BAUDY Félix

Par Gilles Pichavant

Né le 18 septembre 1881 à Royère-de-Vassivière (Creuse), fusillé pour l’exemple le 20 avril 1915 à Manonville (Meurthe-et-Moselle) ; maçon à Lyon ; syndicaliste CGT.

Félix Baudy était maçon. Il fut contraint de quitter sa région pour trouver du travail comme beaucoup d’hommes des villages creusois. Il travailla donc sur les chantiers de Lyon avec des compatriotes, dont Henri Prébost originaire lui de Saint-Martin-Château, leurs deux communes creusoises étant voisines de Gentioux. Il adhéra au Syndicat des maçons et aides de Lyon et banlieue, affilié à la Confédération Générale du Travail.

Pendant la Première Guerre mondiale, tous les deux furent incorporés au 63e RI, dans la 5e Compagnie. Le 17 avril 1915, une attaque devait avoir lieu à Mort-Mare, dans la commune de Flirey (Meurthe-et-Moselle), afin d’enlever les derniers 200 mètres de tranchée encore occupés par les Allemands au centre d’une première ligne conquise quelques jours plus tôt avec la perte de 600 hommes. Un régiment détaché dans ce secteur depuis la fin de l’offensive le 11, devait la conduire. Les troupes d’assaut avaient été tirées au sort et le hasard désigna l’une des compagnies fortement malmenées les 3, 4 et 5 avril lors de combats précédents, sur la route de Thiaucourt (Meurthe-et-Moselle), alors que d’autres compagnies revenaient du repos. Au signal de l’attaque cette compagnie de 250 hommes refusa de partir à l’assaut : "Ce n’est pas notre tour d’attaquer", dirent-ils.

Furieux, le général Delétoile ordonna que les 250 soldats passent en Cour martiale pour être tous exécutés. Après l’intervention d’autres officiers, cinq hommes furent finalement désignés et comparurent dès le 19 avril, pour une parodie de procès. L’un d’eux fut acquitté. Deux hommes avaient été choisis par tirage au sort dont le soldat François Fontanaud. Les trois autres : le caporal Antoine Morange, et les soldats Félix Baudy et Henri Prébost auraient été désignés par leurs supérieurs en raison de leur appartenance syndicale à la CGT. À son défenseur commis d’office, Félix Baudy dit : « Mon lieutenant, mon père a fait la guerre de 70 et j’ai toujours fait mon devoir. » À ses juges il déclara : « J’ai toujours fait mon devoir de Français, mais ce n’était pas notre tour ; cependant, qu’on nous fasse recommander, nous marcherons ». Le procès fut expéditif. L’appel impossible.

Le 20 avril, le caporal Antoine Morange, les soldats Félix Baudy, François Fontanaud, et Henri Prébost, furent fusillés à la lisière d’un bois à Manonville (Meurthe-et-Moselle). L’abominable assassinat ordonné par le général fût exécuté par les propres frères d’armes des victimes, qui, la rage au cœur et les larmes aux yeux, sous la menace des mitrailleuses, lui crièrent : "Crapule, canaille, assassin".

Les corps de Prébost et Fontanaud furent rendus à leur famille le 17 novembre 1922. Ceux de Baudy et Morange ne furent restitués que le 19 mars 1923.

Dans les années 1920, de nombreuses campagnes pour la réhabilitation des fusillés de la grande guerre furent multipliées. Elles donnèrent lieu à de nombreuses interventions à l’assemblée nationale de députés communistes comme Marcel Cachin, André Marty ou Jacques Duclos, qui citèrent cette affaire emblématique dite de Flirey, ainsi que celles de Bergère-les-Sézannes, Vingré, Montauville, Souain, etc. Pendant la même période l’ARAC mena de nombreuses actions pour obtenir l’amnistie de tous les fusillés pour l’exemple ; le 11 novembre 1922, elle inaugura à Riom (Puy-de-Dôme), lors de son congrès national, un monument "aux victimes innocentes de Flirey, Fontenoy, Vingré, de Monteauville". De son coté, Eugène-de-Boeve, officier dans leur régiment, et qui avait été commis d’office pour un simulacre de défense, se démena pour obtenir leur réhabilitation, tellement il avait été horrifié par les condamnations et les exécutions. Les survivants du 63e RI pétitionnèrent de leur coté pour arracher leur réhabilitation.

En juin 1922, la chambre criminelle de la cour de cassation avait refusé, contre toute attente, la réhabilitation de ces quatre poilus. Il faudra attendre le 2 juin 1934, pour que la cour spéciale de justice militaire, saisie aux fins de révision, réhabilite les fusillés de Flirey par un arrêt rendu le 29 juin 1934.

Une plaque fut posée sur sa tombe, à Royère-de-Vassivière, par le Syndicat des maçons et aides de Lyon et Banlieue. On y lit : "Les maçons et aides de Lyon et Banlieue, à leur ami Baudy, fusillé innocent, le 20 avril 1915 à Flirey. Maudite soit la guerre ; maudits soient ses bourreaux. Baudy n’est pas un lâche, mais un martyr".

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article176504, notice BAUDY Félix par Gilles Pichavant, version mise en ligne le 4 novembre 2015, dernière modification le 3 novembre 2022.

Par Gilles Pichavant

SOURCES : Communication faite par M. Eugène de Boever à la conférence Mole-Tocqueville sur l’Affaire des Fusillés de Flirey, Paris : Impr. de Desfossés, (s. d.), In-8°, 8 p., Gallica.fr — Journal Officiel de la République française, débats parlementaires, compte rendu des séances des 20 mai 1921, 9 juillet 1924, 5 décembre 1927, etc. — L’Humanité, numéro du 13 novembre 1922. — Le Combattant indépendant : bulletin trimestriel de l’Association indépendante des anciens combattants, Roanne, juillet 1934. — Site Web Les monuments aux morts pacifistes. — Article Flirey de Wikipédia en français.

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