (police criminelle) compréhensif qui crut leurs explications, il demeurèrent plusieurs semaines dans la prison de Passau, attendant que la Gestapo ait examiné leur cas. Transférés à la Gestapo à Regensburg, ils furent de façon inexplicable lavés de tout soupçon. La fable de leur voyage de Nancy à Vienne avait été validée, après interrogatoires et enquête. La Gestapo leur remit un sauf-conduit, des billets de chemin de fer pour Vienne où ils arrivèrent en décembre 1944.

Sansas et ses deux compagnons fréquentèrent des asiles, essayant de ne pas se faire remarquer par la police. Mais, chance inouïe — rappelons que Marcel avait une formation de cuisinier — ils réussirent à se faire embaucher dans un des plus prestigieux hôtels de Vienne, le Bristol. En mars et en avril 1944, ils assistèrent au grand bombardement allié de Vienne qui épargna leur hôtel. Puis ce furent les prémisses de l’effondrement local du régime nazi à l’approche de l’Armée rouge malgré la défense désespérée d’un Volksturm sans conviction et de SS fanatisés. Ils vécurent l’entrée des Soviétiques à dans une ville partiellement désertée par ses habitants et assistèrent à des scènes de pillages et de viols. Mais ils étaient libres et purent nouer des relations avec les nouveaux maîtres de Vienne. Sansas fut rapatrié en France par un avion militaire qui l’amena directement à Toulouse. Son séjour à Buna Werke, son évasion de Schkopau et sa vie à Vienne furent l’objet, soit d’un journal, soit d’un récit écrit en 1987 en partie publiés en 2011.

À son retour d’Allemagne, Marcel Sansas retrouva sa famille et son emploi à l’ONIA. Il adhéra presque aussitôt au PCF et devint rapidement secrétaire de section puis membre du comité fédéral. Le grand mouvement de grèves qui se déclencha à partir de novembre 1947 après la percée du RPF aux municipales d’octobre, se connut aussi des développements à l’ONIA de Toulouse. Marcel Sansas était le responsable du PCF à l’usine. À l’issue du conflit, il fit partie des licenciés. Il suivit alors pendant six mois une formation de charpentier. Mais, gaucher, ce métier ne lui convenait guère. Ses talents d’écriture ayant été remarqués, il intégra la rédaction du Patriote du Sud-Ouest quotidien communiste de Toulouse — à l’origine organe du Front national — de 1944 à 1956, date de sa disparition (Voir aussi Maurières Marcel). Il fut plus particulièrement grand reporter et critique d’opéra. Il réalisa de grandes enquêtes sur la vie politique, économique et sociale des départements du Sud-Ouest. Il couvrit la guerre d’Algérie à ses débuts. Il s’intéressa aussi de près à la vie culturelle régionale, écrivant par exemple, un article remarqué sur l’exposition Antoine Bourdelle au musée des Augustins de Toulouse en 1953. Marcel Sansas aurait dû devenir rédacteur en chef. Mais, d’après les confidences qu’il fit à Yvette Lucas, il ne put, semble-t-il, du fait de sa participation à une organisation de résistance (en Allemagne) liée à l’IS accéder à ces fonctions.

Le Patriote du Sud-Ouest, victime de difficultés financières dut cesser sa parution en avril 1956. Il collabora ensuite, et de façon bénévole, y compris quinze ans après sa retraite, à l’hebdomadaire Les Nouvelles de Toulouse puis aux Nouvelles 31 qui lui succédèrent. Les dernières années de sa collaboration, il écrivait un billet hebdomadaire, et donnant des comptes rendus de manifestations culturelles et de spectacles, en particulier ceux du Capitole de Toulouse. D’un point de vue professionnel, Marcel Sansas, après la disparition du Patriote, devint responsable de la librairie que le PCF avait créée après la Libération. Ce nouvel emploi était tout à fait à son goût. Yvette Lucas écrit dans les éléments biographiques de Marcel Sansas (op. cit., livre III, p. 165) que « (…) au bout de quelques années, les dirigeants fédéraux [crurent] bon (cela se faisait à l’époque) de s’immiscer dans sa vie privée ». Il quitta cet emploi « de son plein gré ». Après une attente de deux ans, ce fut Pierre Prévost, ancien conseiller de la République, ancien cheminot retraité et membre du comité fédéral de Haute-Garonne qui lui trouva un nouvel emploi : embauché comme bibliothécaire-discothécaire du comité d’entreprise de Sud-Aviation, il put satisfaire ses goûts pour la littérature et la musique. Il organisa chaque mois de décembre des Journées du Livre avec la présence de grands écrivains, des poètes des musiciens, des troupes de théâtre et de danse. Pendant ses deux années d’inactivité professionnelle, il dirigea un centre de vacances à Carnon (Hérault), copropriété de Sud-Aviation et de Tourisme et Travail. Il continua de le faire lorsqu’il travailla au comité d’entreprise de Sud-Aviation. Il coordonna ensuite, jusqu’à sa retraite, l’organisation et l’activité des centres de vacances de Sud-Aviation. Puis, il géra de 1972 à 1980 le centre de vacances de l’ONIA situé entre Le Barcarès et Saint-Laurent-de-la-Salanque (Pyrénées-Orientales). Dans ces centres de vacances, il s’efforça de mettre en place des activités culturelles de qualité, accueillant des troupes de théâtre renommées (y compris le théâtre occitan de la Carriera) et des orchestres comme l’orchestre de chambre de Toulouse. Chaque été, il réalisa des expositions thématiques avec la participation des meilleurs spécialistes : sur le catharisme, la Résistance, les camisards des Cévennes. Président de Tourisme et Travail en Haute-Garonne, il siégea à son conseil national. Il fut aussi l’un des fondateurs et animateurs toulousains de Travail et Culture. À ce titre, il permit à Armand Gatti, de lire publiquement à Toulouse sa pièce La passion du général Franco dont la représentation était alors interdite.

Marcel Sansas était un grand amateur d’opéra. C’était une passion qui remontait à l’enfance. Il signait ses articles de critiques des représentations d’opéra et des concerts du grand orchestre du pseudonyme de « Strapontinus ». En 1985, il écrivit une histoire inédite — des extraits ont été publiés par Yvette Lucas dans le volume autobiographique qu’elle a édité — de l’opéra toulousain du Capitole qui faisait appel à ses souvenirs de mélomane averti. Il nous restitue, dans les extraits publiés l’ambiance des représentations toulousaines d’avant la Seconde Guerre mondiale.

Marcel Sansas prit sa retraite en 1976. Jusqu’à l’âge de quatre-vingt-quatre ans, il ne cessa de livrer un éditorial aux Nouvelles de Toulouse. Depuis 1998, il résidait à Banyuls-sur-Mer (Pyrénées-Orientales) où il mourut.

Son frère, fut un « évadé de France » qui gagna les Forces françaises libres, après avoir franchi clandestinement les Pyrénées.

Marcel Sansas se maria en 1952 avec Anne-Marie Bouyssière, née en 1916 et décédée en 1984. Le couple eut une fille, Marie-Thérèse (Maïté) née en 1954. En mai 1958, il rencontra Yvette Lucas, sociologue au CNRS et militante du PCF et vécut avec elle pendant quarante-quatre ans, jusqu’à son décès (2002).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article175707, notice SANSAS Marcel, Victor, François par André Balent, version mise en ligne le 28 septembre 2015, dernière modification le 24 septembre 2020.

Par André Balent

Marcel Sansas vers 1945
Marcel Sansas vers 1945
Archives d’Yvette Lucas
Journées du livre de Sud-Aviation (Toulouse). À droite, Marcel Sansas. Au centre Jean Cazalbou*, écrivain, membre du PCF. Entre les deux, Bartolomé Benassar, historien.
Journées du livre de Sud-Aviation (Toulouse). À droite, Marcel Sansas. Au centre Jean Cazalbou*, écrivain, membre du PCF. Entre les deux, Bartolomé Benassar, historien.
Archives Yvette Lucas

ŒUVRE : Marcel Sansas, La force du destin. Une aventure de guerre insensée, édité et présenté par Yvette Lucas, Toulouse, Éditions de la renaissance, 2011, 179 p. [récit de son expérience du travail dans l’Allemagne en guerre à l’usine Buna Werke et de son évasion écrit dans les années 1980]. — Autres manuscrits inédits (« journaux » (1940-1942) ou mémoires. — De nombreux articles dans Le Patriote du Sud-Ouest, Les Nouvelles de Toulouse, Nouvelles 31.

SOURCES : Marcel Sansas, op. cit.. — l’Humanité, 15 mars 2002, nécrologie par Jean-Paul Monferran. — Entretiens téléphoniques avec Yvette Lucas, 18 et 23 septembre 2015. — Courriels d’Yvette Lucas, 23 et 24 septembre 2015.

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