GRANGE Jean, Pierre

Par Daniel Grason

Né le 29 décembre 1913 à Yermenonville arrondissement de Chartres (Eure-et-Loir), tué au combat le 23 août 1944 à Paris (IXe arr.) ; bûcheron, militaire, gardien de la paix ; F.F.I.

Fils de Jules et de Julia Cécile, née Fourmilleau, Jean Grange alla à l’école primaire de son village natal, il obtint le CEP à l’âge de douze ans. Il travailla aussitôt avec son père et son frère comme tâcheron, puis bûcheron à l’abattage du bois pour la scierie installée sur la commune. Un travail qu’il décrivit ainsi quelques années plus tard : « Ce travail qui était très dur était bien rétribué, seulement en hiver les trop nombreuses intempéries étaient nos ennemies, très souvent nous restions des journées entières sans pouvoir travailler ce qui réduisait beaucoup notre salaire de fin de mois ».
La mévente du bois, ne lui laisser présager peu de perspectives professionnelles, il décida de contracter un engagement de deux ans dans l’armée. Le 12 avril 1934, il fut incorporé au 404e Régiment d’artillerie de Défense contre aéronefs (DCA). Il fit les pelotons de brigadiers et de sous-officiers, fut nommé brigadier à son sixième mois d’armée, puis le douzième mois brigadier-chef, enfin le mois suivant maréchal des logis. Il passa avec succès l’examen du permis de conduire automobile et poids lourds. Il postula dès le 28 janvier 1936, sur les conseils de son frère gardien de la paix dans le VIIIe arrondissement de Paris, un emploi de gardien auprès de la préfecture de police. Libéré le 11 avril 1936, sans réponse positive, il retourna à l’abattage du bois avec son père. Il confirma le 16 décembre 1937 sa demande d’embauche.
Il commença le 31 janvier 1938 au commissariat du IXe arrondissement de Paris, il était très motivé, il écrivit dans sa biographie : « J’ai choisi cet emploi non pas pour venir me reposer ou me promener dans les rues de Paris, mais avec le désir de pouvoir rendre service à tous les citoyens de France et des pays étrangers qui viennent en si grand nombre pour visiter notre beau et grand Paris ».
Marié à Andrée Legris, sténodactylographe, le couple habitait à Jouy-sur-Eure (Eure), il déménagea au 6 rue de l’Agent-Bailly à Paris (IXe arr.), et en 1943 au 3 rue du Cambodge (XXe arr.). Affecté à la voie publique, Jean Grange fut immédiatement bien noté par ses supérieurs pour son « exactitude », son sens de la « discipline », son « activité » et son attention « aux ordres ». En 1941, il était apprécié comme un « très bon gardien », noté 16. L’année suivante, il exprima le souhait de devenir inspecteur de la police judiciaire. Le commissaire lui attribua la note 17 : « Energique, apte au commandement. Très bon élément, intelligent, actif et sérieux. Donne entière satisfaction ». Son activité en 1943 confirmait ces appréciations : « Très bon élément, doit réussir », noté 17. Le 17 mars 1944, il se porta candidat à l’emploi d’inspecteur dans le service de l’identité judiciaire.
Le 23 août 1944, un groupe franc sous les ordres du gardien de la paix Borne, composé des brigadiers Désiré Guilbert et Thomas de six gardiens de la paix : Chomaudon, Chauvier, Courty, Courdil, Vignals et Coulaud. Deux soldats allemands armés de mitraillettes, revolver en main et grenades à la ceinture qui marchaient rue Lafayette furent repérés par les policiers, ces derniers se postèrent rue Drouot.
Le brigadier Thomas s’avança rue Buffault armé du seul fusil que possédait le groupe, tira sur l’un des soldats le blessant à l’épaule gauche. Le deuxième soldat était blessé à la cuisse par une balle de revolver. Une automitrailleuse allemande passa, échanges de coups de feu, le véhicule ne s’arrêta pas.

Les deux soldats allemands s’étaient réfugiés dans un immeuble, 27 rue Drouot. Désiré Guilbert et Jean Grange n’écoutant que leur hardiesse pénétrèrent dans l’immeuble, ils furent fauchés par des rafales de mitraillettes, Guilbert tomba au pied de l’escalier, Grange s’affaissa dans le couloir. Le revolver du gardien Chomaudon s’enraya, il se replia avec les autres policiers. Le brigadier Robert Thomas parlementa avec les deux allemands, l’un parlait couramment le français, le brigadier s’avança, un soldat allemand refusa de lâcher son arme, il fut désarmé quand il sortit de la maison par le chef de groupe Borne.
Le 28 août Jean Grange fut inhumé au cimetière parisien de Pantin (Seine, Seine-Saint-Denis). Le jeudi 11 janvier 1945, son corps était exhumé et ré-inhumé dans le caveau familial au cimetière du Père Lachaise. Une délégation dirigée par un commissaire, un officier, un inspecteur, un inspecteur principal adjoint, deux brigadiers et vingt gardiens de la paix des IXe, Ier, IIe et XVIIIe arr. accompagnaient sa veuve Andrée Grange.
Déclaré « Victime du devoir », Jean Grange fut cité à l’Ordre de la Nation (JO du 20 décembre 1944), décoré de la Légion d’Honneur (JO du 3 janvier 1945). Le ministère des Anciens combattants lui attribua la mention « Mort pour la France », et l’homologua F.F.I. En 1957 la Médaille d’honneur de la police lui était attribuée.
Son nom figure sur le Monument aux morts de Jouy (Eure), sur la plaque à la mémoire des combattants du IXe arrondissement morts pour la Libération de Paris, sur le monument commémoratif dans la cour de la mairie du IXe arrondissement au 6 rue Drouot, sur la liste des policiers morts pour la Libération de Paris au Musée de la police 4 rue de la Montagne Sainte-Geneviève à Paris (Ve arr.), enfin sur la plaque commémorative au 27 rue Drouot :
« Ici le 23 août 1944 le Brigadier Guilbert Fernand [Désiré] et le Gardien de la paix Grange Jean-Pierre du 9ème arrondissement ont trouvé une mort glorieuse pour la Libération de Paris ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article176254, notice GRANGE Jean, Pierre par Daniel Grason, version mise en ligne le 25 octobre 2015, dernière modification le 12 janvier 2021.

Par Daniel Grason

SOURCES : Arch. PPo. BA 1801, KC 17. – SHD, Caen AC 21 P 198961. – Bureau Résistance : GR 16 P 267934. – Christian Chevandier, Été 44. L’insurrection des policiers de Paris, Éd. Vendémiaire, 2014. – « Au cœur de la Préfecture de Police de la Résistance à la Libération », Sous la dir. de Luc Rudolph, Directeur honoraire des services actifs, Éd. LBM, 2009. – Site internet GenWeb.
PHOTOGRAPHIE : Arch. PPo.

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