COHEN Denis

Par Paul Boulland

Né le 11 octobre 1953 à Melun (Seine-et-Marne) ; monteur électricien EDF ; syndicaliste CGT de région parisienne, secrétaire (1984-1989) puis secrétaire général (1989-1999) de la Fédération CGT de l’Énergie, secrétaire général de la Fédération nationale Mines-Énergie (1999-2003), membre de la commission exécutive confédérale de la CGT (1989-1999), directeur du développement de la Vie ouvrière (2003-2010) ; militant communiste, membre du comité national du PCF (1996-2003) ; vice-président délégué de Droit à l’énergie-SOS Futur !

Le grand-père paternel de Denis Cohen, rabbin, quitta l’Italie pour s’établir en Égypte où naquit le père de Denis Cohen. Celui-ci avait dix frères et sœurs. La famille fut expulsée d’Égypte lors du premier conflit israëlo-égyptien en 1948, et le père de Denis Cohen gagna la France où il travailla comme monteur-téléphoniste chez Ericsson. Du côté maternel, la famille de Denis Cohen était d’origine espagnole. Sa grand-mère éleva seule ses deux filles et son fils. Ce dernier prit part à la Résistance et s’engagea ensuite dans l’armée avant de mourir au cours de la guerre d’Indochine. Second fils du couple, Denis Cohen grandit dans une citée HLM de Colombes (Seine, Hauts-de-Seine), jusqu’au milieu des années 1960, puis à Melun, dans un environnement familial largement ouvert à la culture, notamment par l’intermédiaire de son père, et dans un environnement social et politique marqué par l’influence du Parti communiste. Ses parents étaient tous deux électeurs du PCF, son père exprimant toutefois certaines réserves sur les positions du parti à l’égard d’Israël. Dès l’âge de quatorze ans, Denis Cohen participa aux activités des Jeunesses communistes, plus pour retrouver des jeunes gens de son âge qu’en raison d’un engagement précoce, selon son témoignage. Il poursuivit sa scolarité au lycée de Melun jusqu’en première. Après avoir tenté d’intégrer l’École normale d’instituteurs, il suivit l’exemple de son frère aîné, élève de l’école nationale des métiers GDF de Nantes-Montluc (Loire-Atlantique), et intégra l’école nationale des métiers EDF de Gurcy-le-Châtel (Seine-et-Marne), en avril 1970. Avec un petit groupe d’élèves, il créa au sein de l’école une « cellule clandestine », en pratique un simple lieu de discussions politiques entre camarades.

Denis Cohen entra à EDF en octobre 1972, comme monteur-électricien au service de Transport d’énergie de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Affecté dans une équipe d’entretien électrique entièrement composée d’agents syndiqués à la CGT, il adhéra aussitôt au syndicat et fut chargé de la diffusion de la Vie ouvrière. Dans le même temps, il rejoignit également le Parti communiste, à Paris, dans le XIe arrondissement et devint rapidement secrétaire de sa cellule. Il effectua son service militaire en 1973-1974, comme artilleur 2e classe. De retour au travail, il prit rapidement des responsabilités comme secrétaire de section syndicale et membre du bureau du syndicat de la production et du transport de région parisienne. Il continuait également de militer au PCF et intégra le comité de la section XIe-Popincourt. Plus tard, il constitua une cellule d’entreprise sur son lieu de travail.

En 1980, François Duteil demanda à Denis Cohen de lui succéder en tant que responsable du Centre fédéral de la jeunesse (CFJ) de la Fédération CGT de l’Énergie. Il devint alors permanent, à partir de 1981, à la fois comme secrétaire du syndicat de la région parisienne et comme secrétaire du CFJ. À ce titre, il fut également membre du Comité confédéral de la jeunesse (CCJ) de la CGT. Lors du XXVIIe congrès de la Fédération CGT de l’Énergie (Toulouse, juin 1982), il intégra le bureau fédéral, comme responsable du secteur « jeunes ». Dès juin 1984, il fut élu secrétaire fédéral à l’organisation par le conseil général de la fédération, en remplacement d’Henri Maupoil, qui quittait cette responsabilité afin de pouvoir continuer à siéger au conseil d’administration de Gaz de France. Denis Cohen effectua alors un stage de quelques mois auprès du secteur organisation de la confédération CGT, dirigé par Michel Warcholak. Il laissa à cette époque la responsabilité du CFJ à Frédéric Imbrecht. Reconduit au secrétariat par le congrès suivant (Mulhouse, février 1986), Denis Cohen était dès cette époque pressenti pour succéder à François Duteil, secrétaire général de la fédération mais aussi secrétaire confédéral depuis 1985. C’est dans cette perspective que Denis Cohen suivit en 1987 les cours de l’école centrale de quatre mois du PCF. De même, il intégra la commission exécutive confédérale à l’occasion du XLIIIe congrès de la CGT (Montreuil, mai 1989). Quelques semaines plus tard, il devint secrétaire général de la Fédération CGT de l’Énergie à l’issue de son XXXe congrès (Caen, juin 1989).

Le mandat de secrétaire général de Denis Cohen fut marqué par d’importantes transformations des industries électriques et gazières et par la confrontation à des enjeux complexes. Dans l’ouvrage Pour un syndicalisme durable (2003), Denis Cohen indique que sa conception du syndicalisme évolua au cours des années 1990, sous l’effet de plusieurs expériences. Il cite en premier lieu les deux mouvements de grèves majeurs de la période : celui de l’hiver 1986-1987, à l’issue duquel la CGT refusa de signer l’accord sur l’intéressement, et les mobilisations de 1995, également très dures mais conclues sans gain majeur pour les agents. Troisième fait marquant, l’annulation, après la plainte en justice de la CGT, de l’accord sur la réduction du temps de travail signé en 1997 par les fédérations CFDT, CFTC et CGC. Cette annulation créait notamment des difficultés pour les agents embauchés dans le cadre de l’accord et la CGT vit alors ses résultats aux élections professionnelles reculer de 2 %. Denis Cohen souhaita donc que la Fédération de l’Énergie abandonne le « syndicalisme bouclier » pour se rapprocher d’un « syndicalisme de proposition ».

La mise en œuvre de cette évolution renvoie plus largement à la position de Denis Cohen dans le contexte politique de cette période. Favorable à la « mutation » du PCF promue par Robert Hue, il, avait été élu au comité national du Parti communiste, à l’occasion de son XXIXe congrès (La Défense, décembre 1996). Quelques mois plus tard, après la victoire de la Gauche plurielle aux élections législatives de juin 1997, le PCF intégra le gouvernement. Cette situation nouvelle plaçait la Fédération CGT et son secrétaire général en face d’enjeux contradictoires. En janvier 1999, la signature de l’accord sur la réduction du temps de travail marqua à la fois un retour de la CGT sur le terrain contractuel et un succès politique majeur dans la mise en œuvre de la loi sur les 35 heures du gouvernement Jospin. Lors du XLVIe congrès de la CGT (Strasbourg, février 1999), Denis Cohen quitta la commission exécutive confédérale afin de permettre la mise en œuvre de la parité au sein des instances confédérales. Dans le même temps, la période fut aussi marquée par les débats liés à l’application des directives européennes sur l’énergie et par les mobilisations contre les menaces qu’elles faisaient peser sur le service public de l’énergie. Denis Cohen défendit l’hypothèse d’une « transposition de gauche » des directives européennes. La loi de transposition fut adoptée par l’Assemblée en mars 1999, la majorité des députés communistes s’abstenant. En juin suivant, il figura sur la liste « Bouge l’Europe ! » conduite par Robert Hue lors des élections européennes. Outre la gestion de ces dossiers et des tensions internes qui purent parfois en découler, l’année 1999 vit également aboutir le processus de fusion avec l’organisation des mineurs, conclu par le Ier congrès de la nouvelle Fédération nationale Mines-Énergie (Grenoble, octobre 1999), à l’issue duquel Denis Cohen fut réélu secrétaire général.
Les années 2002-2003 furent ensuite marquées par les mobilisations contre la réforme du régime de retraite des industries électriques et gazières voulue par le gouvernement Raffarin. Au terme des négociations, un « relevé de conclusions » fut soumis au vote des syndiqués puis de l’ensemble du personnel. Alors que Denis Cohen s’était exprimé en faveur de l’accord, il faisait face à des dirigeants fédéraux et confédéraux très partagés voire pour certains hostiles. Dans un contexte marqué par la double perspective d’une privatisation d’EDF-GDF et d’une réforme d’ensemble du système des retraites, l’accord fut rejeté par une majorité du personnel et des inactifs (53,4 %), le 9 janvier 2003. Le lendemain, face aux tensions internes, Denis Cohen soumit son mandat au vote du conseil général de la fédération, qui lui maintint sa confiance. Acceptant les résultats, la fédération refusa de signer l’accord. Denis Cohen quitta ses responsabilités de secrétaire général au IIe congrès de la FNME (Biarritz, octobre 2003) et fut remplacé par Frédéric Imbrecht.
Denis Cohen participa également au développement de la thématique du droit à l’énergie au sein de la Fédération CGT puis à son affirmation au-delà du cadre syndical et à l’échelle internationale, à travers l’ONG Droit à l’énergie SOS Futur ! qu’il contribua à créer en 2000. Désigné en 2009 pour représenter la Fédération CGT Mines-Énergie à son conseil d’administration, il en est le vice-président délégué.
En 2003, à la demande de Bernard Thibault, Denis Cohen devint directeur du développement de la Vie ouvrière, fonction qu’il occupa jusqu’en 2010. Il était chargé de la diffusion du journal de la CGT, du développement de nouveaux outils numériques et contribua à la création du journal Ensemble, destiné aux adhérents de la CGT. En 2010, il fut sollicité par Frédéric Imbrecht pour rejoindre le secteur des questions européennes dont il avait pris la responsabilité au sein du bureau confédéral. Reconduit au comité national du PCF jusqu’au XXXIIe congrès, Denis Cohen continue d’adhérer au Parti communiste. Il prend également part aux travaux de la Fondation Gabriel Péri.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article176506, notice COHEN Denis par Paul Boulland, version mise en ligne le 10 novembre 2015, dernière modification le 15 août 2023.

Par Paul Boulland

ŒUVRE : avec Pascal Pogam, Pour un syndicalisme durable, Paris, Le Cherche Midi, 2003. — avec Valère Staraselski, 1909-2009. Un siècle de Vie ouvrière, Paris, Le Cherche Midi, 2009.

SOURCES : Presse nationale. — D. Cohen, Pour un syndicalisme durable, Paris, Le Cherche Midi, 2003. — R. Gaudy, Les porteurs d’énergie, tome 2, Paris, Le Temps des cerises, 2009. — Entretien avec Denis Cohen, juin 2012.

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