TERSEN Émile, Gustave, Henri

Par Jacques Girault

Né le 12 septembre 1895 à Lille (Nord), mort le 14 mars 1974 à Paris (XVe arr.) ; professeur d’histoire à Paris ; résistant ; militant communiste.

Fils de Marie Slosse, Émile Tersen fut reconnu après le mariage de ses parents en mars 1900 ; son père était représentant de commerce. Bachelier (série Philosophie) en 1914, il entra en classe de première supérieure au lycée Louis le Grand à Paris en octobre 1914 et fut mobilisé le 19 décembre 1914 dans les chasseurs à pied. Blessé en mai 1915 puis en juin 1918, il fut démobilisé en septembre 1918 avec le grade de lieutenant. Il termina sa licence d’Histoire en 1920 et fut reçu à l’agrégation d’histoire-géographie en 1922 (classement spécial des anciens combattants).

Professeur au lycée de Châlons-sur-Marne (Marne) en 1920, Émile Tersen se fit remarquer en mai 1922 pour avoir prononcé à l’Hôtel de ville de Châlons « des conférences politiques très suivies » selon l’expression du recteur. Nommé au lycée Malherbe à Caen (Calvados) en 1922, il fut félicité par son inspecteur, en 1927, pour ses « cours très vivants ». Aussi fut-il admis dans le cadre parisien et nommé en 1928 professeur au lycée Buffon.

Émile Tersen se maria en septembre 1922 à Paris (XIIe arr.). Le couple eut un fils en 1928 et habitait à partir de 1938 square Charles Laurent dans le XVe arrondissement. En 1930, il obtint la classe préparatoire au concours des Hautes études commerciales et complétait son service dans les autres classes. En 1937, il fut muté au lycée Lakanal à Sceaux où il enseigna en classe de première supérieure et de mathématiques élémentaires.

Mobilisé de septembre 1939 à juillet 1940 comme capitaine au service géographique de l’armée, il fut affecté à titre provisoire au lycée Henri IV en octobre 1940 pour remplacer en classe de coloniale le titulaire Henri Brunschwig, prisonnier en Allemagne. En 1942, il ajouta à son service des cours de première supérieure au collège Fénelon.

Homme de gauche Émile Tersen participa, avec les intellectuels antifascistes, aux initiatives du Front populaire. Opposé à l’occupant, il aurait été absent dans le courant de 1942, selon le témoignage de Bernard Langevin, élève au lycée Henri IV (l’Humanité, 10 novembre 2010). En effet, dénoncé comme « ayant proféré des propos anti-allemands », il dut se cacher pendant quelque temps. L’année suivante, après avoir, selon la dénonciation, « fait dans son cours à Fénelon de la propagande anti-allemande », il fut interrogé par la Gestapo le 4 mai 1943. Il invoqua pour sa défense le devoir de réserve imposé à un professeur. Aucune poursuite ne s’ensuivit mais il préféra entrer dans la clandestinité.

Engagé dans la Résistance, Émile Tersen fut maintenu au lycée Henri IV à la Libération, puis fut muté par décision rectorale au lycée Louis le Grand en février 1945, affecté dans la classe de Khâgne où il enseigna jusqu’à sa retraite en 1960.

Selon un rapport des Renseignements généraux en 1951, Émile Tersen jouissait d’une « réputation flatteuse ». Ne s’affichant pas comme adhérent du Parti communiste français, alors qu’il en était membre depuis la Libération, membre du cercle des historiens marxistes, il faisait partie du groupe des intellectuels apportant son soutien au camp socialiste (son Que sais-je ? Histoire de la Hongrie édité en 1955 en témoignait) et aux mouvements de gauche en France. Il était en effet secrétaire général puis vice-président des Amitiés franco-polonaises, membre du comité national de France-URSS. Membre du comité de rédaction de la revue Europe, il collaborait aux revues du PCF en publiant des articles d’histoire (ainsi dans La Nouvelle Critique en juin 1954, « Luttes sociales et idéologiques politiques en France au XIXe siècle » ou en novembre 1959, participation à un article collectif « L’université et l’avenir de la nation »). Quand, dans le cadre de la semaine de la pensée marxiste en 1959, l’Union des étudiants communistes organisa à Paris une réunion pour définir ce qu’était un professeur communiste, il apporta son témoignage. Il fit partie de la commission d’histoire chargée de rédiger l’histoire de la Résistance (décision du secrétariat du PCF du 25 mai 1960) puis de celle qui participa à la rédaction du Manuel d’histoire du PCF paru en 1964.

Sa notoriété s’affirmait par son rôle dans le cercle élargi des historiens s’intéressant à l’histoire sociale. Il était, avec Rémy Gossez, le secrétaire de la Société d’Histoire de la Révolution de 1848 à partir de sa première réunion, sa “résurrection“ selon l’expression de Tersen, le 24 février 1946. Il présida une sous-commission chargée des publications dans le cadre du Centenaire. Il signa une contribution, Le gouvernement provisoire et l’Europe. Cette responsabilité fut à l’origine de l’invitation par le Comité général polonais du centenaire du Printemps des peuples à prononcer en février 1948 des conférences en Pologne. Toutefois, il prit des distances lors des manifestations officielles de février 1948 que le PCF critiquait maintenant.

Au début des années 1950, il devint membre du comité exécutif de l’Institut français d’histoire sociale qui jouait le rôle de comité de rédaction du bulletin Actualité de l’histoire. Ce comité lui demanda une communication sur le communisme. Le secrétariat du PCF, saisi de la question, donna son accord et décida, le 24 juin 1955, de faire examiner son texte « avant d’être édité » par quatre militants de la commission des intellectuels. Souvent absent aux assemblées d’études de l’IFHS, à la fin de 1958, il demanda « à être relevé de ses fonctions au bureau » de l’IFHS qui remplaçait le comité exécutif.

Ses publications variées témoignent de ses engagements et aussi de son activité enseignante. Il fut éditeur scientifique de textes choisis de Victor Schœlcher sous le titre Esclavage et colonisation dans les “Classiques de la colonisation“ (Paris, PUF, 1948) avec une introduction d’Aimé Césaire, ouvrage qui résultait aussi de son enseignement sur l’histoire coloniale. On lui confia aussi la rédaction d’un Que sais-je ? sur l’Histoire de la colonisation (1950). Son rôle d’éditeur lui donna l’occasion de présenter les trois tomes des Misérables, de Victor Hugo (Club des amis du livre progressiste, 1962). Avec son ami Jean Bruhat, il dirigea la publication de La Commune de 1871 aux Éditions sociales en 1960, qui eut une deuxième édition en 1970. L’ancrage de ses travaux sur l’histoire sociale du XIXe siècle s’accompagna de nombreux articles justifiant sa place dans les études sur la Révolution de 1848, depuis la biographie de Napoléon (Club français du Livre, 1968) ou dans la même série 1848 ou Garibaldi. Il reçut une commande du gouvernement pour la célébration de cette révolution pour effectuer des recherches historiques, avec Pierre Kast, pour la documentation d’un film de Jean Grémillon qui aurait pour titre « Le Printemps de la Liberté ». Mais quelques mois plus tard, ce projet fut abandonné et remplacé par une émission radiophonique en juillet 1948. Il témoigna de ces productions dans un article de L’Écran français en novembre 1948 sous le titre « 1848 indésirable au cinéma ». Enfin, Émile Tersen, enseignant, participa à une collection de manuels d’Histoire pour la période contemporaine aux éditions Delagrave.

Le secrétariat du PCF le désigna, le 17 mai 1960, pour être candidat à la direction du Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et pour la Paix.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article176270, notice TERSEN Émile, Gustave, Henri par Jacques Girault, version mise en ligne le 25 octobre 2015, dernière modification le 21 septembre 2022.

Par Jacques Girault

SOURCES : Arch. Nat, F7 15483, dossier 1705, F17/ 27781. — Arch. du comité national du PCF — Thomas Snégaroff, « D’un centenaire à l’autre : la Société d’histoire de la révolution de 1848 et le centenaire de la révolution de 1848 », Revue d’histoire du XIXe siècle, janvier 2005. — Note critique dans La Révolution prolétarienne, n° 405, avril 1956, p. 3. — Notes d’Alain Dalançon, de Gérard Leidet, de Rossana Vaccaro et de Claude Willard.

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