TESSIER Gilbert

Par Alain Dalançon

Né le 13 septembre 1905 à Saint-Symphorien (Tours) (Indre-et-Loire), mort le 29 juin 1970 à Issoudun (Indre) ; professeur ; militant syndicaliste avant-guerre de la CGT et du SPES, militant du SNES après la guerre, membre du BN, secrétaire des S3 de Poitiers puis d’Orléans-Tours ; secrétaire de la section départementale de la FEN de l’Indre ; militant de la Ligue de l’enseignement ; conseiller municipal d’Issoudun.

Gilbert Tessier, congrès du SNES années 1960

Fils de Marie-Louise Sicaut, couturière, Gilbert fut reconnu par René, André Tessier, caporal au 3e régiment d’infanterie coloniale de Rochefort, lors de leur mariage, le 6 mai 1914 à Saint-Symphorien.

Il effectua ses études secondaires au lycée Descartes de Tours, où il obtint le baccalauréat en 1924. Il entama ensuite des études supérieures de lettres à la faculté de Poitiers (Vienne), tout en étant maître d’internat au collège du Blanc (Indre) à partir de 1925. Il débuta sa carrière d’enseignant en lettres en 1928 comme délégué rectoral au collège de Saint-Maixent (Deux-Sèvres).

Après son service militaire effectué d’octobre 1929 à mars 1931, terminé au grade lieutenant de réserve, il termina sa licence de lettres en novembre 1931, ce qui lui permit d’être titularisé comme répétiteur puis immédiatement après, en décembre de la même année, d’être nommé professeur délégué ministériel au collège d’Issoudun (Indre), établissement où il effectua toute sa carrière jusqu’à sa retraite en 1966. Titulaire d’un diplôme d’études supérieures obtenu à Poitiers en 1937, il fut admissible à l’agrégation des lettres en 1939 et intégré dans le corps des professeurs certifiés après la guerre.

Il épousa à Issoudun le 18 septembre 1933, une institutrice, Arlette, Félicienne, Andrée, Michelle Cayet avec laquelle il eut un fils, Christian. Ils habitèrent d’abord les écoles de filles où elle enseignait : Reuilly puis Thizay jusqu’en 1938. Ensuite ils résidèrent 30, rue du Juge de Paix à Issoudun puis, à partir de 1956, dans un nouveau quartier pavillonnaire, 36, rue des Champs d’Amour.

Gilbert Tessier commença à militer en 1925 au Syndicat des maîtres d’internat puis au Syndicat des professeurs de collèges de la Fédération générale de l’enseignement CGT. Dès 1932, il fut l’un des animateurs dans l’Indre de la lutte contre la Ligue des contribuables. Il se consacra à la lutte antifasciste au sein du Comité Amsterdam-Pleyel et le comité d’Issoudun le délégua, en juin 1933, au congrès européen de Paris. Gréviste le 12 février 1934, il organisa avec les syndicats ouvriers la manifestation d’Issoudun, ce qui lui valut « quelques ennuis » avec sa hiérarchie. En janvier 1936, il prit la parole au congrès antifasciste régional. Selon le journal communiste L’Émancipateur, il fit « certaines réserves sur le Rassemblement populaire » prétendant que le Front populaire était « un nouveau Cartel des gauches ». Cette prise de position ne l’empêcha pas d’être élu, la même année, secrétaire général de l’Union locale CGT d’Issoudun. Il anima les grèves de juin et organisa le ravitaillement des ouvriers qui occupaient les usines de confection. Gilbert Tessier démissionna pourtant le 16 janvier 1937. Il était encore assimilé dans un rapport du 19 mai 1937 du secrétaire de la région communiste à une sorte d’« anarchiste ». L’administration le sanctionna en 1938 pour participation à la grève du 30 novembre. Il militait alors au Syndicat du personnel de l’enseignement secondaire de la FGE-CGT et en fut un des responsables de la section académique de Poitiers.

Mobilisé en 1939 comme lieutenant au 435e Régiment de pionniers, Gilbert Tessier fut fait prisonnier le 20 juin 1940 lors de la « bataille de la Somme ». Captif à l’Oflag XIII A à Nuremberg (Allemagne), il s’investit dans des cours à ses camarades de captivité et fut rapatrié sanitaire en février 1944. À la Libération, le comité de libération d’Issoudun lui confia la rédaction en chef du journal Le Républicain d’Issoudun imprimé chez H. Gaignault et fils, qui remplaça le bi-hebdomadaire conservateur et collaborateur, L’Echo des Marchés du Centre.

Selon son vœu exprimé en mars 1945, il fut candidat à un poste d’inspecteur départemental des mouvements de jeunesse et d’éducation populaire, mais il resta enseignant. Président du groupe des professeurs de son collège avant-guerre, ses collègues le désignèrent comme leur représentant au conseil intérieur. Il participa activement à la mise sur pied du nouveau Syndicat national de l’enseignement secondaire. Dans les années qui suivirent, il était très attentif au maintien de l’unité des forces progressistes au plan politique comme au plan syndical. Au moment des grèves de novembre 1947, après l’affrontement au CCN de la CGT entre majoritaires et minoritaires, il fit voter le 17 novembre une motion par sa section d’établissement (S1), publiée au début de l’année 1948 dans L’Université syndicaliste, où était soulignée la nécessité de l’unité : « le syndicalisme doit être la grande force populaire qui proposera dans le domaine économique et financier les solutions de la classe ouvrière […] il n’atteindra ce but qu’en répudiant les querelles de tendances […] c’est par son unité et seulement par son unité qu’il sera à même de remplir la tâche que les travailleurs attendent de lui. » Il se résigna quelque temps plus tard à l’autonomie du SNES et de la Fédération de l’Éducation nationale car elle seule permettait de maintenir l’unité des personnels et de leurs syndicats défenseurs de la laïcité.

Il succéda à Jean Seinguerlet comme secrétaire de la section (S3) de la grande académie de Poitiers à partir de 1948. Candidat en 1949 à la commission administrative nationale sur la liste « A » des majoritaires « autonomes », il en fut élu titulaire en 1950 et devint membre du bureau national et secrétaire de la commission laïque en 1951. Élu suppléant à la commission administrative paritaire nationale des certifiés en 1952, puis titulaire, il siégea longtemps en tant qu’élu du personnel. Il était aussi élu au Conseil académique depuis 1952.

Parallèlement à son militantisme syndical, Gilbert Tessier était engagé dans la vie politique municipale. Homme de gauche, mais sans affiliation partisane, il consacra tous ses efforts à tenter de réunir les différents courants antagonistes qui la traversaient dans les années d’après Libération, pour s’opposer plus efficacement à la « droite réactionnaire ». Il soutenait ce combat politique dans Le Républicain d’Issoudun dont il était rédacteur en chef et directeur. Il fut conseiller municipal à partir de 1949 sur la liste « Union républicaine et résistante de défense des intérêts communaux » lancée à l’initiative des communistes, pour faire face au « péril réactionnaire », menée par le député-maire sortant Marcel Peyrat. Il resta conseiller municipal de sa ville sous les mandats de René Caillaud (1949-1971).

En 1952, Gilbert Tessier passa sur la liste « B » (« cégétistes » et « non-cégétistes ») du SNES, dont il occupa la seconde position derrière le communiste Louis Guilbert. Sans être jamais adhérent individuel de la FEN-CGT, il resta co-tête de liste avec ce dernier en 1953, fut seul tête de liste en 1956, puis redevint co-tête de liste avec Guilbert en 1958 et 1960. Avant la tenue du congrès national du SNES de Pâques 1962, en tant que responsable de la tendance « B, Unité et Action » qui traversait alors quelques turbulences, il rappela dans une circulaire que la tendance « était née de la volonté d’un certain nombre de collègues de s’opposer à un anticommunisme systématique et d’unir dans l’action des communistes et des non-communistes en accord sur des principes essentiel. Cette volonté d’union, ce désir de ne pas laisser isoler des camarades parce qu’ils sont communistes me semblent plus nécessaire aujourd’hui que jamais. », ce qui ne devait pas empêcher « la liberté de vote qui a toujours été la règle de la tendance. »

Il resta membre de la CA et du BN du SNES jusqu’en 1966 au titre de la liste « B » U-A. Il était en même temps toujours secrétaire du S3 de Poitiers et le demeura jusqu’à la réforme de la carte des académies en 1961. André Dufour qui l’avait épaulé et dont le parcours comportait bien des points communs (notamment prisonnier de guerre et militant de l’ARAC et du Mouvement de la paix) lui succéda. Il devint alors secrétaire du S3 de la nouvelle académie d’Orléans-Tours jusqu’en 1966.

Gilbert Tessier fut également secrétaire de la section départementale de l’Indre de la FEN à partir de 1947 jusqu’à sa retraite. Il participa en 1948 aux États généraux de la France laïque à Paris, en fut le délégué de son département, et siégea à la CA nationale fédérale de façon continue de 1954 à 1966, soit comme suppléant, soit comme titulaire.

Il se signala surtout comme un farouche défenseur de la laïcité et de la culture humaniste classique.

Il présida l’une des séances du congrès commun du Syndicat national de l’enseignement technique et du SNES donnant naissance en 1966 au nouveau SNES (classique, moderne, technique), fusion dont il avait été un ardent partisan. Il fut encore candidat en 3e position sur la liste « Unité et Action » aux élections à la CA nationale propres au SNES en 1966, et ne fut élu que suppléant dans la CA du nouveau syndicat comme retraité.

Il avait consacré aussi une grande partie de son temps aux activités post-scolaires dans le cadre de la Ligue de l’Enseignement, animant avec son épouse des activités artistiques, notamment de théâtre.

Après la guerre, Gilbert Tessier milita au Mouvement de la Paix. Il présidait par ailleurs dans son département l’Association républicaine des anciens combattants et était membre du bureau national de cette organisation.

Sa retraite prise, il continua de militer au sein de la section des retraités du SNES, toujours dans la tendance « Unité et Action ». Pierre Antonini et Edouard Patard, qui reconnaissaient en lui un initiateur, lui rendirent un chaleureux hommage dans L’US à la rentrée de septembre 1970 : « Orateur à la voix chaude et éloquente, il savait passionner et se passionner. »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article176334, notice TESSIER Gilbert par Alain Dalançon, version mise en ligne le 28 octobre 2015, dernière modification le 22 mars 2021.

Par Alain Dalançon

Gilbert Tessier, congrès du SNES années 1960

SOURCES : Arch. Nat., F17/28798. — Arch. mun. Issoudun (Stéphanie Gelfi). — RGASPI, 517/1/1863. — Arch. IRHSES (notamment cr. de congrès ; articles dans L’US, L’Enseignement public, Lettres internes de la liste B (Unité et Action) 1962-1967, suppl. à PdR n° 20). — L’Émancipateur, 1933-1937. — État civil de Saint-Symphorien-Tours et d’Issoudun. — Liste officielle des prisonniers de guerre n° 5 du 22 août 1940 (BNF Gallica). — Renseignements fournis par son fils et G. Thomas. — Notice DBMOF par Annie et Claude Pennetier. — Notes de Jacques Girault.

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