ZUSSY Bernard, Charles, Henri

Par Alain Dalançon

Né le 18 juin 1934 à Nancy (Meurthe-et-Moselle), mort le 13 avril 1999 à Saint-Dié (Vosges) ; professeur de lettres ; militant syndicaliste du SNES de l’académie de Nancy puis de Nancy-Metz ; militant du Parti socialiste, adjoint au maire de Saint-Dié-des-Vosges.

Bernard Zussy
Bernard Zussy
Congrès national du SNES 1978

Bernard Zussy était fils d’un journaliste de L’Est Républicain qui reprit l’agence de Saint-Dié en 1945. Très respectueux des diverses opinions, ce dernier illustra le renouveau de la presse régionale à la Libération ; il était surnommé le « journaliste des ruines », tant la ville de Saint-Dié avait été ravagée par les Allemands au cours de leur retraite en 1944 ; il trouva la mort dans un accident de moto au retour d’un reportage en 1951. Son épouse, sans profession, dut terminer seule l’éducation de ses trois enfants (deux garçons et une fille) dont Bernard était l’aîné.

Comme la plupart des enfants de sa génération, il fut baptisé, alla au catéchisme et fit sa première communion mais ses parents l’envoyèrent à l’école communale laïque. Très bon élève, il passa par le petit lycée Raymond Poincaré de Nancy avant d’entrer en 6e en 1945 au lycée Jules Ferry de Saint-Dié, où il fit toutes ses études secondaires. Devenu bachelier en 1952 (série philosophie avec latin et grec), il entama à la Faculté des Lettres de Nancy des études supérieures de lettres classiques pour lesquelles il avait depuis longtemps beaucoup de goût, grâce à une bourse. Il réussit tous ses examens avec mention, fut licencié ès lettres en juin 1955 et diplômé d’études supérieures en novembre 1956 : son mémoire principal sur la dramaturgie dans l’œuvre de Paul Claudel lui valut le prix de l’Académie Stanislas.

Au cours de cette année 1956, il avait préparé en même temps le concours du certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement de second degré de lettres classiques, auquel il fut reçu en juin, ce qui lui permit d’être stagiaire au centre pédagogique régional de Nancy en 1956-1957. Il se maria à l’église au mois de décembre avec Anne-Marie Antoine, qui devint elle aussi professeur certifiée de lettres modernes, avec laquelle il eut une fille devenue kinésithérapeute.

Bernard Zussy commença sa carrière de professeur certifié de lettres classiques au lycée Buvignier de Verdun (Meuse) de 1957 à 1960, puis fut affecté au lycée Jules Ferry de Saint-Dié qu’il avait fréquenté durant toute sa scolarité, où il fut rejoint par son épouse en tant que collègue. Il y demeura jusqu’à sa retraite prise en 1994 au grade de certifié hors-classe.

Sa carrière professionnelle fut interrompue par deux années passées sous les drapeaux. Affecté au 156e Régiment d’infanterie du Train en juillet 1961, il fut élève officier de réserve à l’École d’application du Train dont il sortit aspirant, puis fut affecté à Landau (République fédérale allemande) de mai à juillet 1962 et ensuite au Sahara (21e G.A.S, In Amguel) d’août 1962 à janvier 1963. Il y fut promu au grade de sous-lieutenant (octobre 1962) et reçut la médaille commémorative avec agrafe Algérie-Sahara. En 1964, il obtint le grade de lieutenant de réserve.
De retour à la vie civile, Bernard Zussy s’engagea dans le militantisme syndical au Syndicat national de l’enseignement secondaire auquel il avait adhéré dès le début de sa carrière. Il se reconnaissait dans le courant « B » « Unité et Action », auquel il resta toujours fidèle. Il fut d’abord secrétaire de son S1 (section d’établissement) – responsabilité qu’il conserva jusqu’à sa retraite – dans un département où la tendance majoritaire des « autonomes » était encore bien implantée à la fin des années 1960, en raison notamment de la personnalité de Jean Duseux.

Lors des élections à la commission administrative nationale de 1967, les deux courants « autonome » et U-A firent à peu près jeu égal dans l’académie de Nancy, avec une légère prédominance pour le premier : un exécutif hétérogène de la section académique(S3) dirigé par Jean Duseux et Robert Genton pour U-A avec Bernard Zussy, fut donc mis en place et fonctionna sans heurts jusqu’aux élections suivantes de 1969 où U-A devint majoritaire. Dès lors la cohabitation cessa dans le S3. Robert Genton devint secrétaire général et Bernard Zussy secrétaire administratif ; ce dernier était socialiste, membre de la Convention des institutions républicaines, et allait adhérer au nouveau Parti socialiste dès sa création en 1971, tandis que Genton militait alors au Parti communiste français. Les deux militants s’entendirent très bien pour diriger le S3 à l’époque du Programme commun de la gauche, en animant une équipe dont les cadres se renouvelaient vite.

Le 12 décembre 1971, juste après le congrès de la FEN (30 novembre-3 décembre 1971) qui fut le théâtre d’une confrontation sévère entre la majorité « autonome » et la minorité U-A, Zussy écrivit une lettre à François Mitterrand, Premier secrétaire du PS, dans laquelle il s’inquiétait de la propension à aligner les thèses du parti en matière d’éducation nationale sur celles de la tendance autonome de la FEN, notamment au sujet de la formation des maîtres ; il témoignait aussi qu’en tant que militant U-A, il ne s’était « jamais senti en contraction avec les thèses socialistes », qu’il n’avait jamais été soumis à des pressions et que l’assimilation d’U-A au PC relevait d’une « mauvaise information, pour ne pas dire de calomnie ».

Zussy conserva sa responsabilité académique jusqu’en 1989, alors que plusieurs militant(e)s s’étaient succédés au poste de secrétaire général du S3 (après Genton, Bernard Flageollet, Régine Michel). Il fut en même temps membre titulaire de la CA nationale de 1969 à 1983, siégeant régulièrement dans la commission des conflits au titre d’U-A.
Son souci de l’unité, son sens de l’écoute, sa sérénité rassurante lui permirent de faciliter le bon fonctionnement du S3. Il acquit en même temps auprès de l’administration rectorale une grande écoute en raison de sa connaissance des problèmes personnels et des spécificités locales et fut commissaire paritaire académique des certifiés de 1969 à 1993.
Bernard Zussy n’était pas seulement un syndicaliste compétent dans le domaine corporatif. Très attaché à la qualité de l’enseignement, il fut un vigoureux défenseur des « langues anciennes » qu’il enseignait, notamment du grec. Il ne se reconnaissait pourtant pas dans une défense surannée de l’enseignement de la culture classique ; dans son lycée, il fut animateur avec son épouse d’un club de théâtre, de 1964 à 1972, et fut secrétaire du groupement culturel (activités périscolaires) durant 30 ans. Tout en faisant fonctionner le club Budé (1981-1994), il était très ouvert à la culture moderne et aux débouchés concrets de l’enseignement dans la vie professionnelle, ce qui le conduisit à enseigner en classe de techniciens supérieurs à partir de 1989. Ses qualités de professeur d’une grande culture, attentif à la réussite de tous les jeunes étaient reconnues, autant par ses élèves que par l’inspection qui le nomma conseiller pédagogique.

Bernard Zussy était également un militant socialiste connu dans son département et sa ville de Saint-Dié. Il prit des responsabilités de plus en plus importantes après sa retraite et devint secrétaire de section et premier secrétaire adjoint de la fédération du PS des Vosges, se reconnaissant dans la tendance majoritaire (Jospin) de 1994 à 1997. Il s’engagea surtout dans la vie municipale, fut adjoint au maire de Saint-Dié, mettant au service de sa ville l’expérience acquise dans sa vie professionnelle et syndicale : il était chargé du personnel et des ressources humaines lors de son premier mandat de 1989 à 1995, auprès du maire Christian Pierret ; puis de la solidarité, de 1995 à son décès, auprès du maire Robert Bernard qui succéda à Christian Pierret devenu secrétaire d’État à l’Industrie dans le ministère Jospin. À ces divers titres, il était vice-président du CA du Centre communal d’action sociale (CCAS), et vice-président du Conseil régional de l’UNCCAS ; il était en outre président du comité de pilotage du centre hospitalier. Au cours de ses mandats d’élu municipal, il garda le souci de l’éducation de la jeunesse : il représentait le maire dans divers CA de lycées et écoles maternelles, il fut aussi le président fondateur en 1991 de l’association « Bison prudent » visant à la prévention routière dont les règles étaient enseignées aux enfants des écoles et des collèges sur une piste spécialement aménagée.

Bernard Zussy décéda brusquement. Ses obsèques uniquement civiles furent suivies par une foule nombreuse. Un hommage lui fut rendu à la mairie de Saint-Dié par son ami Christian Pierret et par le maire Robert Bernard. La municipalité lui dédia une mosaïque, œuvre de Jean Bazaine, placée sur la façade de l’Espace François Mitterrand, baptisée « l’Envol de la Liberté », dédicace symbolique de l’attachement de ce professeur humaniste et militant de la Ligue des Droits de l’homme, à la liberté, à la justice sociale et à la laïcité.

Il était officier des Palmes académiques et chevalier de l’ordre national du Mérite.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article176179, notice ZUSSY Bernard, Charles, Henri par Alain Dalançon, version mise en ligne le 24 octobre 2015, dernière modification le 5 février 2017.

Par Alain Dalançon

Bernard Zussy
Bernard Zussy
Congrès national du SNES 1978

SOURCES : Arch. IRHSES (divers fonds congrès, CA, relations S3, tendances…). — Arch. Fondation Jean-Jaurès, FJJ 13 EF 88. — Bulletin municipal de la Ville de Saint-Dié. — Bulletin de la fédération des Vosges du PS. — Renseignements fournis par son épouse. — Notes de Jacques Girault.

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