GARCIA Henri

Par André Balent

Né le 19 décembre 1920 à Decazeville (Aveyron), mort fusillé à la butte de la Madeleine (Villeneuve-lès-Maguelone, Hérault) le 22 mai 1944 ; mineur de charbon à Decazeville ; communiste clandestin ; résistant (FTPF).

Henri et Odette Garcia le jour de leur mariage.
Henri et Odette Garcia le jour de leur mariage.

Henri Garcia était le fils de Manuel Garcia, manœuvre d’origine espagnole, et de Paule Rauz, sans profession. Il s’était marié le 24 juillet 1943 à Decazeville avec Odette Beliakoff, fille d’un mineur russe émigré en France avant 1914, née le 30 août 1922.

Mineur dans sa ville natale, il s’engagea dans la Résistance. Ancien militant des Jeunesses communistes dont il fut l’un des responsables decazevillois, il adhéra ensuite au PC clandestin. Il fut, avec son frère Louis le responsable de l’OS (Organisation spéciale du PC) puis du groupe des FTPF légaux de Decazeville. Garcia dirigea une opération de sabotage dans le bassin minier (fin février ou début mars 1944). Il était aussi proche d’un autre militant des FTP decazevillois, Pierre Delpech, alors étudiant en médecine et futur maire de Decazeville (1977-1994). Aux houillères de Cransac, les FTPF endommagèrent deux locomotives au dépôt des petites machines. Au dépôt des grandes locomotives du Gua ils piégèrent un engin de traction. Il fut l’un des organisateurs de l’attentat contre le commissaire de police de Decazeville, Georges Roche. Ce dernier, provenant d’Istres (Bouches-du-Rhône) avait été nommé commissaire de troisième classe à Decazeville le 16 juin 1941. Zélé, il multiplia, à partir de 1943, les arrestations et les interrogatoires "musclés" de résistants du bassin houiller de Decazeville. Son activité répressive lui valut, le 9 mai 1943, une promotion par René Bousquet lui-même au grade de commissaire de deuxième classe. La fermeté de sa répression du "terrorisme" lui valut l’appui sans failles de l’intendant de police milicien de Montpellier, Pierre Marty. Mais les résistants decazevillois, toutes tendances confondues (AS, FTPF, AGE), lui reprochaient son attitude au point qu’un projet d’attentat fut projeté par les FTPF légaux de Decazeville avec, ainsi que l’a bien montré Jean Costuméro (op. cit., d’après des sources écrites diverses et le témoignage tardif de la veuve d’Henri Garcia qu’il a recueilli), l’appui des guérilleros espagnols (AGE) et du socialiste Paul Ramadier, ancien ministre, proche des "groupes Vény" (AS) surtout présents dans le Lot voisin et qu’il finançait mais aussi des guérilleros du bassin houiller. Le 6 mars, Roche informa Pierre Marty qu’il avait reçu une menace de mort des FTPF (dactylographiée par Odette, l’épouse d’Henri Garcia) qui lui demandaient de choisir entre suicide et attentat. Henri Garcia et Pierre Delpech furent chargés de la "liquidation" du commissaire Georges Roche. Les guérilleros aidèrent à la logistique et Paul Ramadier donna 10 000 francs à chacun des deux policiers (les inspecteurs Boissin et Bessières) qui avaient été chargés de la garde rapproché de Roche afin qu’ils trahissent leur chef. Le 8 mars,1944, vers 8 h 45 mn, dans la rue, Garcia et Delpech abordèrent Roche près de son domicile, accompagné de l’inspecteur Boissin et du secrétaire de police Albert Julien. Plusieurs coups de feu furent tirés, principalement par Garcia. Roche fut atteint à la colonne vertébrale et dans la partie droite supérieure de la poitrine. Julien ne fut que très légèrement blessé. Roche succomba à ses blessures le 10 mars. Garcia et Delpech purent s’enfuir sans problème même si leur signalement fut consigné (âge et taille approximatifs, cheveux blonds de Garcia, bruns de Delpech). De retour chez Garcia, Delpech déclara à la femme de son ami et camarade : "on vient d’étendre le commissaire de police". Tous deux plongèrent alors dans la clandestinité. Delpech gagna, quant à lui, le maquis (FTPF) d’Ols (Aveyron).

Le 22 avril 1944, Garcia fut arrêté (avec Domingo Crespo, autre membre du triangle de direction des FTPF de Decazeville qui s’enfuit). Garcia considéra que Crespo l’avait trahi, selon les confidences qu’il fit à sa femme venue lui rendre visite à Montpellier où il était détenu par les hommes de l’intendant Hornus, successeur de Pierre Marty) lors d’un banal contrôle de police, à Millau (Aveyron) où il était en mission. Il y fut torturé. Garcia fut transféré à Montpellier. On lui reprochait des actes de "terrorisme", principalement du meurtre du commissaire Roche dont il fut soupçonné après son arrestation d’être l’un des deux exécutants.

Henri Garcia, fut condamné à mort par la Cour martiale de la Milice de Montpellier (Hérault) lors de sa troisième séance en même temps que Louis Bonfils. Il fut fusillé à la butte de tir de la Madeleine à Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault) où furent passés par les armes quinze autres résistants entre le 14 mars et le 11 juillet 1944. En effet, afin de les exécuter à la Madeleine, une section du GMR Maguelone accompagna les deux hommes dans une camionnette, après les avoir extraits de l’intendance de police de Montpellier où ils avaient été jugés. Bien que fusillé sur le territoire de Villeneuve-lès-Maguelone, son acte de décès fut consigné à l’état civil de Montpellier.
Sa femme et sa belle-soeur lui rendirent visite à Montpellier où il était détenu (dans les circonstances de l’époque, le voyage en train entre Decazeville et Montpellier fut particulièrement long). Lors de deux visites, elles constatèrent les tortures qu’il avait subies en voyant son visage tuméfié. Odette Garcia rejoignit ensuite le maquis d’Ols où, agent de liaison, elle retrouva Pierre Delpech
Henri Garcia fut déclaré " mort pour la France " pour son engagement dans les FFI. Son nom figure sur la stèle de la Madeleine commémorant les fusillés sur ce site par les Allemands ou les GMR et sur celui, 300 m en contrebas, le long de la route reliant Montpellier à Sète. Il figure aussi sur le monument de Sainte-Radegonde (Aveyron) commémorant les victimes rouergates des forces allemandes ou des collaborationnistes.
Inhumé à Montpellier, son corps fut transféré après la Libération au cimetière de Luynes (Bouches-du-Rhône). Centre-Presse (Rodez) et La Dépêche (Aveyron) se firent l’écho du transfert de ses dépouilles au carré militaire du cimetière Miramont de Decazeville le 20 octobre 2011 et de la cérémonie à laquelle elle donna lieu. Sa femme, Odette, était, elle-aussi, impliquée dans la Résistance. Après la Libération, elle fut homologuée commandant des FFI. Elle résidait alors à Carmaux (Tarn) où elle mourut le 20 décembre 2011
Le commissaire Georges Roche exécuté par Garcia et Delpech fut à son tour déclaré "mort pour la France" en octobre 2016 et, le 16 de ce mois, la mention marginale fut inscrite en marge de l’état civil de Decazeville au bas de son acte de décès.
Voir : Lieu d’exécution de Villeneuve-lès-Maguelone ; Lieu d’exécution de Sainte-Radegonde.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article177077, notice GARCIA Henri par André Balent, version mise en ligne le 4 janvier 2016, dernière modification le 14 août 2019.

Par André Balent

Henri et Odette Garcia le jour de leur mariage.
Henri et Odette Garcia le jour de leur mariage.
Clichés fournis par Jean Costumero
Clichés fournis par Jean Costumero

SOURCES : Arch. dép. Aveyron, 489 W 53 ; 204 W 75 ; 324 W 72, 338 W 92. — Danièle Arnaud, Les fusillés de la Madeleine", ouvrage inédit (2018), manuscrit. pp. 20-21. — Jacques-Augustin Bailly, La Libération confisquée. Le Languedoc 1940-1944, Paris, Albin Michel, 1993, 481 p. [p. 42]. — Jean Costumero, De Decazeville au Val d’Aran.Dans les pas d’un guérillero espagnol combattant pour la France, s. l., Association guérilleros y Re conquista, 2011, 519 p. [pp. 241-251], préface d’Henri Moizet.. — Christian Font, Henri Moizet, Maquis et combats en Aveyron, Chronologie 1936-1945, Rodez & Toulouse, ONAC Aveyron, ANACR Aveyron, CRDP Midi-Pyrénées, 2e édition, 2001, 412 p. [p. 203]. — Centre-Presse, quotidien, Rodez, rubrique de Decazeville, 20 octobre 2011. — La Dépêche, quotidien, Toulouse, édition de l’Aveyron, 23 octobre 2011. — site Mémorial Genweb consulté le 3 décembre 2015. — État civil.

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