RENAUD Victor, Émile, Jacques, François, Marie

Par Michel Thébault

Né le 18 juin 1904 à Fougères (Ille-et-Vilaine), fusillé sur condamnation d’une cour martiale du régime de Vichy à la maison d’arrêt de Limoges (Haute-Vienne) le 23 juin 1944 ; artisan électricien ; résistant du réseau Alliance et de l’Armée Secrète (AS).

Fils de Jules, Ange Renaud, négociant en charbons, et de Marie Madeleine Rabu, sans profession, Victor Renaud fut orphelin très jeune, élevé par deux tantes qui lui donnèrent en Bretagne à Saint Lunaire (Ille-et-Vilaine) une éducation très catholique. Son premier emploi à l’usine électrique de Saint Lunaire lui permit d’acquérir une formation d’électricien. En 1930, il choisit de s’installer en Creuse à Saint-Sébastien où il se maria le 25 avril 1930 avec Georgette Lacôte. Artisan électricien, profession alors peu répandue dans le département (ce sont alors les débuts de l’électrification du département alimenté par le barrage d’Eguzon dans l’Indre où il travailla régulièrement), il s’intéressa également à la radio, elle aussi très rare dans les familles creusoises.

À la déclaration de guerre en septembre 1939, il fut mobilisé comme adjudant du génie. Blessé puis démobilisé, il rentra à Saint-Sébastien où il débuta aussitôt, dès l’été 40 une propagande patriote anti-vichyste : contre-propagande dans des mouvements sportifs de jeunesse et auprès de sa clientèle ; déclarations contre le régime de Vichy (préconisant même la grève de l’impôt au prétexte que le gouvernement qui le lève est illégitime), accrochage chaque 14 juillet et 11 novembre du drapeau tricolore à ses fenêtres, constitution d’une équipe de football, dont il arma plus tard les jeunes joueurs, qui entreront progressivement en résistance. Il livrait dans la région des postes TSF qu’il allait lui-même chercher chaque mois à Lyon, afin d’écouter Radio Londres. Il rejoignit dès janvier 1941, l’organisation de propagande du général Cochet, solidement ramifiée en Creuse à l’initiative d’un jeune avocat de Guéret (Creuse), Maître Nouguès. Le général Cochet fut arrêté et interné à Vals-les-Bains (Ardèche) où il eut comme voisin de cellule Loustanau-Lacau le fondateur d’Alliance. Il put ainsi s’évader de France grâce à Alliance à la mi-décembre 1942.

Suite à une rencontre fin 1942 à Ussel (Corrèze) entre Nouguès et Marie Madeleine Fourcade (devenue responsable du réseau Alliance), le réseau Cochet-Nouguès rejoignit alors le réseau Alliance (SR Alliance). Victor Renaud y cumula sous le pseudonyme de « Pataud » matricule A35 (soit le second degré du réseau), les fonctions d’agent de renseignements et de liaison avec celle de boîte aux lettres du secteur. Au cours de l’été 1943, il obtint un contrat sur le chantier du barrage d’Eguzon (Indre), il en profita pour repérer les installations allemandes (en particulier les mesures de protection anti-aériennes, les « saucisses ») et transmettre les plans à Londres. En octobre de la même année, il participa activement aux premiers passages des réfractaires vers l’Espagne et l’Angleterre. Suspecté par les services de renseignements allemands et sans doute dénoncé par un voisin collaborateur, il fut visé par une perquisition de la Gestapo le 10 octobre 1943, alors qu’il était en mission ; elle pilla sa maison, lui volant toutes ses économies, et terrorisa son épouse.

« Grillé » pour le réseau Alliance, Victor Renaud devait être mis en sécurité. Le réseau qui l’appréciait particulièrement, voulut l’envoyer à Londres. Victor Renaud refusa car il voulait pouvoir continuer à veiller sur les siens. Il entra alors dans la clandestinité auprès de l’AS (Armée secrète) dont Alfred Maldant, instituteur à Fresselines (Creuse) et officier de réserve était le chef pour la région nord de la Creuse avec le grade de Chef de Bataillon (Bataillon Anne). Victor Renaud devint son officier de liaison. Sa femme, qui attendait un enfant, mourut rongée par l’angoisse en janvier 1944. Peu après il décida de confier son fils de 12 ans, François, à Frère Bernard (Jean Gouiller), directeur du pensionnat Saint Joseph de la Souterraine (qui cachait également des enfants juifs) et membre du réseau Alliance. Le 23 mars 1944 à Limoges, le chef de région du réseau Alliance, André Girard (Pointer A1), le rencontrant par hasard « coiffé d’un chapeau, le nez chaussé de lunettes noires » lui conseilla à nouveau le départ et confirmant l’assistance du réseau Alliance pour sa famille, il lui proposa de nouveau sans résultat de l’exfiltrer vers Londres.

Le 28 mai 1944 au matin eut lieu l’embuscade de Vaussujean (Creuse). Un détachement du 1° Régiment de France chargé de la surveillance de la ligne de chemin de fer Paris-Toulouse, tendit une embuscade à un convoi du maquis et abattit sept résistants, en blessant plusieurs autres. Victor Renaud qui était tout près, scandalisé par les violences, vint protester auprès du lieutenant. Il avait déjà été dénoncé la veille au lieutenant qui dirigeait le détachement par un collaborateur habitant Vaussujean. Arrêté, il fut conduit à la caserne des GMR de La Souterraine (Creuse). Il fut remis à la Milice et subit son premier interrogatoire par Jean Filliol (un des fondateurs de la Cagoule) chef du deuxième bureau (renseignement) de la Milice de Limoges. Victor Renaud fut ensuite conduit à Limoges, à la caserne du Petit Séminaire, où était installé Filliol. Soupçonné par Filiol d’être un des chefs des FTP locaux (vraisemblablement par confusion avec l’arrestation de 17 membres d’un maquis FTP et de leurs chefs Roger Gerbaud et André Béguin près de la Souterraine le 17 mai 1944), il fut torturé à de nombreuses reprises, mais ne parla pas. Il fut finalement présenté devant une cour martiale du régime de Vichy et condamné à mort par des juges français dont les noms resteront inconnus. Il fut exécuté aussitôt, le 23 juin 1944 en même temps que Roger Gerbaud et André Béguin, par des Miliciens français à la maison d’arrêt de Limoges. Après avoir refusé d’être attaché et d’avoir les yeux bandés, il tomba sous les balles après avoir crié "Vive la France".
Sa dépouille fut ramenée au cimetière de Saint Sébastien le 23 septembre 1944, et honorée par le Colonel Guingouin, par le Commandant Maldant des « Bataillons Anne », par les chefs du réseau « Alliance » et les FTP. Il fut élevé au grade de chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume par décret du 30 octobre 1947, Médaille de la Résistance (décret du 30 mars 1949). Une rue de St Sébastien porte son nom, ainsi qu’un carrefour à La Souterraine, et une stèle rappelle sa mémoire à Vaussujean.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article176631, notice RENAUD Victor, Émile, Jacques, François, Marie par Michel Thébault, version mise en ligne le 17 novembre 2015, dernière modification le 16 avril 2021.

Par Michel Thébault

SOURCES : Renseignements familiaux de Mme. Jeannette Renaud — Archives municipales Limoges 4H142 — SHD GR 16P 505450 — Les SS en Limousin, Quercy et Périgord, Paris, Éditions Presse de la Cité, 1998 (la préface de Marie Madeleine Fourcade consacre un long paragraphe à Victor Renaud consultable sur le site http://pointer.voila.net/central.htm) — Victimes du tortionnaire et assassin Filiol en Limousin. Marc Parrotin, Bulletin de la société historique et archéologique du Périgord, 2005 N°3 — fiche Wikipedia sur Victor Renaud (fr.wikipedia.org/wiki/Victor_Renaud) — René Castille, Les réseaux de renseignements en Creuse, chapitre Victor Renaud (réseau Alliance), héros et martyrwww.creuse-resistance.fr/uploads/PDF/Reseauxencreuse.pdf) — Le bataillon Anne (http://monvillagecreusois.over-blog.com/pages/BATAILLONS_ANNE-544835.html). — État civil.

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