BOTTINE Robert, Louis

Par Daniel Grason

Né le 5 août 1903 à Cosne (Nièvre), mort de ses blessures le 20 août 1944 à l’Hôpital Cochin à Paris (XIVe arr.) ; receveur de la Société des Transports en Commun de la Région Parisienne, gardien de la paix ; F.F.I.

Fils de Louis Eugène Bottine, ouvrier en limes, et d’Anna Rabdeau, ménagère, Robert Bottine était l’aîné de six enfants, il vécut avec sa famille à Lurcy-le-Bourg, commune de Prémery (Nièvre). À la fin de sa scolarité primaire, il obtint son CEP. Il effectua un an de service militaire dans le 511ème Régiment de chars de combat à Bourges (Cher), fut nommé caporal. Libérable le 5 novembre 1924, il écrivit dès le 15 septembre au préfet de police de Paris, il postulait un emploi de gardien de la paix, donnait en cas de réponse positive l’adresse du régiment.

Démobilisé, il travailla dès le 17 novembre 1924 en tant que receveur à la Société des Transports en Commun de la Région Parisienne (STCRP). Il fit parvenir le 29 décembre 1924 une nouvelle lettre sur papier timbré au préfet de police pour l’informer de sa nouvelle situation et de sa nouvelle adresse au 46 rue Ordener à Paris (XVIIIe arr.). Robert Bottine débuta comme gardien de la paix le 20 février 1925, au commissariat du XVe arr., d’un tempérament bien trempé, il était bien noté pour sa conscience professionnelle. Il épousa Maria, un fils Jacques naquit en 1927.

Outre ses qualités professionnelles, Robert Bottine donnait régulièrement son sang dans différents hôpitaux de Paris et à la Maison de santé de la police. En 1938, il passa le concours de brigadier, les avis des membres du jury sur son aptitude au grade supérieur furent unanime : « Excellent gardien, très intelligent, courageux, dévoué, énergique sur la voie publique (Un brigadier). Très énergique. Très correct. Très bonne tenue. Très apte au commandement (L’Inspecteur Principal-Adjoint ». « Excellent gardien très bonne intelligence professionnelle actif et dévoué » (L’Inspecteur Principal). « Bon gardien. Apte au grade de brigadier » (Le commissaire). Le 15 avril 1938, il était affecté dans son nouveau grade au commissariat du XIIIe arr., enfin dans le VIe arr.

Un gardien de la paix de faction devant la prison du Cherche-Midi, lieu administré par les allemands vit passer le 11 septembre 1942 vers 12 heures 50, encadré par deux soldats allemands un homme qui lui lança : « Je suis le brigadier Bottine du VIe arrondissement, prévenez mes chefs que je suis arrêté ». Que s’était-il passé ? La police allemande était en possession d’un écrit du brigadier où figuraient des insultes à l’égard des autorités d’Occupation.

Robert Bottine témoigna après sa libération de ce qui s’était passé. Il avait été convoqué au 11 rue des Saussaies à Paris (VIIIe arr.), siège de la Sipo-SD. Il subit un premier interrogatoire, était accusé de « propagande anti-allemande », il protesta, mais fut conduit au Cherche-Midi : « de nouveau interrogé, j’ai reçu dans la figure deux coups de poings de la part d’un civil qui voulait me faire avouer ce que je n’ai pas commis. Puis j’ai été déshabillé et fouillé dans les moindres détails et enfin écroué ». Libéré vers 16 heures 45, il vint témoigner de sa mésaventure à son supérieur, le commissaire principal. Son ex-épouse avait communiqué un écrit qu’il avait laissé à son ancien domicile, il contenait des expressions jugées comme insultante par les Occupants. Or, il s’était séparé de son épouse à l’amiable et habitait 44 rue des Poissonniers (XVIIIe arr.).

Helmut Knochen, colonel SS, chef de la police de sûreté et du service de sécurité (Sipo-SD), écrivit le 27 novembre 1942 au préfet de police Amédée Bussière : « Considération prise des regrets éprouvés par Bottine et des succès évidents obtenus par la police française dans la lutte contre le communisme, je renonce à exiger le renvoi du brigadier et à prendre n’importe quelle autre mesure à son égard. Comme je sais que vous vous efforcez avec moi de faire collaborer loyalement la police française et la police allemande, je vous laisse plutôt le soin de prendre contre Bottine la mesure qui vous semblera utile ».

Le préfet de police publia une note de service dans laquelle il informait le personnel : « Un brigadier de la paix vient d’encourir une sanction disciplinaire comportant mise en disponibilité pour cinq jours avec le motif suivant : « A été trouvé en possession d’un écrit qu’il a reconnu avoir lui-même rédigé et contenant de nombreuses expressions insultantes à l’égard des Autorités d’occupation ». Il reproduisait le satisfecit décerné par Knochen : « En considération des succès évidents obtenus par la Police française dans la lutte contre le communisme, les dites [lesdites] autorités ont bien voulu se montrer clémentes. » Il avertissait qu’en cas de nouvelles affaires de ce type, les Autorités d’occupation « interviendraient avec la dernière énergie ».

Le 19 août 1944, Robert Bottine fut grièvement blessé par des balles de mitraillettes et des éclats de grenade au cours d’un combat avec deux soldats allemands repliés dans la station du métropolitain Cluny (Cluny La Sorbonne). Selon les sources il fut transporté au poste de secours rue de la Harpe (Ve arr.), puis à l’Hôtel Dieu (IVe arr.) ou à l’hôpital Cochin (XIVe arr.) dans la matinée du 20 août. Inhumé provisoirement au cimetière parisien de Pantin, il fut ré-inhumé le 1er septembre dans le caveau des « Victimes du devoir » au cimetière Montparnasse.

Nommé brigadier-chef le 20 août 1944, le ministère des anciens combattants attribua à Robert Bottine la mention « Mort pour la France  », il fut cité à l’Ordre de la Nation (JO du 20 décembre 1944, et nommé Chevalier de la Légion d’Honneur (JO du 3 janvier 1945). Son nom figure sur la liste au Musée de la police 4 rue de la Montagne Sainte-Geneviève à Paris (Ve arr.), ainsi que sur deux plaques commémoratives boulevard Saint-Germain et à l’entrée du commissariat du VIe arr. rue Bonaparte aux gradés et gardiens de la paix « tombés glorieusement pour la Libération de Paris ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article175731, notice BOTTINE Robert, Louis par Daniel Grason, version mise en ligne le 26 octobre 2015, dernière modification le 24 novembre 2018.

Par Daniel Grason

SOURCES : Arch. PPo. KC 5. – SHD, Caen AC 21 P 27754. – Christian Chevandier, Été 44. L’insurrection des policiers de Paris, Éd. Vendémiaire, 2014. – Site internet GenWeb. — État civil en ligne cote 2 Mi EC 583, vue 27.
PHOTOGRAPHIES : Arch. PPo. Plaque commémorative rue Bonaparte, Daniel Grason.

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