Rimont (Ariège), massacre de civils, 21 août 1944

Par André Balent

Onze fusillés sommaires ou abattus lors d’une tentative de fuite le 21 août 1944 à Rimont (Ariège). Ce sont tous des victimes civiles de la colonne allemande qui ayant évacué Saint-Girons (Ariège) se dirigeait vers la Méditerranée et la vallée du Rhône. Harcelée par les FTPF du maquis de la Crouzette et ayant subi des pertes, elle exerça des représailles contre la commune de Rimont, incendiant le village et tuant des civils habitants ou résidents occasionnels.

Rimont (Ariège), monument à la mémoire des exécutés du 13 juillet 1944 et du 21 août 1944
Rimont (Ariège), monument à la mémoire des exécutés du 13 juillet 1944 et du 21 août 1944
Photographie : André Balent, 15 août 2016

Le 21 juillet 1944, dans le cadre d’opérations de « nettoyage » de maquis susceptibles d’entraver les opérations de l’ armée allemande, une attaque fut menée contre les maquis (FTPF et AGE, Agrupación de guerrilleros españoles), près de la Crouzette par les forces allemandes avec des commandos du PPF ariégeois et coordonnés par l’intendant de police de Toulouse Pierre Marty, un groupe de GMR et des éléments de la Milice de la Haute-Garonne et de l’Ariège. Les assaillants après avoir encerclé des maquisards des FTPF et de l’AGE connurent un échec les laissant s’échapper avec des pertes légères, ce qui leur permit de regrouper leurs forces, vers Sentenac-de-Sérou. Fin juillet les FTPF du maquis de la Crouzette avaient regagné leur cantonnement d’avant le 21 juillet. Le 28 juillet, ils tendirent une embuscade aux Allemands près de Rimont, tuant huit soldats et détruisant deux camions.

Le 20 août 1944, les maquisards précipitèrent, après des combats, le départ de la garnison allemande de Saint-Girons (Ariège) momentanément grossie par la colonne qui refluait depuis Saint-Gaudens (Haute-Garonne) avec, notamment, les Turcophones d’Asie centrale. Allemands et Turkestanais progressèrent ensuite le long de la RN 117 en direction de Foix (Voir Combats de la Libération de Saint-Girons).

Le 21 août 1944, des maquisards ariégeois (maquis de la Crouzette, FTPF, 3102e compagnie, dans les environs du col de la Crouzette, dans le massif du Plantaurel entre Rimont et Massat) attaquèrent cette colonne de 2000 soldats allemands — et « mongols » ainsi qu’ils étaient désignés par les Ariégeois et leurs amis espagnols de l’AGE : en fait des auxiliaires turcophones originaires de l’Asie centrale soviétique de la 1er légion du Turkestan cantonnée à Saint-Gaudens (Haute-Garonne) — accompagnés d’éléments locaux du PPF et de la Milice. Les maquisards tuèrent dix-sept soldats de cette colonne motorisée en provenance de Saint-Girons. Le maquis de la Crouzette fut renforcé par d’autres compagnies ariégeoises de FTF, la 3e brigade de l’AGE (Ariège), le maquis AS "Normandie" de La Bastide-de-Sérou (Ariège), des éléments de milices patriotiques des villages concernés par la progression de la colonne. Les combats autour de Rimont (Rimont, résistants morts en action de combat, 21 août 1944) du 21 août, pendant que les Allemands et les Turkestanais incendiaient le village et massacraient des civils fut la première phase d’une bataille qui se prolongea le lendemain autour de Castelnau-Durban et s’acheva par la victoire des forces de la Résistance.

En représailles les Allemands incendièrent Rimont. Le choix de ce village n’est pas dû au hasard. Les Allemands, forts de leur expérience des semaines antérieures et renseignés, considéraient que cette localité était favorable aux « terroristes », surtout après leur échec du 21 juillet et l’accrochage du 28 juillet..

Informés de l’approche d’une colonne de 44 véhicules allemands en provenance de Saint-Girons, les habitants invités à fuir quittèrent le village et allèrent se mettre à l’abri dans la campagne. Mais une partie préféra se cacher dans leurs maisons, incités par les gendarmes en mauvais termes avec la Résistance locale. Un petit groupe de résistants s’efforça de retarder l’avance de la colonne qui pénétra dans Rimont vers 11 heures.

Les Allemands détruisirent ainsi 236 bâtiments dont 152 maisons sur 169 [y compris des fermes isolées, des maisons de hameaux, l’école et la mairie qui furent incendiées ainsi que les archives communales. L’église fut épargnée], pillèrent, violèrent des femmes dans leurs maisons (La femme de Jean Alio fut violée par plusieurs Allemands et Turkestanais) et tuèrent onze habitants ou résidents momentanés de la commune ayant préféré rester dans leurs maisons. Tous, sauf Jean Alio et Louis Soula, avaient plus de cinquante ans. Âgés, ils pensaient qu’ils étaient à l’abri de représailles. La plupart étaient agriculteurs (Alio, instituteur). On ne compte aucun résistant connu affilié à un mouvement, réseau ou maquis. Leurs noms figurent sur le monument aux morts de Rimont.
Parmi les onze :
- neuf victimes ariégeoises, pour la plupart des Rimontois : Antoine, Jean Soum, 69 ans ; Jean Rousse, 53 ans ; Louis Soula, 44 ans ; Félicien, Adolphe, Stanislas Soula, 78 ans ; Étienne Forgues, 65 ans ; Marie Costes née Laffont, 77 ans ; Adrien Sentenac, 71 ans ; Jean-François Rousse, 72 ans ; Joseph Servat, 56 ans.
- deux originaires ou résidents des Pyrénées-Orientales : le premier des onze exécutés fut Jean Alio, 29 ans, instituteur des Pyrénées-Orientales en congé de longue maladie (tuberculose) qui était venu rendre visite à sa femme et à sa fille évacuées de la zone littorale de ce département, comme la plupart des habitants de ces communes maritimes, repliés à l’intérieur de leur département ou dans le département voisin de l’Ariège. Il était présent à Rimont depuis une dizaine de jours ; Jean-Baptiste Tolomei, 62 ans, évacué du port de pêche de Collioure.
321 personnes demeurèrent sans abri après cette attaque.

Toujours parmi les onze :
- 8 fusillés sommaires avérés (Alio Jean, 29 ans ; Jean Rousse, 53 ans ; Louis Soula, 44ans ; Félicien, Adolphe, Stanislas Soula, 79 ans ; Étienne Forgues, 65 ans ; Jean-François Rousse, 72 ans ; Jean-Baptiste Tolomei, 62 ans.
- Une femme tuée par une balle perdue (Marie Costes, 78 ans)
- Un tué alors qu’il tentait de s’enfuir (Antoine, Jean Soum, 69 ans)
- Deux retrouvés morts dans une maison (Adrien Sentenac, 71 ans ; Joseph Servat, 56 ans)

Plusieurs groupes d’otages ont été rassemblés par les Allemands et leurs auxiliaires. Des femmes et des enfants furent libérés vers 11 heures et autorisés à prendre la direction du Mas d’Azil. Les hommes furent interrogés par les Allemands Au bout du compte, l’officier allemand renonça à les fusiller et les libéra à 20 heures 30. Un groupe de vingt-cinq otages aurait dû être fusillé. Mais la fuite inopinée d’Antoine Soum empêcha ce massacre, les soldats étant partis à sa poursuite.

Le 22 août 1944, lors de la bataille de Castelnau-Durban (Ariège), le village juste après Rimont sur la route reliant Saint-Girons à Foix, la résistance ariégeoise conduite par le communiste sétois Amilcar Calvetti, responsable militaire départemental de l’Ariège des FTPF, réussit à stopper l’avance de la colonne allemande et à la désarmer après sa capitulation à Ségalas. Le maquis (FTPF) de la Crouzette fut présent dans cette bataille décisive qui s’engagea. D’autres FTPF vinrent de Lavelanet (Ariège), de l’Aude, de la Haute-Garonne par le Mas d’Azil (Ariège). Des guérilleros de l’AGE se joignirent également à ces forces. La postière de Rimont lorsqu’elle aperçut que les Allemands entraient dans le village prévint par téléphone les responsables de maquis qu’elle put joindre, ce qui expliqua l’arrivée de plusieurs formations à proximité de Castelnau-Durban. Les maquisards alignaient environ 400 hommes face aux 1500 Allemands et à leurs auxiliaires turkestanais. Mais ils occupaient des positions avantageuses et avaient la connaissance du terrain. Les maquisards de la Crouzette tendirent l’embuscade décisive. Les Allemands et leurs auxiliaires qui purent s’enfuir évitèrent le village de Castelnau-Durban. Foix, libérée par des guérilleros de l’AGE accompagnés du commando de Marcel Bigeard (alias "commandant Aube") le 19 août, n’eut donc pas à subir l’assaut de cette colonne.

La perte de temps à Rimont (incendies, pillages, exécutions sommaires décidées par le commandant Theodor Schôpplein contre l’avis d’autres officiers) — ou soldats comme dans le cas de l’exécution de Jean Alio — hostiles pour certains d’entre eux aux exactions et autres fusillades, comme le lieutenant Klaus Harms, de Poméranie, pasteur dans le civil), avait aussi retardé la progression de la colonne en direction de Foix.

Un monument a été édifié à l’entrée de Rimont à, proximité de la RD 117 (ex RN 117). Il commémore les martyrs de Rimont. Ceux du 13 juillet 1944, deux hommes — Paul Laffont (1885-1944), ancien sénateur radical de l’Ariège et président du conseil général de ce département, sous-secrétaire d’État aux PTT de 1921 à 1924, ayant voté les pleins pouvoirs à Pétain le 10 juillet 1940 avant de se rapprocher de la résistance ; le docteur Charles Labro (1883-1944) — abattus sommairement par des éléments du PPF, sont associés aux onze victimes massacrés le 21 août par les Allemands et/ou leurs auxiliaires turkestanais. À Castelnau-Durban (Ariège) où eut lieu l’affrontement décisif entre les Allemands et leur auxiliaires de l’Ost Legion et les forces rassemblées par la Résitance une stèle fut érigée d’une part à la mémoire de résistants victimes de leur engagement et tués pendant les combats et, d’autre part de victimes civiles des Allemands, parmi lesquelles les onze exécutés sommaires ou abattus de Rimont.

Liste des civils massacrés :

Le premier et le dernier, des Pyrénées-Orientales. Les autres originaires de Rimont et y résidant.

Jean ALIO
Marie COSTES
Étienne FORGUES
Jean ROUSSE
Jean-François ROUSSE
Adrien SENTENAC
Joseph SERVAT
Louis SOULA
Stanislas SOULA
Antoine SOUM
Jean-Baptiste TOLOMEI

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article176017, notice Rimont (Ariège), massacre de civils, 21 août 1944 par André Balent, version mise en ligne le 13 octobre 2015, dernière modification le 26 juillet 2022.

Par André Balent

Rimont (Ariège), monument à la mémoire des exécutés du 13 juillet 1944 et du 21 août 1944
Rimont (Ariège), monument à la mémoire des exécutés du 13 juillet 1944 et du 21 août 1944
Photographie : André Balent, 15 août 2016
Plaque fixée sur le monument commémoratif des victimes de Rimont (13 juillet et 21 août 1944)
Plaque fixée sur le monument commémoratif des victimes de Rimont (13 juillet et 21 août 1944)
Photographie : André Balent, 15 août 2016
Rimont (Ariège). Aux entrées du village, sur la RD 117, un panneau rappelle implicitement les tragiques événements du 21 août 1944 (et du 13 juillet 1944))
Rimont (Ariège). Aux entrées du village, sur la RD 117, un panneau rappelle implicitement les tragiques événements du 21 août 1944 (et du 13 juillet 1944))
Photographie : André Balent, 15 août 2016

SOURCES : Claude Delpla, La bataille de Rimont et de Castelnau-Durban, Saint-Girons, imprimerie Barat, 1994, 39 p. — Ramon Gual & Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane, II b, De la Résistance à la Libération, Prades, 1998, p. 925. — site http://histoire-ariege.monsite-oran... consulté le 16 février 2015. — Site http://histariege consulté le 11 octobre 2015. — Sites consultés le 23 mars 2014 : http://ariego.free.fr/bataille.htm consulté le 23 mars 2014. ; "Rimont village martyr" in http://www2.ac-toulouse.fr/eco-cycl... , site consulté le 23 mars 2014 ; Wikipedia , entrée « Rimont » consultée le 23 mars 2014.

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