PRÉBOST Jean, Henri

Par Gilles Pichavant

Né le 1er septembre 1884 à Saint-Martin-Château (Creuse), fusillé pour l’exemple le 20 avril 1915 à Manonville (Meurthe-et-Moselle) ; plombier ; syndicaliste CGT.

Fils de Léonard Prébost, maçon, et de Marie Lavergne, cultivatrice, Henri Prébost était plombier. Il fut contraint de quitter sa région pour trouver du travail comme beaucoup d’hommes des villages creusois. Il travailla donc sur les chantiers de Lyon et de sa banlieue avec des compatriotes, dont Félix Baudy, maçon, originaire lui de Royère-de-Vassivière (Creuse), leurs deux communes creusoises étant voisines de Gentioux. Il se maria le 26 décembre 1908 à Caluire-et-Cuire (Rhône) avec Marie Antoinette Tournère, et habitait Villeurbanne (Rhône). Il adhéra à son syndicat, affilié à la Confédération Générale du Travail.

Pendant la Première Guerre mondiale, ils furent incorporés au 63e RI, dans la 5e Compagnie. Le 17 avril 1915, une attaque devait avoir lieu à Mort-Mare, dans la commune de Flirey (Meurthe-et-Moselle), afin d’enlever les derniers 200 mètres de tranchée encore occupés par les Allemands au centre d’une première ligne conquise quelques jours plus tôt avec la perte de 600 hommes. Un régiment détaché dans ce secteur depuis la fin de l’offensive le 11, devait la conduire. Les troupes d’assaut avaient été tirées au sort et le hasard désigna l’une des compagnies fortement malmenées les 3, 4 et 5 avril lors de combats précédents, sur la route de Thiaucourt (Meurthe-et-Moselle), alors que d’autres compagnies revenaient du repos. Au signal de l’attaque cette compagnie de 250 hommes refusa de partir à l’assaut : "ce n’est pas notre tour d’attaquer" dirent-ils.

Furieux, le général Delétoile ordonna que les 250 soldats passent en Cour martiale pour être tous exécutés. Après l’intervention d’autres officiers, cinq hommes furent finalement désignés et comparurent dès le 19 avril, pour une parodie de procès. L’un d’eux fut acquitté. Deux hommes avaient été choisis par tirage au sort dont le soldat François Fontanaud. Les trois autres : le caporal Antoine Morange et les soldats Félix Baudy et Henri Prébost auraient été désignés par leurs supérieurs en raison de leur appartenance syndicale à la CGT. À ses juges il déclara : « Nous ne sommes pas sortis parce que ce n’était pas notre tour ». Le procès fut expéditif. L’appel impossible.

Le 20 avril, le caporal Antoine Morange, les soldats Félix Baudy, François Fontanaud, et Henri Prébost, furent fusillés à la lisière d’un bois à Manonville (Meurthe-et-Moselle). L’abominable assassinat ordonné par le général fût exécuté par les propres frères d’armes des victimes, qui, la rage au cœur et les larmes aux yeux et sous la menace des mitrailleuses, lui crièrent : "Crapule, canaille, assassin".

Les corps de Prébost et Fontaneaud furent rendus à leur famille le 17 novembre 1922. Ceux de Baudy et Morange ne furent restitués que le 19 mars 1923.

Dans les années 1920, de nombreuses campagnes pour la réhabilitation des fusillés de la grande guerre furent organisées. Elles donnèrent lieu à de nombreuses interventions à l’assemblée nationale de députés communistes comme Marcel Cachin, André Marty ou Jacques Duclos qui citèrent cette affaire emblématique dite de Flirey, ainsi que celles de Bergère-les-Sézannes, Vingré, Montauville, etc. De son coté, Eugène-de-Boeve, officier dans leur régiment, et qui avait été commis d’office pour un simulacre de défense, se démena de son coté pour obtenir leur réhabilitation, tellement il avait été horrifié par les condamnations et les exécutions. Les survivants du 63e RI pétitionnèrent de leur coté pour arracher leur réhabilitation.

Car en juin 1922, la chambre criminelle de la cour de cassation avait refusé, contre toute attente, la réhabilitation de ces quatre poilus. Il faudra attendre le 2 juin 1934, la cour spéciale de justice militaire, saisie aux fins de révision, réhabilita les fusillés de Flirey par un arrêt rendu le 29 juin 1934.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article176513, notice PRÉBOST Jean, Henri par Gilles Pichavant, version mise en ligne le 5 novembre 2015, dernière modification le 3 novembre 2022.

Par Gilles Pichavant

SOURCES : Communication faite par M. Eugène de Boever à la conférence Mole-Tocqueville sur l’Affaire des Fusillés de Flirey, Paris : Impr. de Desfossés, (s. d.), In-8°, 8 p., Gallica.fr. — Site Mémoire des hommes, fusillés de la 1er guerre mondiale, cote : SHD/GR 11 J 3216-1. — Cour spéciale de justice militaire 1ère et 2e partie. — Journal Officiel de la République française, débats parlementaires, compte rendu des séances du 20 mai 1921, 9 juillet 1924, 5 décembre 1927, etc. — Le Combattant indépendant : bulletin trimestriel de l’Association indépendante des anciens combattants, Roanne, juillet 1934. — site Web, Les monuments aux morts pacifistes : http://moulindelangladure.typepad.fr/monumentsauxmortspacif/ — Article Flirey de Wikipédia. — Article Saint-Martin-Château de Wikipédia. — Frédéric Mathieu, 14-18, les fusillés, Éditions Sébirot, 2013, p. 668, avec le cliché (supposé) de son exécution). — État civil en ligne de Saint-Martin-Château, Naissances, 4E238/18, 1873-1892, vue 91.

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